Marie-Angélique Duchemin
Première femme décorée de la Légion d’Honneur

C’est le 20 janvier 1772, à Dinan, en Bretagne, que Marie-Angélique Duchemin vient au monde.
Son père est un soldat de métier, que la famille suit au gré des affectations.
Ses oncles sont aussi des soldats, et son parrain est tout naturellement choisi parmi les camarades de régiment de la famille.
L’un d’eux, singulièrement dénué de prescience, ne manque pas de dire « Angélique, c’est dommage que tu ne sois pas un garçon, tu ferais un bon soldat » !
Elle épouse, à 17 ans, le caporal André Brûlon, du régiment du Limousin, en juillet 1789 à Ajaccio.
En Corse, lors d’une escarmouche entre révolutionnaires et indépendantistes, il est grièvement blessé et meurt le 30 décembre 1791.
ve à 19 ans, mère d’une petite fille et attendant son deuxième enfant, décide alors de rester au sein du régiment de son mari et de le remplacer.
La croyant folle par le chagrin les compagnons d’arme de son mari la laissent faire. Marie-Angélique devient ensuite caporal-fourrier, c’est-à-dire qu’elle est sous-officier en charge de l’intendance, tout en s’occupant de ses enfants.
Elle prend part néanmoins aux combats et prouve sa bravoure à plusieurs reprises,
Comme le 24 mai 1794, où elle dirige la défense du fort de Gesco.
Elle prend alors comme nom de combat « Liberté » et participe aussi siège de Calvi où elle est grièvement blessée.


Sous les ordres du général Bonaparte. Malgré l’infirmité causée par sa blessure, elle poursuit son engagement, cette fois-ci dans l’intendance de l’armée d’Italie.
Mais le 14 décembre 1798, âgée de seulement 26 ans, souffrant encore atrocement de ses blessures, elle est admise à l’Hôtel des Invalides, où elle s’occupe du magasin d’habillement de l’institution militaire.
Elle détonne dans cet univers de vétérans, mais elle participe à toutes les cérémonies, et à chaque visite d’une délégation officielle, on passe la saluer. Napoléon lui refuse cependant la Légion d’honneur, pourtant demandée par les gouverneurs successifs.
C’est ainsi qu’elle est glorifiée par son groupe ! « Grâce à son autorité et sa bravoure au combat comme lors du siège de Calvi en juillet-août 1794 »
« Nous soussignés, caporal et soldats du détachement du 42e régiment, en garnison à Calvi, certifions et attestons que, le 5 prairial an II, la citoyenne Marie Angélique Josèphe Duchemin, veuve Brûlon, caporal fourrier, faisant fonction de sergent, nous commandait à l’affaire du fort de Gesco ; qu’elle s’est battue avec nous avec le courage d’une héroïne ; que les rebelles corses et les Anglais ayant chargé d’assaut, nous fûmes obligés de nous battre à l’arme blanche ; qu’elle a reçu un coup de sabre au bras droit et, un moment après, un coup de stylet au bras gauche, que nous voyant manquer de munitions, à minuit, elle partit, quoique blessée, pour Calvi, à une demi-lieue, où, par le zèle et le courage d’une vraie républicaine, elle fit lever et charger de munitions environ soixante femmes, qu’elle nous amena elle-même escortée de quatre hommes, ce qui nous mit à même de repousser l’ennemi et de conserver le fort, et qu’enfin nous n’avons qu’à nous louer de son commandement[. »


Sous la Restauration, elle reçoit l’épaulette d’officier, l’intégrant ainsi officiellement à l’armée française.
Mais il faut attendre le 15 août 1851, sur la proposition du ministre de la Guerre, pour qu’on lui accorde enfin la Légion d’honneur.
C’est le futur Napoléon III qui vient en personne la lui remettre, faisant de la veuve Brûlon, âgée de 79 ans, la première femme à devenir chevalier de la Légion d’honneur.

Elle resta toute sa vie à l’hôtel des invalides, prenant diverses responsabilités comme gérante du magasin d’habillement jusqu’à sa mort.
Très célèbre à l’époque, elle reçoit la visite de nombreuses personnalités politiques et militaires mais refuse systématiquement de voir Napoléon, qu’elle accuse d’être le responsable de la mort de son mari.
Elle terminera sa vie aux Invalides, entourée de ses compagnons d’armes et vêtue de son uniforme jusqu’à sa mort le 13 juillet 1859.

Reconnaissance et hommages :
Ses états de service à Calvi sont éloquents :
« Blessures : coup de sabre au bras droit et coup de stylet au bras gauche, à l’affaire du fort de Gesco, le 24 mai 1794. Eclat de bombe à la jambe gauche, au siège de Calvi, en 1794.
Actions d’éclat : à l’affaire de Lumio (Corse), commandant un poste avancé de 22 hommes, elle fit une défense héroïque.
Quoique blessée, le 24 mai 1794 au fort Gesco, elle partit, à minuit, pour Calvi, à travers les assaillants.
Par son zèle et son courage, elle fit lever et chargea de munitions une soixantaine de femmes, faute d’hommes.
Elle parvint à les amener jusqu’aux défenseurs du fort Gesco, ce qui permit de conserver ce dernier et de repousser les Anglais.
A donné, dans les occasions les plus périlleuses, des preuves d’intrépidité et de dévouement pendant le siège de Calvi, notamment dans une sortie où elle fit le coup de feu avec les tirailleurs, s’avançant toujours pour tirer de plus près, bien qu’une balle eut traversé son bonnet de police, et aussi à la défense d’un bastion où, faisant fonction de sergent, elle manœuvrait une pièce de siège.
A sauvé la vie au capitaine – devenu général – de Vedel, menacé dans une rixe en ville, en se précipitant dans la foule et en désarmant un Corse prêt à le frapper. »
Elle est le symbole d’une femme ayant combattu au cours des guerres de la Révolution.
Elle a été surnommée « Sergent liberté ».
La ville de Dinan a nommé une rue à son nom.
En 2011, la ville de Nantes donne son nom à une nouvelle rue.
Une salle de conférence de la mairie de Dinan porte son nom.
Elle restera pendant longtemps la seule femme décorée e la légion d’honneur pour faits d’armes.
Elle sera rejointe plus d’un siècle plus tard par les résistantes Véra OBOLENSKI (1958) et Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ (1997).
Sources : journal Solidarité Militaire n° 800 de mars 2025 et internet.
Serge Clay
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