16ème législature

Question N° 9510
de Mme Louise Morel (Démocrate (MoDem et Indépendants) – Bas-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants et mémoire
Ministère attributaire > Anciens combattants et mémoire

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Titre > Indemnisation de tous les incorporés de force et orphelins de guerre

Question publiée au JO le : 04/07/2023 page : 5995
Réponse publiée au JO le : 05/03/2024 page : 1577
Date de changement d’attribution: 20/02/2024

Texte de la question

Mme Louise Morel appelle l’attention de Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, sur la reconnaissance de la tragédie vécue par les soldats incorporés de force durant la Seconde Guerre mondiale et leurs familles. Les incorporés de force regroupent 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans enrôlés contre leur volonté dans la Wehrmacht, l’armée régulière allemande et d’autres organisations paramilitaires, suite au décret Wagner du 25 août 1942 pour les Alsaciens et au décret Bürckel du 29 août 1942 pour les Mosellans. Ces hommes ont été contraints d’affronter leur patrie, la France, et à se battre contre les Alliés. Près de 15 000 Alsaciennes et Mosellanes ont été également incorporées de force dans les organisations nazies. Au total, se sont plusieurs dizaines de milliers d’incorporés de force qui sont morts ou disparus sous l’uniforme allemand, quand des dizaines de milliers d’autres sont restés prisonniers pendant des années dans les camps russes. Il s’agit d’une tragédie qui a durablement marqué l’histoire de l’Alsace et de la Moselle, ses habitants et leurs descendants. Il faudra pourtant attendre 1979 pour que l’Allemagne accepte de débloquer les fonds nécessaires à l’indemnisation des intéressés. La Fondation Entente franco-allemande (FEFA), créée par un accord intergouvernemental du 31 mars 1981, a reçu pour mission de recevoir, gérer et répartir les fonds versés par l’Allemagne aux incorporés de force. Néanmoins, seuls les incorporés de force de la Wehrmacht ont pu bénéficier d’une indemnisation. Ainsi les personnes incorporées de force dans des organisations paramilitaires du régime nazi et les orphelins de guerre issus de ce drame n’ont eu aucune indemnisation pour la tragédie subie. De leur côté, les femmes n’ont pu bénéficier d’une indemnisation qu’en 2011, grâce à une convention d’indemnisation signée par l’ancien ministre Jean-Marie Bockel. Plus de 80 ans après les faits et alors que le nombre de témoins vivants de ce drame ne cesse de diminuer, il est urgent que la France participe à sa reconnaissance symbolique dans sa globalité, afin d’assurer la transmission de la mémoire des incorporés de force. Alors que la FEFA a aujourd’hui été dissoute, elle lui demande ce qu’elle entend mettre en œuvre pour assurer l’indemnisation dans le temps de tous les incorporés de force sans exception et des orphelins de guerre. Elle lui demande également sa position quant à une renégociation éventuelle avec l’Allemagne pour parvenir à une telle convention d’indemnisation.

Texte de la réponse

L’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle par le IIIème Reich a comporté notamment l’incorporation forcée de jeunes Français dans l’armée allemande. La secrétaire d’État auprès du ministre des armées mesure pleinement l’étendue du drame vécu par ces militaires et leurs familles au cours de la Seconde Guerre mondiale et souhaite rappeler que la France a reconnu leur situation. En effet, le 1° de l’article L. 111-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) dispose que les anciens militaires alsaciens et lorrains de la guerre 1939-1945, Français, soit par filiation, soit par réintégration, soit en exécution du traité de Versailles, incorporés de force par voie d’appel, bénéficient de la législation sur les pensions militaires d’invalidité pour les services accomplis dans les armées de l’Allemagne ou de ses alliés. L’article L. 123-16 du même code précise que ces anciens militaires ont droit à pension dans les conditions fixées par le livre Ier du CPMIVG et, éventuellement, à toutes allocations, indemnités, majorations et suppléments de majorations pour infirmité résultant de blessures reçues, d’accidents survenus, de maladies contractées ou aggravées par le fait ou à l’occasion du service.  S’agissant de l’application de l’accord inter-gouvernemental entre la France et la République fédérale d’Allemagne du 31 mars 1981, il est rappelé que l’Allemagne a effectué un versement de 250 millions de deutsche marks à la Fondation « Entente Franco-Allemande » (FEFA) créée en 1981 pour gérer ces fonds. Dès l’origine, la Fondation a réservé le droit à cette indemnisation aux personnes enrôlées de force, dans des formations militaires ou paramilitaires de l’armée allemande, engagées dans des combats sous commandement militaire. La question de l’indemnisation des anciens incorporés de force dans les formations paramilitaires allemandes du Reicharbeitsdienst (RAD) et du Kriegshilfsdienst (KHD) n’ayant pas participé à des combats, longtemps restée en suspens, a trouvé son aboutissement le 17 juillet 2008. Pour satisfaire aux revendications de ces personnes qui se considéraient injustement exclues du dispositif d’indemnisation et à l’issue d’un long processus de consultation, elles ont obtenu le versement d’une allocation de reconnaissance de 800 euros versée par la FEFA et financée à parts égales entre la Fondation et l’État. La mise en œuvre d’une nouvelle indemnisation n’est pas envisagée. Sur la problématique des orphelins des « Malgré-nous » il est précisé que ces derniers ont également pu prétendre à un droit à réparation conformément aux dispositions de l’article L. 142-1 du CPMIVG, tout comme ceux des Alsaciens et Mosellans réfractaires à l’incorporation forcée dans l’armée allemande en application de l’article L. 143-1 du CPMIVG. Il convient d’ajouter que tous les orphelins de guerre, quel que soit leur âge, sont ressortissants de l’Office national des combattants et des victimes de guerre et peuvent bénéficier, à ce titre, de l’assistance de cet établissement public, dispensée notamment sous la forme d’aides ou de secours en cas de maladie, absence de ressources ou difficultés momentanées. La loi de finances pour 2024 a ainsi prévu, à l’initiative du Gouvernement, une augmentation de 4 millions d’euros des crédits d’aide sociale de l’ONACVG, au profit des pupilles de la Nation et orphelins de guerre majeurs. Cependant, l’indemnisation, mise en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale, est plus particulièrement destinée aux victimes de la barbarie nazie. Cette dernière renvoie à une douleur tout à fait spécifique. En effet, c’est fondamentalement le caractère insoutenable d’extrême barbarie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d’un conflit entre États, ainsi que la complicité du régime de l’Etat français installé à Vichy, comme l’a rappelé le Président de la République, Jacques Chirac, qui sont à l’origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l’objet de persécutions antisémites ou raciales, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du CPMIVG. Ce dispositif, qui traduit une certaine responsabilité de l’État français, doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. Le maintien de cette spécificité a donc été décidé pour ne pas porter atteinte à la cohérence de ces décrets. l’extension à tous les orphelins de guerre n’est pas envisagée.
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