Bonjour à Toutes et à Tous,
Un ami m’a transmis cette « évocation » douloureuse d’une période d’un destin malheureux marqué par l’abandon programmé de la République!!
Je partage la tristesse de cette évocation, qui me rappelle des souvenirs, car j’avais de très bons amis qui ont vécu cette période.
Bonne lecture.
Amitiés.
Valdemar
IL Y A 60 ANS… L’EXIL
« L’exilé est un mort sans tombeau » PUBLIUS SYRUS, Poète latin (Sentences)
Il y a 60 ans, nous en étions à verser des larmes de sang… Le cessez-le-feu avait été proclamé le 19 mars, l’ennemi d’hier était devenu l’interlocuteur privilégié de l’Etat français et ce fut la fin… une fin que nous ne pouvions imaginer ainsi… La fin d’une épopée, la fin d’une civilisation, la fin d’un mythe.
C’était pour nous la fin du monde, mais c’était surtout la fin d’un monde… né dans la peine et la souffrance, qui avait vécu dans le bonheur et dans la joie et qui mourrait dans le désordre, la corruption et la haine.
L’Algérie était devenue un pays sans foi ni loi où la pitié n’existait plus. Elle était perdue, saccagée, agonisante. Son cœur avait beaucoup trop battu, souffert, espéré, désespéré, à travers des foules dont on réglait les houles, commandait les tempêtes pour des vertiges tricolores. Trop de larmes et trop de sang. Les jardins se taisaient, les rues se vidaient, des bateaux s’en allaient… L’heure de l’arrachement et de la greffe venait de sonner pour tous.
Une nouvelle fois le drapeau tricolore fut amené ; une nouvelle fois, l’armée française pliait bagages poursuivie par les regards de douleur et de mépris et les cris de tous ceux qu’elle abandonnait. Le génocide des harkis commençait…
Dans le bled –comme en Indochine- les Musulmans qui avaient toujours été fidèles à la France s’accrochaient désespérément aux camions et, à bout de force, tombaient en pleurant dans la poussière de la route. Ce sont là des images que seuls ceux qui ont une conscience ne pourront de si tôt oublier…
Ainsi, 132 ans après son épopée, l’Armée d’Afrique disparaissait avec l’Empire qui était sa raison d’être… L’Armée d’Afrique !… Le terme sonnait aujourd’hui comme une outre vide. Il était difficile de le prononcer sans rire… et sans pleurer. Tout s’était passé comme si son destin eût été accompli le jour où la métropole fut libérée par elle et qu’elle n’eût plus qu’à disparaître.
Que ce fut aux aérodromes ou aux ports, le spectacle était le même. De pauvres hères, hagards, empêtrés dans leurs baluchons de fortune traînaient leur misère. Ils attendaient des jours et des nuits dont ils ne savaient plus le nombre, sous le soleil des midis et les silences de la nuit, parqués comme du bétail, sans ravitaillement, conscients de ce qu’il y avait d’intention de les punir encore dans ces avions mesurés et ces bateaux refusés.
La Croix Rouge ? Aucune trace… En revanche, les transistors annonçaient qu’à la frontière Algéro-Marocaine, près d’Oujda, des camions de la Croix-Rouge internationale avaient été pris en charge par le Croissant Rouge pour venir en aide aux « pauvres réfugiés algériens » qui s’apprêtaient à rentrer chez eux…
Quand enfin un bateau accostait sur les quais, c’était aussitôt la panique… cependant, qu’à bord, ils ne demandaient plus rien. Ils s’affalaient, prostrés, et contemplaient, silencieux et amers, une dernière fois les contours de leur terre. Ils pensaient qu’ils avaient regardé ce paysage maintes et maintes fois, animés d’une confuse espérance d’événements nouveaux, émouvants, romanesques dans leur vie… qu’ils allaient s’en éloigner pour ne plus jamais revenir… qu’il ne s’était rien accompli de miraculeux et que, de cette indifférence de la destinée, leur cœur restait endolori.
Ils voulaient s’imprégner une dernière fois de cette vision qui avait été le cadre de leur enfance, se souvenir de chaque mot, de chaque geste, pour être enfin dignes de s’envelopper du linceul immuable des choses définitives. Ils entraient en exil par de honteuses poternes, traînant derrière eux, comme un fardeau et un tourment, le manteau d’apparat de leurs souvenirs rebrodés de mirages.
L’Algérie, tant servie, tant chantée, tant aimée ; c’était le passé de bonheur, d’héroïsme et d’espérance, et ce n’était plus, en cet instant tragique, que le désespoir de milliers de cœurs calcinés au fond de milliers de poitrines humaines. Et ils étaient seuls, face à l’échec, face au passé et à l’avenir, submergés par la peine et l’amertume, seuls au bord d’un gouffre, au bord du néant où finissent en fin de compte toutes les colères, les rêves et les révoltes des hommes… où se consument les noces stériles de l’amour et de la haine.
Ils attendaient l’instant où serait levée l’ancre, celui où ils sortiraient du port, l’instant où, dans la brume et les larmes, s’évanouirait enfin la lumineuse vision de la terre d’Algérie.
Un barrissement lugubre, le grincement d’une chaîne que l’on remonte et déjà le navire qui déhale lentement. Des femmes pleuraient en silence ; des hommes serraient les poings et les mâchoires… La déchirure de leur âme était profonde ; se cicatrisera-t-elle jamais ?
Accoudés à la rambarde du navire qui s’éloignait, impassible, sous l’épreuve de la torture, ils dardaient leurs regards voilés de pleurs vers cette vision magique de l’Algérie, vers les cimes violettes des montagnes. L’horizon de leur beau pays reculait sans cesse au fond de l’espace et du temps et ils sentaient approcher le chagrin qui déborde, éclate et se répand comme un fleuve qui a crevé ses digues.
C’était une sourde rumeur grossissante qui semblait leur monter de la poitrine à la gorge, et qui se portait aussi sur la vue qu’elle brouillait un peu plus. Car le fait lui-même n’est presque rien en comparaison de son retentissement : l’arrachement dans la douleur, l’adieu, et la côte qui disparaît… disparaît ; c’est à présent que cela pénètre et opère son ravage !
A la proue du navire, le nez dans la brise, un homme chantait. On entendait faiblement les paroles ; c’était un air lent, nostalgique, déchirant, qui se répétait toujours et qui se prolongeait en mourant, avec des ondulations traînantes : « Hay péna, pénita péna, péna… »
Cela s’en allait doux et triste sur la mer, comme dans une âme un souvenir confus qui passe… et les bateaux s’éloignèrent ainsi, accompagnés de sanglots qui leur faisaient la conduite et qu’on eût pris pour la cantilène des chameliers poussant leurs bêtes.
Que de larmes grossirent la Méditerranée ! Que de chagrin emportèrent ces navires !…
Ils partirent ainsi, chassés de leur terre, de leur maison, le cœur broyé par le chagrin, retournant une dernière fois la tête, sur la route de l’exil et, regardant, les larmes aux yeux, pour un dernier adieu, ce qu’avait été leur bonheur, cet adieu qui allumait aux paupières des larmes de sang, cet adieu définitif qu’il leur fallait goûter amèrement et dont le souvenir les poursuivrait toujours.
Là-bas, déjà, le jour mourait en flammes au-dessus du cher pays de leur enfance. Un silence profond s’élevait emportant là-haut, tout là-haut, les souvenirs à jamais enfouis, dans la tranquillité des milliers de crépuscule d’été.
José CASTANO
60ème ANNIVERSAIRE DES MASSACRES D’ORAN
Samedi 2 juillet 2022 : À l’occasion du 60ème anniversaire des massacres qui se sont déroulés à Oran le 5 juillet 1962, la Ville de Camaret-sur-Aygues (84850), à l’initiative de son Maire, Philippe de BEAUREGARD, avec la collaboration de l’association d’anciens combattants « Violès mémoire souvenirs » (84150), présidée par Jean-Claude PRIETO, a organisé un hommage aux victimes et aux disparus de cette tragédie qui s’est déroulée sous les yeux de l’armée française aux ordres du Général Katz et de la gendarmerie qui avaient ordre de ne pas intervenir… en inaugurant officiellement « l’Allée du 5 juillet 1962 ». Qu’ils en soient remerciés !
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Pour en savoir plus sur le génocide du 5 Juillet 1962 à ORAN, cliquez sur :
ORAN – 5 JUILLET 1962 LE GENOCIDE.
Et sur :
ORAN – 5 JUILLET 1962 LES RESPONSABILITES.
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