Mercredi 30 juillet 2025 Le Républicain Lorrain
Moselle MOSELLE-EST
Nicolas Kalis, résistant du groupe Mario, raconté pour la première fois
Textes : Gaëlle Krëhenbühl
La famille Kalis a été profondément marquée par la Seconde Guerre mondiale. À 69 ans, Marcelle Meyer, raconte pour la première fois l’histoire de ses grands-parents, Nicolas et Rosalie Kalis et de son père, René. Photo Gaëlle Kréihenbühl
Nicolas Kalis, le grand-père de Marcelle Meyer, fut résistant au sein du groupe Mario, fondé en 1941 par Jean Burger. Cheminot sur l’axe Sarreguemines-Rohrbach, il aidait les Juifs à se cacher et à fuir. Il fut arrêté en 1943 et envoyé au camp de Neue Bremm, à Sarrebruck, avant d’être déporté à Dachau, où il mourra en 1945.
Durant longtemps, l’histoire familiale fut entourée d’un silence pesant.
« La période de Noël a toujours été étrange chez nous. Chaque 24 décembre, mon père, René, pleurait. Il s’arrangeait systématiquement pour ne pas être à la maison pour le repas du réveillon. Il était cheminot, alors il prenait le poste de nuit. Enfant, cela me blessait. Ma grand-mère, Rosalie, qui vivait avec nous, n’aimait pas non plus ce jour-là. Elle se renfermait, ne parlait pas. Avec mes frères et sœurs, on ne comprenait pas du tout ce qu’il se passait. »
Installée dans la véranda de sa maison de Zetting, Marcelle Meyer, 69 ans, repense avec émotion à ce morceau d’enfance.« Ce n’est que plus tard que nous avons compris, quand mon grand frère, Jean-Claude, a fini par les faire parler, à force de leur mettre la pression.»
• << Alignés dans le froid glacial >>
Durant l’année 1943, peu avant Noël, le monde est en pleine guerre. Nicolas et Rosalie Kalis, les grands-parents de Marcelle Meyer, vivent dans leur maison de Sarreinsming, avec leur fils unique René. Le chef de famille est cheminot. Ce jour-là, la Gestapo débarque au domicile des Kalis.« Les soldats ont demandé à ma grand-mère où se trouvait son mari. Elle ne savait pas. Alors, ils ont embarqué mon père. Il avait 19 ans. Ils ont dit que son mari devait se rendre s’ils voulaient que leur fils soit libéré.»
Le jeune homme est emmené au camp de Neue Bremm, établi depuis peu à la frontière franco-allemande, près de Spicheren. L’endroit est tenu par les SS. C’est un camp de transit et de torture. « Là-bas, mon père a subi l’inimaginable. Il a été tabassé durant plusieurs jours. Puis, le soir du 24 décembre, ils ont emmené tous les prisonniers dehors. Ils les ont alignés debout complètement nus dans le froid glacial et ils ont attendu qu’ils s’écroulent. Mon père était là. Il a survécu à ce supplice. Mais il a été meurtri par tant d’horreur. »
La voix de Marcelle Meyer se brise d’un sanglot. « Nous, nous avons enfin compris pourquoi cette date du 24 décembre était si lourde pour lui et pour ma grand-mère.» Deux ou trois jours après ça, Nicolas Kalis se livre à la Gestapo. Son fils est libéré.
• << Il aidait les Juifs à se cacher >>
Nicolas Kalis est en fait un résistant Mario ce groupe fondé en 1941 par Jean Burger, dit Mario, un instituteur syndicaliste et communiste. Au plus fort de son activité, le groupe réunira près de 3 000 résistants.
Parmi eux, de nombreux mineurs et cheminots de Moselle-Est. Nicolas Kalis en fait partie. Il aide les juifs à échapper aux nazis. Il les cache dans des trains pour passer la ligne de démarcation, leur apporte des victuailles.
Après s’être livré aux SS, il sera d’abord transporté au camp de Neue Bremm, là où son fils avait été retenu. Il ira ensuite à Dachau où il mourra en 1945, peu avant la Libération. « Ma grand-mère n’a plus jamais eu de nouvelles après l’arrestation. Aucune sépulture n’a pu être faite, aucun lieu pour se recueillir. » Ce n’est qu’en 2024, sous l’impulsion de la section communiste de Moselle que le nom de Nicolas Kalis est ajouté au monument aux morts de Rohrbach-lès-Bitche, sa commune de naissance.
« Il a fini par avoir sa place quelque part », sourit Marcelle Meyer.
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