CALVADOS   la voie s’égare….le train déraille

16 avril 1942 : c’est le retour de permission pour des marins de la Kriegsmarine dont la plupart somnolent dans le train SF 906 de la ligne MAASTRICHT-CHERBOURG. Après avoir traversé la gare de Mézidon le convoi n’est plus qu’à 17 km environ de CAEN.

Un train de marchandises vient de passer ½ ou ¾ d’heure avant.

Soudain un énorme fracas, il est 3 h 30 ce matin, le train formé de 10 wagons déraille sur 60 mètres, à AIRAN en vue de la Gare de MOULT-ARGENCES située à 3 km, ces permissionnaires n’arriveront pas à destination, on entend des cris, des marins sont hébétés au milieu des corps de certains de leurs camarades. En effet cela fait suite au sabotage de la voie ferrée : fixations d’un rail long de 18 m enlevées. Les acteurs  de ce commando : Emile JULIEN, Joseph ETIENNE du FN et Charles REINERT, Désiré MARIE tous deux cheminots résistants.

Bilan :  les 1 ers   wagons, en bois, sont détruits et on relève 28 morts et 19 blessés parmi les marins.

Episode tragique pour ces soldats mais qui le sera beaucoup plus pour nos compatriotes locaux comme on le verra plus loin dans ce récit.

Le commandant militaire en chef Karl Heinrich STÜLPNAGEL reçoit d’Hitler l’ordre de faire fusiller immédiatement 28 otages et de prévoir le même nombre chaque jour jusqu’à ce que les coupables soient identifiés et arrêtés.

Mais STÜLPNAGEL ne va pas suivre exactement les directives de son Führer. Le 18 Avril il publie un avis :

1°) dans le département du Calvados, restriction de la circulation, notamment interdite de 19 h 30 à 6 h, restaurants, cinémas, théâtres fermés, pas de compétitions ou réunions sportives (un confinement avant l’heure en sorte, mais sans vaccination !).

2°) exécution de 30 communistes, juifs ou sympathisants et envisage de fusiller 80 nouveaux otages et 1000 autres à déporter si les coupables ne sont pas trouvés dans les 3 jours.

Le 17 Avril : perquisition dans tous les hôtels, débits de boisson, toutes les maisons plus fiches de police consultées, avec l’aide d’un policier rouennais, le commissaire NAZARETH chasseur de communistes et de résistants.

Une récompense de 100 000 francs est promise ce qui amène un afflux de lettres anonymes au commissariat de CAEN ; plusieurs personnes seront interrogées mais ce ne sont que des fausses pistes.

Dans chaque train il faudra mettre 20 civils français pour éviter d’autres sabotages.

Henri GRAUX1, préfet du CALVADOS demande un sursis en attendant les résultats de l’enquête. Pour cela il téléphone à Paris au représentant de Vichy, Jean-Pierre INGRAND, afin qu’il intervienne auprès de Pierre LAVAL. Gendarmes, polices française et allemande n’ont toujours rien trouvé à la date du 21 Avril.

A cette date la gare de CAEN est fouillée à la recherche de cheminots suspects, mais sans résultat.

Le 30 Avril seront fusillés 24 otages « seulement » sur les 30 prévus et 80 autres otages envisagés sont épargnés suite à une décision de LAVAL.

Malgré ces fortes représailles et les conséquences induites, un second sabotage2 a lieu dans la nuit du 30 Avril au 1er Mai faisant 10 tués et 22 blessés dans les rangs ennemis. Mais aucun des 20 otages français en accompagnement de chaque train n’est blessé.

A 6 heures du matin, 80 barrages de police française sont établis dans le département. Il faut trouver les coupables pour le 12 Mai.

Le 1 er Mai la « Feldkommandantur » 723 sise à l’hôtel Malherbe de CAEN fait parvenir une note au préfet du Calvados, Henri GRAUX.

Puis annonce que 30 nouveaux otages seront exécutés suivi d’une prochaine déportation de communistes, juifs et résistants ;

28 communistes seront fusillés en 2 vagues, l’une au mont Valérien, l’autre à CAEN.

Seront arrêtés par la « Feldgendarmerie » :  POIRIER, DATIN communistes, BOSSO et LEBRETON à Vire puis FRÉMONT communiste et BOUVERT sympathisant à Condé sur Noireau. Ils seront enfermés avec d’autres dans les sous-sols de la Maison centrale de la Maladrerie de CAEN.

3 Mai : regroupés avec d’autres otages on leur annonce qu’ils seront fusillés, heureusement un contre ordre annulera cette sentence mais ils seront ensuite déportés.

4 Mai : transportés après interrogatoire par camions à la gare de CAEN pour être dirigés sur le camp allemand de ROYALIEU COMPIEGNE au Fronstalag 22. Le train part à 22 h 30 et ils arrivent le 5 mai.

9 mai : 3 fusillés à la caserne de CAEN, des condamnés de longue date.

14 Mai : onze communistes sont fusillés à CAEN.

De son bureau de la « kommandantur » de l’hôtel Malherbe à CAEN, le Lieutenant-Colonel ELSTER, responsable du département du Calvados, remet ses instructions au préfet GRAUX et aux commissaires de police présents la liste des noms de personnes à arrêter : juifs, communistes et résistants.

 

On suggère de faire garder par les civils la ligne Paris-Cherbourg sur tout son parcours, soit à trouver 1 300 hommes dans un 1er temps puis 2 500 ensuite.

 

Le 6 Juillet 1942 les détenus s’en vont à  pied à la gare de COMPIEGNE, leur train part à 9 H30 pour arriver à AUSCHWITZ le 8. Ils sont, les quelques 1200 (dont 1 000 réquisitionnés pour le travail obligatoire et les 80 otages du Calvados : 57 communistes et 23 juifs), enfermés au block 13 pour la nuit

 

Le 9 Juillet départ vers BIRKENAU, leur destination finale et la mort pour la plupart d’entre eux.

Stèle en hommage aux déportés du 6 Juillet 1942 érigée esplanade Louvel à CAEN

Notes : 1°) préfet GRAUX relevé de ses fonctions le 6 Juin1942, n’a pas cautionné le 2 éme sabotage.

2°) les mêmes que lors du 1er  sauf « Kléber » qui remplace REINERT de service.

 

Sources : divers sites internet dont : cheminots.net et « archives du Calvados.côte du document ».

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