Octobre 2024
« La France a tué mon mari ! »
« La France a tué mon mari ! » Accusation terrible prononcée le mercredi 28 août, à Mandelieu-la-
Napoule, par la désormais veuve du gendarme Eric Comyn, tué par un chauffard multirécidiviste le lundi
26 au soir, à Mougins dans les Alpes Maritimes. Phrase terrible, car dite avec force lors d’une
cérémonie officielle d’hommage devant de nombreuses caméras et donc adressée à la France entière.
Phrase terrible d’abord par celle qui la prononce car elle y exprime sa souffrance, sa douleur et sa
colère. Les mots claquent ; ils sont durs, mais ils sonnent clairs et justes. Mais phrase terrible aussi pour
tous ceux qui la reçoivent, qu’ils soient présents autour d’elle à Mandelieu ou devant leur écran de
télévision, partout en France. Comment ne pas penser à cet instant au « J’accuse » d’Emile Zola lors de
l’affaire Dreyfus.
« La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance. Comment,
pourquoi cet homme multirécidiviste peut-il évoluer en toute liberté ? Quand est-ce que nos “législatifs”
ouvriront réellement les yeux ? Faut-il qu’ils soient touchés directement pour agir ? ». Oui, l’homme qui a
tué son mari est un chauffard ivre, étranger bénéficiant d’une autorisation de séjour, qui cumulait les
délits de violence et les délits routiers sans que jamais cela ne se traduise ni par une sanction lourde, ni
par une expulsion. Défavorablement connu des services de police, selon la formule consacrée, il
bénéficiait de l’impunité. Il était d’ailleurs convoqué au tribunal dans les prochains jours pour un éventuel
retrait de permis de conduire consécutif à une infraction commise depuis plus d’un an. Alors oui, le lien
que fait cette femme entre le laxisme de l’État et la mort de son mari, s’il n’est pas direct, n’en est pas
moins réel.
Pour rappel, en 2011, le Conseil de l’Europe stipulait que :
les responsables d’actes se traduisant par de graves violations des droits de l’Homme doivent être
tenus de répondre de leurs actes ;
l’absence d’obligation d’en répondre encourage la répétition des crimes, les auteurs et les tiers se
sentant alors libres de commettre de nouvelles infractions sans craindre d’être punis ;
l’impunité des responsables d’actes relevant de graves violations des droits de l’Homme ajoute à
la douleur des victimes ;
la lutte contre l’impunité s’impose afin de rendre justice aux victimes, de prévenir de manière
dissuasive la commission de nouvelles violations, ainsi que de préserver l’Etat de droit et la confiance de
l’opinion publique dans le système judiciaire, y compris lorsqu’il existe un héritage de violations graves
des droits de l’Homme.
D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur, monsieur Darmanin, bien que démissionnaire, ne s’y est pas trompé
en déclarant depuis Paris « Je comprends ce cri de détresse, de colère, et je suis là pour, avec le
gouvernement, l’entendre », a-t-il assuré le mercredi 28 août, après la cérémonie d’hommage. Il a ajouté :
« On assassine des policiers, des gendarmes, et il faut que la justice, en effet, soit beaucoup plus ferme
contre ceux qui utilisent leur véhicule – que ce soient des quads, des motos, des voitures – comme des
armes. »
La lettre d’OCTOBRE 2024
Harmonie, (c’est le prénom de madame Comyn) a été comprise par de nombreux Français qui pensent
que l’Etat n’assure plus ses fonctions régaliennes. Ses propos n’étaient pas vindicatifs, ils n’appelaient
pas à la vengeance, mais demandaient que les délinquants soient punis à proportion de leurs exactions.
Ils avaient valeur de démonstration implacable, ponctuée de « premièrement », « deuxièmement », etc. et
dénonçaient, en fait, le refus d’agir des politiques vécu comme un abandon. Car c’est bien aux élus
nationaux, « les législatifs », en présence des élus locaux de l’endroit, qu’elle s’adressait lorsqu’elle disait :
« faut-il qu’ils soient touchés directement pour agir ? » traduisant ainsi le sentiment de plus en plus
répandu que ceux-ci s’intéressent plus à leurs intérêts personnels qu’à ceux du peuple.
Mais la phrase terrible, « La France a tué mon mari ! », interpelle et inquiète chacun d’entre nous. En effet,
si les forces de l’ordre sont devenues des cibles et ne sont pas mieux protégées alors qu’ils représentent
l’État, quel est notre statut à nous, simples citoyens ? Si policiers, gendarmes, pompiers, bref tous les
représentants de l’État sont abandonnés, qu’en est-il de nous ? Si les refus d’obtempérer sont en
diminution depuis quelques années, ceux qualifiés d’aggravés, c’est-à-dire accompagnés de violences
graves, se sont, dans le même temps, fortement accrus. Cela est peut-être à mettre en relation avec
l’augmentation des automobilistes roulant sans permis et, ou, sans assurance. Quoi qu’il en soit, le fait
de faire une minute de silence à l’Assemblée nationale pour un délinquant en ayant commis un dont
l’issue lui a été fatale, est-il la solution à cette dérive ?
Lors de la cérémonie des funérailles d’Eric Comyn, le 02 septembre à Nice ; le ministre de l’Intérieur
dont la présence avait été souhaitée par sa veuve, a déclaré : « le meurtrier a tué un représentant de
l’Etat et nous a tous un peu assassinés (…) La société doit répondre à ces crimes pour qu’ils s’arrêtent
enfin ». Il a évoqué « un message qui doit être entendu et doit se traduire partout, dans toutes les sphères
de décision ».
Dont acte, monsieur le ministre démissionnaire, à la condition que « le législatif » interpellé par madame
Comyn vous entende et prenne les mesures permettant d’atteindre cet objectif
Gilbert ROBINET
La teneur des propos de ce texte n’engage que la responsabilité de son auteur
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