Alsace

« Incorporés de force ou volontaires ? » : vive polémique après les propos d’un fils de résistant corrézien
Un billet posté sur le site Mediapart par un fils de résistant de Tulle (Corrèze), totalement à charge sur les incorporés de force qualifiés de « volontaires », fait réagir en Alsace.Nicolas Roquejeoffre – 14 oct. 2025

Moins de 3 000 Alsaciens se sont portés volontaires pour rejoindre l’armée allemande. Ici, des candidats prêts à intégrer la Waffen SS. Photo archives/collection Henry Amann

C’est en tant que président de l’association nationale des anciens combattants et ami(e) s de la Résistance (section de Tulle) que Michel Trésallet a réagi sur un blog hébergé par Mediapart (*).
Ce fils de résistant – il avait 6 ans quand son père fut déporté dans le camp de Hersbruck, un des kommandos de Flossenbürg, où il est mort en novembre 1944 – commente la récente convention signée entre le Souvenir français et la région Grand Est. Celle-ci invite les communes d’Alsace-Moselle, dont le monument aux morts est « silencieux », à inscrire les noms des “morts pour la France” de 39-45. Et parmi eux, les incorporés de force.
« On parle beaucoup des Malgré-nous avec des sanglots dans la voix… »
De quoi faire bondir Michel Trésallet : « Pourquoi ne pas aussi inclure les volontaires français de la division Charlemagne ? » Dans son billet, le responsable associatif qualifie de « voyous » les membres de l’Adeif (Association des évadés et incorporés de force) qui avaient traduit en justice Robert Hébras, rescapé du massacre nazi d’Oradour-sur-Glane, pour ses propos sur les Alsaciens enrôlés « soi-disant de force dans les unités SS ». « Tous les témoins des massacres de Tulle, d’Oradour et d’ailleurs sont catégoriques, aucun des SS présents ne rechignait à exécuter leur sinistre travail, insiste-t-il. Étaient-ils incorporés de force ou VOLONTAIRES ? »
Et puis il questionne : « On parle beaucoup des Malgré-nous avec des sanglots dans la voix, mais on ne parle jamais de ces Alsaciens qui ont refusé de s’engager dans la Wehrmacht ou la Waffen SS », citant les résistants du réseau Wodli, de la Main noire ou encore du groupe Derhan.

« Une mémoire sectaire »
Ce texte n’a pas vraiment laissé de marbre certains historiens régionaux, responsables d’associations mémorielles et élus.
La députée haut-rhinoise Brigitte Klinkert parle de « fausse polémique » et rappelle surtout que la mention “mort pour la France” pour les incorporés de force est loin d’être nouvelle et fut demandée par le général de Gaulle dès l’après-guerre. Paraphrasant Robert Badinter lors de son fameux discours de 1992 prononcé à l’occasion du 50e anniversaire de la Rafle du Vel d’Hiv, le dramaturge et professeur de théâtre Igor Futterer s’insurge : « Quand je lis ces lignes écrites sous le sceau de l’ignorance et d’une mémoire sectaire, j’ai honte, j’ai honte pour mon pays. »
L’historien Nicolas Mengus parle de « négationnisme » et « d’appel à la haine ». « Quant au Souvenir français, il est juste accusé de soutenir des nazis ! » Sur le fond, il s’avoue lassé de devoir encore rappeler les faits. « Ce qui distingue l’Alsace-Moselle du reste de la France, c’est l’annexion de fait et la déportation militaire, et il est clair que les gens de mauvaise foi ne veulent pas en entendre parler ! »

Moins de 4 000 engagés volontaires en Alsace-Moselle
Grâce au travail mené en 2018 par Geoffrey Diebold, on peut dénombrer le nombre de volontaires dans les trois départements annexés. « En Alsace, il y a eu 2 437 engagés volontaires, dont 9 femmes, et environ 1 000 en Moselle », souligne Nicolas Mengus. C’est bien avant les décrets sur l’incorporation de force (août 1942) que les nazis ont tenté de recruter les Alsaciens et Mosellans. Mais sans grand succès. « L’échec des trois campagnes de propagande, lancées dès 1941, est cuisant », écrit l’historien dans l’un de ses livres. Il liste les raisons qui poussent à cet engagement volontaire : le ralliement au national-socialisme, les avantages promis comme des terres cultivables dans les pays de l’est, l’aventure que promet la guerre…
« Comparativement, poursuit Nicolas Mengus, le nombre de Français collaborateurs, dénonciateurs et engagés volontaires dans la LVF [Légion des volontaires français] et la division Charlemagne est bien plus élevé qu’en Alsace-Moselle, annexée de fait. »
Quelque 7 000 combattants ont ainsi rejoint les rangs de la Légion des volontaires français contre le bolchevisme. Une partie d’entre eux a été reversée dans la division Charlemagne qui a, elle aussi, compté quelque 7 000 soldats.

 

Aller au contenu principal