Jeanne et Paul FRÉDEZ « Justes » béarnais, pas que !

photo collection personnelle famille
Le 6 juillet dernier Sonia Galinsky est revenue à Orthez (Pyrénées-Atlantiques) se recueillir sur la sépulture de ce couple protestant qui lui a sauvé la vie il y a 82 ans.
Venue d’Israël avec sa famille (fils, fille et gendre) elle s’est recueillie devant la tombe de Jeanne et Paul, et avec sa fille Chana (Gelfant) elle a lu une prière en hébreu (livre des psaumes de David). Chana a été submergée par l’émotion, elle ne réalisait pas jusqu’à ce jour cette dramatique période de l’histoire vécue par sa mère.

la sépulture

Sonia au centre, sa famille à droite (Photo journal sud-Ouest/David Déodic)
Sonia relate l’amour et la tolérance (prière du soir en hébreu) dont ont fait preuve les époux Frédez, ce couple protestant béarnais, qui a accueilli après une demande de l’OSE1 des enfants juifs. Demande relayée par Jeanne et Caroline Privat, originaires de Salles-Montgiscard (Pyrénées-Atlantiques) et résidentes d’une maison de retraite protestante d’Orthez.
Les parents, du nom d’Intrator, de ces enfants étaient juifs allemands réfugiés à Paris vers 1930. Mais en 1943 la situation locale les oblige à demander l’aide de l’OSE.

Famille INTRATOR (Photo famille perso)
C’est Raoul, pasteur et retraité d’EDF qui est allé en train, à Paris récupérer 3 enfants. Sonia Intrator 5 ans, sa sœur Jenny, 7 ans et leur frère Jacques 12 ans. Direction la gare d’Austerlitz puis Orthez.
A Orthez les 2 filles restent chez les époux Frédez mais le garçon Jacques est confié à la famille Emile et Félicie Treyture des cousins (et nom de jeune fille de Jeanne), habitant chemin Lapeyrère à quelques centaines de mètres de Jeanne et Raoul.
Raoul a été blessé à la guerre 14/18, il est pasteur et syndicaliste EDF. Leur fils André n’ayant pu rejoindre les forces alliées en Angleterre est resté dans la clandestinité.
Les 2 filles vont à l’école primaire sous fausse identité, Raoul a réussi à leur obtenir des cartes d’alimentation. Elles n’ont manqué de rien, surtout pas d’affection.
Un moment de frayeur un soir de 1944 lorsque la police allemande leur rend visite, fouille la maison, et découvre les 2 filles et questionne le couple. Ce ne sont que des petites parisiennes fuyant les bombardements parisiens, leur répond Raoul. Bien, pas d’inquiétude Ouf !
Ils ne sont pas les seuls béarnais à agir ainsi. Monsieur René Ricarrère l’ancien maire rappelle que ces résistants d’Orthez étaient organisés en réseau. Ce dernier a su préserver ces enfants déboussolés des tracas de l’époque, des rumeurs de mauvaises langues ou des « collabos ».
Malheureusement beaucoup de ces anonymes ont été oubliés, ils n’ont rien réclamé et sont restés dignes et fiers du devoir accompli. Ne l’oublions pas dans cette période troublée.
En fin de cérémonie l’ancien maire a guidé la famille de Sonia jusqu’à la maison de leurs sauveteurs, maison encore présente.

Sonia et Mr Ricarrère le maire
Après la guerre, Jenny (devenue OCHS) est partie à Totonto (Canada) et Sonia (devenue GALINSKI) en Israël. Quant à Jacques resté en France il allait chaque année rendre visite à ses sauveteurs, jusqu’à leur décès.
Le 16 juin 1997 le titre de « Justes parmi les « Nations » a été décerné à Jeanne et Raoul Frédez.
Lors de cette cérémonie à la mairie d’Orthez Mr René Ricarrère maire de la commune, accueillait plusieurs personnalités dont Mr Mizrahi délégué Yad Vashem. Etaient présents également Jacques, (les 2 sœurs Jenny et Sonia, résidant à l’étranger n’ont pu venir), mais aussi Paulette Lafourcade nièce de la famille Treyture et Marie-Claire Vanspranghe petite fille de Jeanne et Raoul. Après une allocution retraçant le rôle de Yad Vashem2 et celui joué par nos béarnais, le titre de « Justes parmi les Nations » fut décerné à titre posthume à Jeanne et Raoul FRÉDEZ, diplôme d’honneur et médaille remis à Marie-Claire leur petite-fille. L’émotion de Jacques fut intense et difficile à contenir. A était prononcé la rituelle phrase du Talmud « Qui sauve une Vie sauce l’humanité entière ».
Notes :
1°) Œuvre de Secours aux Enfants. Créée en 1912 à Saint-Pétersbourg (Russie) par des médecins soucieux de la santé de la population juive. En 1933 elle fuit la Russie et s’installe à Paris, non plus pour la santé mais la survie.
2°) Yad Vashem : depuis 1953, monument érigé à Jérusalem. Institut international pour la mémoire de la Shoah. Préserver et transmettre la mémoire, rassembler sur le sol israélien les souvenirs, éduquer et documenter. Distinguer les personnes, non-juives, ayant sauvé avec altruisme et philanthropie des juifs.
Sources : site internet, dont Yad Vashem.
NDLR : Cette phrase du Talmud est à l’opposé de ce que nous vivons actuellement, une violence qui enlève des vies. Les mots d’un possible dialogue sont remplacés par le « couteau » ! !. Soyons vigilants.
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