mercredi 30 novembre 2022 Un jour, I une histoire Le Républicain Lorrain

FLAVIGNY-SUR-MOSELLE

Maurice, 96 ans, a vraiment fait de la Résistance

Saïd LABIDI

 Maurice Lemoine a été reconnu résistant à l’âge de 96 ans. Il est ici avec son épouse Geneviève

Maurice Lemoine a bien participé à la bataille du pont de Flavigny-sur­ Moselle, comme l’attestent des documents des FFI datant de 1945 et comme il l’a toujours prétendu. Les papiers dont il ignorait l’existence dormaient dans une malle avant d’être découverts par hasard…

Maurice Lemoine n’a rien à voir avec Jean Moulin, il le sait bien. Mais il ne mentait pas quand il racontait le petit rôle qu’il a joué pendant la Libération, au cours de la bataille du pont de Flavigny-sur-Moselle, du 9 au 11 septembre 1944. À 96 ans, il n’a pas le sentiment d’avoir fait quelque chose d’exceptionnel du reste, ni même d’avoir été « Résistant », avec un grand « r », comme s’en targuaient certains « notables» de l’après-guerre, auréolés du prestigieux label FFI (Forces française de l’intérieur) Ses faits d’armes ? Il y a bien longtemps qu’il a décidé de ne plus en parler. Lassé qu’on ose mettre en doute sa parole ou que l’on se permette de le charrier en l’assimilant à ces « résistants de la dernière heure », Maurice Lemoine s’était résolu à garder cet épisode pour lui et ses proches.

Geneviève, notamment, son épouse avec qui il partage une spacieuse chambre dans l’Ehpad de Bayon et sur qui il a toujours pu compter. Après tout, « tant qu’on a sa conscience pour soi, on n’a pas besoin de la reconnaissance des autres », aime à répéter Antoinette Laval, sa petite­ cousine, dont le défunt père a, lui aussi, été moqué. « À un moment donné, ils en avaient tellement sur la patate, qu’ils ne voulaient plus mettre les pieds à Flavigny. Ce doit être rageant de s’entendre dire : « En fait, vous étiez tous résistants. » Maurice Lemoine « l’insoumis », son cousin, ainsi qu’une cinquantaine de jeunes garçons de Richardménil et Flavigny-sur-Moselle ont bel et bien fait partie des FFI ayant « contribué » à la terrible bataille du pont de Flavigny- sur-Moselle, quatre jours avant la libération de Nancy,, au cours de laquelle un millier de soldats américains ont perdu la vie. Le diplôme qui l’atteste a été établi en 1945. Mais ces papiers, qui réhabilitent son honneur et sa parole, n’ont fait leur réapparition qu’en juillet 2021 ! En fait, il en ignorait l’existence.

Les papiers dormaient dans le grenier d’une maison de Bainville-sur-Madon, au fond d’une malle. Ils ont été découverts par les propriétaires actuels. La demeure appartenait à la belle famille d’Henri Fau, maire de Flavigny-sur­ Moselle de 1935 à 1971, directeur de l’OHS depuis 1941, dans lequel les soldats allemands blessés étaient soignés. Mais, surtout, « Henri Fau commandait un groupe de résistants actifs dans le sud de Nancy, relevant de l’état-major de Ludres », explique Olivier Petit, historien et 4e adjoint au maire de Bainville-sur-Madon qui a mené des recherches.

A l’époque, Maurice Lemoine a tout juste 18 ans, une « grande gueule » et la tête dure « comme tous les Lemoine. » Lui et d’autres gamins du coin se font embaucher de force par les Allemands pour creuser des tranchées. Avec deux copains, ils se font la belle… sous les balles. Dès lors, ils intègrent ce groupe qui collecte des informations sur les Allemands, et participent à des opérations de sabotage. Alors que les troupes alliées approchent de Nancy, les Allemands concentrent leurs forces dans le bois d’Azelot. Le pont de Flavigny-sur-Moselle est le seul encore debout.

Maurice Lemoine ira au péril de sa vie à la rencontre des Américains pour les informer des positions allemandes. À la libération, le jeune homme a pris sa casquette, sa « musette sur le dos » et a passé une vie de labeur dans les aciéries de Neuves-Maisons.

Une question taraude l’historien : pourquoi Henri Fau a-t-il caché l’existence de ces diplômes à ses anciens compagnons ? Maurice Lemoine n’en a aucune idée. Les deux hommes se sont un temps côtoyés au conseil municipal avant que Maurice Lemoine en démissionne. Pourquoi ? « Je ne ferai pas de commentaire. » Le mystère demeure entier.

Les papiers dormaient dans le grenier d’une maison de Bainville-sur-Madon.

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