« Disparaître n’est pas mourir.
Ni deuil à porter, ni tombe à fleurir.
Juste une absence.
Des souvenirs.
Et cette attente insupportable . . . . . . . . . . . . .
Tantôt l’espoir est là, me tient tenace
. . . . . . . . . . .
Tantôt il s’en va. »
Lettres à une disparue de Véronique Massenot
Je peux faire mienne ces paroles . . . . . . . . . . .
Voici mon histoire :
Je suis d’origine alsacienne. Les deux départements de l’Alsace et la Moselle ont été dans la tourmente de la guerre 39/45.
Pour comprendre la situation un peu d’histoire est nécessaire.
En juin 1940, ces départements ont été, non pas occupés, mais annexés illégalement par l’Allemagne. Aucun traité n’avait été signé entre les deux pays, les habitants restaient des citoyens français.
En août 1942, une ordonnance décrétait l’incorporation de force dans l’armée allemande.
Pourquoi de force ? Ceux, qui résistaient à l’occupant, étaient incarcérés dans le camp de Schirmeck et souvent les familles étaient déportées en Silésie et leurs biens confisqués.
Que restait-il à faire ? Se soumettre à cette loi inique ou mettre sa famille en péril ?
C’est donc fin juin 1944, alors que le débarquement en Normandie avait eu lieu quemon papa, père de 4 enfants dont un mort en 1942, a dû rejoindre les rangs de l’armée allemande et envoyé sur le front russe comme 80 % des incorporés.
En janvier 1945, c’est lors de l’avancée de l’armée russe que papa a disparu en Prusse Orientale (actuelle Pologne du nord).
Que s’est-il passé ? Est-il mort au combat ? Fait prisonnier par les soldats russes et envoyé dans un de leurs camps inhumains ?
Questions encore sans réponses à ce jour, malgré toutes les recherches que je poursuis……..
Questions lancinantes pour Maman :
Comment survivre ? Comment élever nos enfants ?
Du travail ? Un village sinistré, détruit à 90 %, pas d’usines, pas d’industries dans les environs. Quelques tâches agricoles dans les fermes, du ravitaillement glané !!!!!
Et il lui faut connaître le sort de son mari et le père de ses enfants.
Peu à peu, les prisonniers des russes rejoignent leurs foyers. Ce retour s’étale sur plusieurs années et la dernière libération se fera en 1955 mais Papa ne revient pas !!!!
C’est une attente interminable et de plus en plus oppressante !
Je suis une petite fille de 6 ans, qui depuis son lit, entend sa mamanpleurer alors que celle-ci la croyait endormie. A aucun moment de la journée, Maman ne montrait son chagrin et son désarroi.
En 1947 est établi un acte de disparition par le Ministère des Anciens Combattants qui en 1952 sera remplacé par un acte de décès par jugement.
En 1955, un jugement d’adoption par la Nation est prononcé alors que j’ai 15 ans, que mon frère de 17 ans est apprenti menuisier et ma sœur couturière depuis 2 ans.
Quel accompagnement par l’ONACVG entre 1945 date du décès et 1955 date du jugement soit 10 ans après ? En aucun cas, il n’y a eu ni soutien, ni intervention du personnel appartenant à l’ONACVG.
Grâce à mon institutrice et à mes résultats scolaires, je suis inscrite pour l’obtention d’une bourse de l’Etat (et non avec l’aide de l’ONACVG). Connaissant les grosses difficultés financières de Maman, j’opte pour des études courtes : CAP et brevet de comptabilité.
Un souvenir douloureux, parmi tant d’autres, une lettre de Maman, le jour de mes 15 ans m’annonçant que je serai sans doute obligée d’interrompre mes études. Le Rectorat lui réclamait les frais de pension du 1er trimestre mon dossier étant introuvable.
A 17 ans, alors que j’aurai aimé poursuivre des études de comptabilité, je me tourne vers la vie active. Ayant trouvé du travail à 150 kms, tous les mois j’envoie une partie de mon salaire à Maman.
J’ai 78 ans, Qu’est devenu mon père ? Cette question lancinante me hante. Je n’ai pas bénéficié de cellule psychologique.
Ce traumatisme ne s’éteindra……..
Dans les années 1990, les médias ont diffusé des informations laissant entendre que des « DISPARUS » avaient pu fonder une nouvelle famille au-delà des frontières.
D’après des renseignements glanés lors de mes multiples recherches, j’ai réussi à convaincre Maman que cette interrogation enfouie au plus profond d’elle-même était infondée.
Mais l’ai-je bien convaincue ?
Pour moi, cette hypothèse est surréaliste.
Mais où repose-t-il ?
Auteur : Suzy Favrot-Kremser
Avril 2018
Ce nouveau site est remarquable, merci à toutes les personnes qui se sont investies pour sa création.
PS : J’ai été entre autre très émue par le témoignage de Madame Suzy FAVROT-KREMSER
Merci Jacqueline COUSIN pour votre commentaire sur ce témoignage, nous nous efforçons de le rendre attrayant pour permettre à tous de le visiter et d’y trouver peut-être des informations oubliées….Revenez nous voir régulièrement, un petit commentaire fait toujours plaisir.
Suzy, Je ne connaissais pas ton passé familial et je suis très émue de le découvrir. Je suis en contact avec de nombreux Pupilles, et à chaque fois, je découvre des souffrances qui seraient insoupçonnables sans ces rencontres, les mots échangés entre nous. C’est cette opportunité que nous avons, grâce à l’ ANPNOGD, qui me touche le plus et qui doit perdurer.
Ton témoignage émouvant et très bien exprimé me conforte dans l’idée que tout le travail que nous avons fait et que nous continuons à faire n’est pas vain. Je t’embrasse.