jeudi 4 janvier 2024
Agglomération de Forbach STIRING-WENDEL
Une Allemande parcourt 500 km pour remettre le journal intime d’un Malgré-Nous
Gaëlle KrähenbühlHella Neusiedl-Hub (à droite) a recherché durant de longs mois la famille du soldat Kieffer, auteur de ce journal intime, dont elle avait hérité par hasard. Ce mercredi 3 janvier, elle est venue remettre l’objet en main propre à Marie-Louise Mayer, 96 ans, la petite sœur d’Auguste Kieffer, à Stiring-Wendel. Photo Gaelle Krähenbühl.
Le journal intime d’Auguste Kieffer, de Stiring-Wendel, enrôlé de force dans I ‘armée allemande en 1943, a refait surface. Hella Neusiedl-Hub, une Allemande, I’ a découvert dans l’héritage de sa grand-mère. Elle vient de parcourir 500 kilomètres pour le remettre en main propre à la petite sœur du soldat.
C’est un petit carnet épais au papier légèrement jauni. La couverture est abîmée par endroits. A l’intérieur, une écriture en langue allemande s’étale sur des pages entières, griffonnée avec soin au stylo-plume. Ce mercredi 3 janvier, installée dans le salon de son appartement de Stiring-Wendel, Marie-Louise Mayer, 96 ans, prend fébrilement l’objet en mains. II a pour elle une valeur toute particulière. II s’agit du journal intime d’Auguste Kieffer, son frère aujourd’hui décédé, enrôlé de force dans l’armée de l’air allemande, la Luftwaffe, en 1943. II avait 19 ans. Sur la première page, on peut lire « Carnet de bord de mon expérience de guerre au sein du Reich allemand, entamé le 6 janvier 1943 ». Le cahier est un récit, jour après jour, du quotidien d’un Malgré-Nous.
• Un carnet passé de main en main
La nonagénaire est émue. Son regard se pose sur la femme en face d’elle, Hella Neusield-Hub, une Allemande originaire de Bavière. C’est elle qui vient de lui remettre le journal. « II faisait partie de l’héritage reçu de ma grand-mère », explique cette dernière. Hier, elle a parcouru 500 kilomètres depuis Munich pour rendre le journal à la famille du soldat.
« Durant la guerre, mes grands-parents habitaient près d’une base aérienne militaire à Münster », poursuit-elle. « Les soldats qui partaient combattre leur confiaient leurs biens, pour qu’ils ne soient pas perdus. Ce carnet en faisait partie. »
• Retrouver la famille de I’ auteur
Auguste Kieffer l’avait d’abord remis à un camarade soldat, avec pour consigne de le donner à ses parents. Son ami avait fini par le confier au couple allemand. « Mes grands-parents ont ensuite déménagé plusieurs fois, mais ils ont toujours conservé ce carnet, sûrement parce qu’il était bien écrit et comportait des photos. J’en ai hérité en 1980. Quand j’ai été adulte, je me suis donnée comme mission de retrouver la famille de l’auteur. » Hella Neusield-Hub cherche le moindre indice dans les écrits d’Auguste Kieffer, par les noms des personnes citées, des lieux. En vain. « C’est finalement lors d’un marché de Noël en Bavière en novembre dernier que la lumière s’est faite. » Elle rencontre Edouard Festor, un généalogiste originaire de Carling. Elle lui parle du carnet. En quelques jours, la famille du soldat est identifiée à Stiring-Wendel. Le contact est pris.
- II raconte son enrôlement
Ce mercredi matin, dons le salon de la famille d’Auguste Kieffer, l’émotion est vive. L’Allemande est tout sourire devant la joie de Marie Louise Mayer et de Solange Kieffer, la demi-sœur du soldat, qui découvrent pour la première fois le journal intime de leur frère. Jean Claude Mayer, le fils de la nonagénaire lit quelques passages. « II écrivait presque tous les jours », souffle-t-il. « II raconte son enrôlement, ses déplacements depuis Cherbourg, ses rendez-vous amoureux avec des filles rencontrées dons les différentes villes. II dit que les Allemands ne lui faisaient pas confiance. II leur servait aussi de traducteur. II évoque Marie-Louise, sa chère sœur, les cartes qu’il reçoit pour son anniversaire. II espère surtout revenir vivant de la guerre. »
Les dernières lignes datent du lundi 28 août 1944, à 23 h 10. L’armée allemande commence à reculer. Auguste Kieffer rentrera chez lui en 1945. II mourra de la diphtérie un an plus tard, à l’âge de 21 ans. « On remercie vraiment Hella de nous avoir cherché et d’avoir fait tout ce chemin pour nous remettre ce carnet », confie Jean-Claude Mayer.
« Cela nous touche énormément. II en aura fait des kilomètres ce carnet… »
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