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COMMEMORATIONS

XAVIER FRERE

Les noms des soldats morts dans cette guerre perdue par la France avaient jusqu’ici été passés sous silence. Photo Le Souvenir français

 Pour célébrer le cent-cinquantenaire de la guerre de 1870-1871, le Souvenir français et les généalogistes réhabilitent la mémoire des soldats tués au cours de ce conflit. Leurs noms commencent à être gravés sur les monuments aux morts des communes. 

Ce sont les soldats « inconnus » d’une guerre presque oubliée, celle de 1870-1871. La flamme de leur souvenir est en passe d’être ravivée. Cette guerre franco­ prussienne a laissé des traces dans l’histoire de France, l’art s’en emparant aussi, avec le Lion de Belfort (1875-1879) de Bartholdi, le roman d’Emile Zola La Débâcle (1892), ou le célèbre Dormeur du Val (octobre 1870) d’Arthur Rimbaud. C’est un pan douloureux de l’histoire de France, avec des défaites successives qui ont conduit au siège de Paris, à la chute de l’Empire, à l’écrasement de la révolte de la Commune et à l’instauration de la IIIème République, avec la perte de l’Alsace et d’une grande partie de la Lorraine. Des monuments commémoratifs ont bien été érigés, mais les noms des soldats morts de cette guerre perdue par la France avaient jusqu’ici été passés sous silence. Cent cinquante ans après, la « réhabilitation » est en marche, grâce à une initiative du Souvenir français, en partenariat avec la Fédération française de généalogie (FFG). Fin juin, les tout premiers noms de soldats ont été inscrits sur quatre premiers monuments en Corrèze, avec l’aval et le concours des mairies. Un millier de communes de l’Hexagone, sur dix départements, selon le Souvenir français, suivent le mouvement. «Pour comprendre  notre histoire, il  faut  inscrire cette mémoire et les trois guerres 1870-1871, 1914-1918, 1939 -194 5 s’emboîtent, l’une explique l’autre », explique Serge Barcellini, président du Souvenir français et contrôleur général des Armées.

  • La difficulté de trouver des descendants

Cette guerre franco-allemande a mobilisé côté français 1,6 million d’hommes, a fait 139 000 morts (ainsi que 150 000 blessés), dont plus de 23 000 décédés de la variole, et 18 000 dans les camps outre-Rhin, enterrés en Allemagne. Côté allemand, 51 000 morts ont été recensés. Registres de matricules, avis de décès, recherches approfondies d’historiens locaux favorisent la quête d’identité de ces combattants français. Un outil, « GenealoGIS », réalisé par la FFG et bientôt disponible, permettra de présenter les résultats de anière cartographique, alors que les recherches généalogiques vont s’intensifier à l’automne dans la perspective du 11-Novembre.

Comme en Corrèze récemment, sur les monuments aux morts, est inscrit « Morts pour la patrie », la mention « Morts pour la France » n’étant officiellement instituée qu’en 1915. « Il n’y aura généralement que quelques noms à ajouter, rarement plus de dix par commune », estime M. Barcellini. Des descendants seront-ils éventuellement associés à ces inscriptions ? « Dans les quatre communes de Corrèze, nous n’avons trouvé aucune famille pour ces soldats, ce sera la vraie difficulté », ajoute-t-il.

Le travail des généalogistes locaux, en lien avec les archives des communes, sera titanesque. «C’est une double initiative associative, qui ne doit rien à l’Etat » assure Serge Barcellini, qui affirme que « la société civile joue ainsi son rôle dans les politiques mémorielles ». En ravivant la flamme de cette guerre de 1870, en creusant à nouveau ces souvenirs douloureux, ne risque-t-on pas de réveiller des plaies et des sentiments belliqueux ?« Depuis 75 ans, grâce à la réconciliation franco-allemande, nous vivons sur un continent en paix », oppose M. Barcellini : « Mettre en lumière ce conflit sert à rappeler combien l’Europe est nécessaire ». Le combat pour la mémoire résonne aussi comme une lutte pour la paix.

 

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