samedi 26 aout 2023 Républicain Lorrain

Moselle

DENTING

Le Ban Saint-Jean ou l’horreur nazie juste sous nos pieds

Emilie Perrot

Une stèle commĂ©more aujourd’hui /es victimes du camp du Ban Saint-Jean. Photo Emilie Perrot

A 5 kilomètres de Boulay, à Denting se dressent les vestiges du camp du Ban Saint-Jean. 80 hectares de terre qui ont vu passer 300 000 prisonniers soviétiques. 80 hectares de terre dans lesquels reposent environ 23 000 cadavres.

La pelouse est fraĂ®chement tondue. Un vent lĂ©ger vient troubler le soleil caniculaire de cette fin du mois d’aout. Assis Ă  une petite table de pique­ nique, face Ă  la campagne boulageoise, ii fait bon laisser ses pensĂ©es s’Ă©vader. Le lieu est calme, silencieux, immuable. Mais il n’est pas paisible. MĂŞme si le corps tend Ă  se relâcher, l’esprit, lui, est en lutte.

Cette pelouse, ces arbres et cette petite table reposent sur les cadavres d’au moins 23 000 prisonniers soviĂ©tiques, rĂ©partis en 204 fosses communes. Nous sommes au camp du  Ban Saint-Jean, Ă  Denting , près de Boulay-Moselle, l’un des lieux les plus meurtriers de la Seconde Guerre mondiale en France. L’un des vestiges de l’horreur nazie.

« L’existence du camp du Ban Saint-Jean est connue dès la fin de la guerre, explique Gabriel Becker , membre de l’association franco­ ukrainienne pour la rĂ©habilitation du cimetière du Ban Saint-Jean et auteur de quatre ouvrages sur le sujet. II a fallu rĂ©aliser de nombreuses recherches et interroger des centaines de personnes du secteur pour retrouver l’intĂ©gralitĂ© de ce qu’il s’y est passĂ©. » L’histoire dĂ©bute le 22 juin 1941.

•        Main-d’œuvre des mines

A cette date Hitler dĂ©cide de rompre le pacte de non-agression entre  l’Allemagne nazie et l’Union soviĂ©tique. L’Ukraine se trouve sur le chemin de Moscou et souhaite son indĂ©pendance. Hitler la promet aux Ukrainiens contre leur adhĂ©sion au III -ème Reich, dĂ©taille Gabriel Becker. Son but non-avouĂ© est Ă©videmment d’Ă©radiquer tous les Slaves, considères comme sous-hommes. Les Ukrainiens puis bientĂ´t les SoviĂ©tiques sont alors raflĂ©s pour l’armĂ©e et pour la main-d’œuvre dans les mines en Moselle annexĂ©e. » Un camp de transit doit ĂŞtre choisi, ce sera celui de Denting, alors camp de suretĂ© pour les militaires de la ligne Maginot.

Les prisonniers arrivent en gare de Boulay, dans des wagons Ă  bestiaux, Ă©puisĂ©s, malades, affamĂ©s, parfois morts. Ils effectuent le chemin Ă  pied jusqu’au camp, Ă  5 kilomètres. « On estime Ă  300 000 le nombre de prisonniers qui ont transitĂ© par le Ban Saint-Jean, reprend Gabriel Becker. Sur place, c’est l’horreur. Les habitants du secteur se souviennent de convois de morts-vivants. Ils tentent parfois de leur fournir Ă  manger, de les aider. » Ce n’est qu’en novembre 1944 que les nazis Ă©vacuent la zone, laissant 2 100 prisonniers grabataires derrière eux.

•       Lieu de mémoire

Dès la fin de la guerre, le camp devient le haut lieu de mĂ©moire pour les Ukrainiens. « II l’est encore, poursuit Gabriel Becker. Mais ii l’est pour tous les gens des pays de l’Est aujourd’hui. Quant Ă  nous, habitants de ces terres, c’est notre rĂ´le de lui donner une âme. »

204 Les cadavres d’au moins 23 000 prisonniers soviĂ©tiques reposent au Ban Saint-Jean. Ils sont rĂ©partis dans 204 fosses communes.

Photovoltaïque, circuit mémoriel : quel avenir pour le site ?

 

 

          Un projet de circuit mémoriel est en cours de discussion. Photo Emilie Perrot

 Le Ban Saint-Jean est la propriĂ©tĂ© de la commune de Denting. A  l’heure actuelle, le site de 80 hectares ne dispose d’aucune installation si ce n’est la stèle du souvenir. Des vestiges de maisons des sous-officiers occupent une partie de la surface. En 2021, le prĂ©fet avait suspendu un projet controverse d’installation de trois Ă©oliennes. Elles seront finalement implantĂ©es en dehors du camp. Mais depuis, un projet de parc photovoltaĂŻque de 25 ha est en cours de nĂ©gociation, ce qui fait hurler certains membres de !’association de dĂ©fense du Ban Saint-Jean comme Gabriel Becker.

Cependant, le vice-prĂ©sident de l’association franco-ukrainienne, Thierry Schulte, n’est pas aussi catĂ©gorique. Dans nos colonnes du 23 Juin dernier, il expliquait : «Il est  important de prĂ´ner le dialogue avec la mairie de Denting, Nous ayons un projet de circuit mĂ©moriel avec des visites.,. un…parking, des affichages, il  s’agit de travailler en concertation avec les Ă©lus, les collectivitĂ©s territoriales partenaires. Nous ne pouvons pas nous mettre la mairie de Denting Ă  dos, »

 

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