mardi 22 août 2023
Région I Lorraine – Républicain Lorrain
MEURTHE-ET-MOSELLE
Rafle de Pexonne en 1944 : la petite-fille du capitaine SS témoigne
Frédéric Plancard
A Pexonne, la plaque commémorative de la rafle du 27 août 1944. Photo Fabrice Labarre
Anne. petite-fille française du capitaine SS Erich Wenger. sera présente avec sa sœur Christine et son cousin allemand Sacha. à la commémoration de la rafle du 27 août 1944 de Pexonne ordonnée par leur grand-père. Un acte de compassion et de reconnaissance de la peine infligée aux familles du village.
« Nous sommes venus pour dire: je reconnais votre peine et votre peine est juste. Même si nous n’en sommes pas responsables.» Anne, qui vit en France, est la·petite fille du capitaine SS Erich Wenger qui a ordonné, le 27 août 1944, la rafle de Pexonne, petit village de Meurthe-et-Moselle proche des Vosges. 112 otages, 3 fusillés, plus de 80 déportés à Mauthausen et une quinzaine de survivants, un drame pour la commune qui, chaque année, se souvient.
« Mon grand-père a pu continuer à vivre en toute impunité et sans aucun regret. Il a ôté la vie de personnes qui n’ont pas pu vivre cette vie avec leurs petits-enfants.» Avec sa sœur Christine et Sacha, leur cousin allemand, tous trois petits-enfants d’Erich Wenger, Anne sera présente le 27 août prochain à Pexonne lors de la commémoration de la rafle . Probablement, une première en France.
« Le plus fort dans cette histoire, c’est que Guillaume Maisse cherchait les descendants d’Erich Wenger et que les descendants d’Erich Wenger cherchaient la vérité», poursuit-elle. Guillaume Maisse, lui, a écrit un livre, Pexonne, 27 août 1944. La rafle oubliée. Le contact a ainsi pu avoir lieu via la page Facebook de l’association créée par l’auteur. Un désir de savoir qui est né il y a quelques années. Le cousin Sacha avait demandé à Anne d’effectuer des recherches. Et le temps a passé.« Je m’y suis remise en juin dernier », confie-t-elle. « J’ai un frère qui était allé à Pexonne, il y a quelques années, mais il n’avait trouvé personne pour lui parler de la rafle. »
Sur internet, la fratrie trouve des bribes d’histoires concernant ce grand-père dont on ne leur avait jamais caché qui il était : « J’ai toujours su que mon grand-père était un nazi », explique Anne. Elle explique comment elle l’a vécu : « En tant que jeunes Français, c’est quelque chose dont vous n’êtes pas fiers. Pour mon cousin, du côté allemand, ce n’était pas facile à gérer.»
Car pour Anne, l’Allemagne est loin. Sa mère, Ute, l’aînée des trois enfants d’Erich Wenger, a quitté le pays« dans les années 1960. Elle part s’installer à Paris. Elle a travaillé à la Lufthansa et a épousé un Français. »
Ce grand-père, elle le voit peu : « Il est mort quand on avait 10 ans et il n’est jamais venu en France, c’est nous qui allions en Allemagne. On ne le voyait pas beaucoup. J’en ai de vagues souvenirs.» La barrière de la langue ne facilite pas les contacts:« Ma mère a arrêté de nous parler en allemand quand nous avions 3 ou 4 ans. Nous ne parlions pas allemand. On a appris l’allemand à l’école.»
Anne a beaucoup lu autour de la Seconde Guerre mondiale: « En grandissant, nous avons eu une réflexion autour du nazisme.
Malheureusement, toute situation de guerre permet à l’être humain de révéler ce qu’il y a de pire en lui. Et cela permet à ceux qui ont en eux des potentialités de cruauté, de les exprimer. »
Sur le parcours de son grand-père Wenger, elle sait« qu’il a vécu à Paris » et que « c’était un seul individu parmi une grande partie de la nation qui a marché derrière un homme». Pourtant, du côté maternel, le grand-père de sa mère« était directeur de collège. Il a refusé la carte du parti nazi et a dû quitter son emploi. Ça m’intéresserait de savoir combien de personnes en Allemagne ont eu ce geste-là ». Après la guerre, la grand-mère Wenger et ses enfants sont parties se réfugier à Berlin « chez cet homme en attendant que son père revienne les chercher ». Anne a écrit aussi sur Erich Wenger: « Avec Sacha, on a rédigé, pour la préface de la traduction en allemand du livre de Guillaume Maisse, notre version allemande et française du grand-père.»
Dimanche 27 août, Pexonne accueillera donc les trois petits-enfants d’Erich Wenger « avec plaisir. Personne n’a dit qu’il ne fallait pas les recevoir », confiait Guillaume Maisse qui espère des liens pérennes et forts entre eux et la commune. « Les liens resteront importants», déclare Anne même si elle assure aussi que « je peux entendre qu’on incarne quelque chose et que ça réveille des douleurs ». Les deux sœurs et leur cousin ne prononceront pas de discours: « On sera là tout simplement en tant que témoins. »
Très beau geste de résilience. Les jeunes ne sont pas responsables des actes de leurs grands-parents !
Ces petits enfants n’ont rien à pardonner, ils n’y étaient pas !
Je suis très intéressée par ce morceau d’Histoire §