LE REPUBLICAIN LORRAIN
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LORRAINE
La longue histoire de la libération de la Lorraine en 1944
Frédéric Plancard
L’arrivée des Américains à Verdun le 31 août 1944. Photo DR
Depuis le Débarquement du 6 juin 1944, les troupes US mettent du temps à atteindre Paris, libéré le 25 août. Si les premières villes lorraines sont délivrées du joug allemand fin août, il n’en est pas de même du reste de la Lorraine. Il faut attendre mars 1945 pour que l’est de la Moselle soit libéré. Le D-Day a été un immense espoir. Mais depuis le 6 juin, « l’avancée américaine a été très lente », confie Jean-Pierre Harbulot, ancien enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale en Lorraine française. Il a fallu deux mois et demi pour que Paris soit libéré le 25 août 1944.
Et puis, « tout est allé très vite. Il a fallu une semaine pour arriver aux premières terres lorraines » avec, fin août, les premières localités libérées comme Verdun le 31 août. « La joie est immense », mais elle ne sera pas partagée avant longtemps par une bonne moitié de la Lorraine. Nancy est libéré le 15 septembre , comme tout le nord de la Meurthe-et-Moselle Briey, Longwy, Toul, Pont-à-Mousson… Ainsi que la Plaine des Vosges, Épinal est libéré le 24 septembre. Et Metz, bien plus tard, le 22 novembre 1944.
« On pourrait se dire que les Allemands ont fui après de grosses défaites », poursuit Jean-Pierre Harbulot. En fait, « il y a eu une inintelligence tactique d’Hitler qui a facilité la tâche des Américains entre Paris et la Lorraine afin de replier un maximum d’unités allemandes sur la rivière Moselle et la place forte de Metz » pour établir une ligne de défense. Une ligne de front s’établit de Thionville, Château-Salins jusqu’à Saint-Dié. « Les résistances allemandes sont fortes autour de Metz et des forts. Les Américains font le siège de Metz qui prend du temps ».
Résistance forte aussi dans « le réduit vosgien ». « Himmler vient en personne à Saint-Dié début septembre » pour qu’une ligne de défense soit aménagée et réalise un point de blocage contre « les avancées des IIIe et VIIe armées US et de l’armée de Lattre. C’est un verrou qui tient jusqu’à la fin novembre 1944 ». Gérardmer tombe le 19 novembre et Saint-Dié le 21.
Dans ce « réduit vosgien », on trouve « des Jeunesses hitlériennes, différentes unités démantelées par rapport à ce qui s’est passé en France et un grand nombre de services de la Gestapo qui étaient en France et qui se replient », souligne Jean-Pierre Harbulot. « Ce sont des unités disparates mais décidées » et en face, « il y a énormément de femmes et d’hommes entrés en résistance et qui sont décidés à lutter ».
La répression est féroce, avec « des rafles très importantes , comme dans la vallée du Rabodeau ». Les Vosges « est l’un des départements français où la Résistance a eu le plus de pertes » avec des départs en déportation ou des exécutions. On note aussi la rafle en Meurthe-et-Moselle à Pexonne, le 27 août 1944, et en Meuse, fin août 1944, avec le massacre de la vallée de la Saulx.
« Partout, les initiatives des résistants ont facilité la Libération mais des représailles allemandes, il y en a également eu un peu partout ». Et des destructions aussi, « parfois sans pareil comme pour la ville de Saint-Dié, bombardée au moment du départ des Allemands. Dans les Vosges, les Allemands appliquent la politique de la terre brûlée ».
Plus tard encore est libéré l’est de la Moselle. L’hiver 44-45 est froid, Hitler lance une offensive sur Bastogne et « les troupes de Patton y vont. L’Alsace et la Moselle ne sont plus une priorité », même si Strasbourg est libéré le 23 novembre.
Cela « explique cette libération tardive de Forbach le 14 mars 1945 ou de Bitche le 16 mars ».
Grâce à La Fayette et au souper de Metz, Patton aurait décidé de ne pas bombarder la ville
Le général Patton à Metz en 1945 lors du premier anniversaire de la libération de la ville. Photo Archives RL
Réalité ou légende construite a posteriori ? En tout cas, l’épisode est devenu célèbre et refait surface de temps à autre.
L’histoire de Metz est liée à celle du général Patton et au marquis de La Fayette. La statue équestre de ce dernier, représenté sabre au clair, trône au jardin Boufflers à l’Esplanade à Metz. Elle est l’œuvre de l’artiste Claude Goutin et matérialise dans le bronze un épisode célèbre, celui du souper de Metz. Il rassemble en 1775, entre autres, La Fayette et le frère de George III, le roi d’Angleterre. Ils discutent ensemble de la gestion des colonies américaines. Et c’est là que La Fayette aurait pris la décision d’aider les insurgés américains dans la guerre d’indépendance.
À l’automne 1944, l’histoire de La Fayette à Metz aurait permis de sauver la ville. En effet, se confrontant à une résistance dure de la part des Allemands dans la ville et aux alentours, le général Patton aurait voulu bombarder Metz. Mais un de ses officiers, se souvenant de l’épisode du souper messin, aurait soufflé l’histoire à l’officier général. Ce dernier aurait décidé d’épargner la ville en mémoire de l’aide apportée par le marquis.
La vérité semble tout de même plus prosaïque et l’anecdote trop belle pour être vraie…
Metz a été libéré le 20 novembre 1944.
Verdun : le pont Legay et le massacre de Tavannes
Le pont Beaurepaire sauvé par Legay et ses camarades le 31 août 1944 à Verdun. Photo DR
Le 31 août 1944, les chars de la IIIe Armée américaine commandée par Patton arrivent à Verdun. Des explosions ont été entendues toute la nuit. Et si la Wehrmacht est en débâcle, les Allemands ont truffé d’explosifs le pont Beaurepaire , seul pont encore vaillant sur la Meuse. S’il saute, l’avancée américaine en sera considérablement retardée.
Les panneaux de commande des explosifs sont accrochés aux arbres de la place Chevert toute proche et sont bien évidemment placés sous surveillance. Vers midi, Fernand Legay se glisse discrètement et tranche un des câbles, sauvant ainsi le pont. Avec trois de ses camarades, Louis Hénon, Henri Schluck et M. Evins, ils jettent la dynamite dans la Meuse. Les troupes Patton peuvent alors poursuivre leur route. Une action héroïque qui a également permis d’éviter des combats, des morts et des destructions.
Consécutivement à la Libération de Verdun, le 30 août 1944, seize hommes, dont un inconnu, sont exécutés froidement par la Gestapo dans une clairière près du fort de Tavannes , dans la région de Verdun. Le charnier ne sera découvert qu’en décembre de la même année. Une cérémonie est organisée tous les ans sur le site.
Plusieurs mois de commémorations
Des chars américains sur la place Stanislas le 15 septembre 1944, jour J de la libération de Nancy.
De nombreux territoires lorrains s’apprêtent à fêter les 80 ans de la Libération. Pour la plupart, le programme n’a pas encore été communiqué. Mais quelques événements ont déjà été annoncés. En Moselle, le Département monte au front et son plan de bataille s’étalera sur sept mois, de septembre 2024 à mars 2025 , soit le temps qu’aura duré la libération du département, de Gorze, première commune à être libérée, à Bitche, la dernière. Parmi les temps forts : l’inauguration d’un mémorial à Corny-sur-Moselle, théâtre d’intenses combats qui ont vu 945 GI’s américains perdre la vie en septembre 1944, l’inauguration le 13 octobre à Gravelotte d’une sculpture de l’artiste parisien Xavier Dambrine, qui symbolisera la Moselle résiliente. Un hommage sera aussi rendu à un enfant de Moselle, Alexandre Lofi , décédé en 1992, qui a intégré les commandos Kieffer qui ont débarqué en Normandie le 6 juin 1944. Enfin, « un final exceptionnel » est annoncé à Bitche le 25 mars.
En Meurthe-et-Moselle, Nancy a l’intention de marquer le coup du 10 au 25 septembre. « Une très belle cérémonie protocolaire » aura lieu place Stanislas le dimanche 15 septembre, jour anniversaire exact des 80 ans. Le reste du programme aura vocation « culturelle, scientifique et pédagogique », sous forme de conférences, débats, expositions, colloque (« En finir avec la guerre en Lorraine »), projections de films ou visites des abris antiaériens.
• Des descendants de vétérans
Dans le Lunévillois, quatre cérémonies entre le 12 et le 14 septembre sont programmées. Des descendants des vétérans de la 79e division US y participeront. Ainsi que 700 enfants des écoles. Un monument dédié au 315e régiment d’infanterie de la 79e division sera inauguré à Halloville, ainsi qu’une place au nom du lieutenant Robert Donald Kellett, mort à 21 ans pour libérer le village. Dans le Toulois, les commémorations viseront notamment à valoriser l’engagement de la jeunesse, à travers l’exemple des combattants et de la Résistance. À Vittonville, la commune recevra elle aussi des familles de vétérans américains. Elle met par ailleurs en place un chemin de mémoire permanent avec des plaques explicatives de ce qu’il s’y est passé durant l’Occupation sur chaque monument et lieux mémorables.*
« Il y a eu une inintelligence tactique d’Hitler qui a facilité la tâche des Américains. »
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