Le pont de LASVEYRAS refuge de réfractaires au STO


Près de Payssac en Dordogne, un petit village calme : celui de Beyssenac au bord de l’Auvézère où se trouve le moulin du « pont de Lasveyras ». Il est situé entre 2 bâtiments, et 2 cours et accessible seulement par un seul chemin. Nous sommes en février 1944, une journée froide, grise, neigeuse.
Ce moulin avait été acheté par le docteur Dutheil, originaire de Limoges pour y venir à sa retraite. Mais depuis deux années il ne s’y été pas rendu, et pour cause il était parti en Argentine, pourquoi ? Désigné « collabo » il fut soupçonné d’avoir fourni des renseignements, mais pas de preuves formelles. Il fut condamné à mort par contumace en 1946. Une religieuse sœur Philomène fut aussi désignée comme probable délatrice.

le moulin en février 1944 (photo la R Française)
Qu’y a-t-il d’intéressant dans ce lieu délaissé ? Ni plus, ni moins qu’une cinquantaine de réfractaires au STO, obligatoire depuis février 1943, réfugiés là donc pour échapper à ce sort. Mais aussi parce que les fermes aux alentours ont leur quota de réfugiés.
Ils sont dans ce refuge, discutent pour la création d’un groupe de résistants « le bataillon Violette » de René Tallet, ancien de l’armée de l’air. Il y a 2 sections, celle commandée par Raymond Pivert » Guy Lachaud » et celle de Jeantou « Jean Delage ».
16 février 1944 : 7 h 30, les premiers camions allemands sont repérés se dirigeant vers Payssac. Ils sont guidés par 2 jeunes d’une quinzaine d’années, obligés ou pas, par la gestapo et la milice de Limoges crée en 1943, à moins qu’infiltrés parmi les réfractaires STO. Ce sont environ 150 hommes du 28ème régiment stationné à Limoges, à bord de 6 ou 7 camions, escortés par 2 voitures.
Pivert, quant à lui, il se dirigeait pour soins vers l’hôpital militaire « Clair vivre » de Limoges accompagné de quelques autres malades, le reste de la section étant parti en mission. Et donc ne restait au moulin qu’une cinquantaine d’hommes.
Vers 13 h une fusée blanche rompt le silence, c’est le signal du début de l’intervention Les troupes ennemies encerclent ce lieu, après avoir tué les 2 sentinelles. Des tirs de mortiers, de mitrailleuses se font entendre. Mais le groupe cerné riposte avec leurs armes, occasionnant de nombreuses victimes parmi la Wehrmacht. Inférieurs en nombre, ces courageux résistants, ne peuvent tenir longtemps.
Submergés, ils vont payer très cher leur bravoure : 34 seront exécutés sur place, 13 rejoindront la caserne militaire Marceau (fermée en 2011), prison de Limoges, et partiront en déportation via Compiègne le 26 février amenés à la gare de Limoges en charrette puis départ le 26 avril pour Auschwitz où ils arriveront le 1ermai.
Seront transférés au camp d’Ellritch1 pour travailler dans une usine souterraine. Seuls 7 reviendront, libérés le 2 mai 1845. Deux étaient quand même parvenus à s’enfuir en se jetant dans l’Auvézére probablement glacée.
Fin 2013, un chemin de mémoire de 10 stations fut créé. Un musée avec exposition depuis 2009, ainsi qu’une stèle, des sentiers pédestres complètent ce lieu de mémoire.

en 2017 (photo La R Française )


stéle avec plaque (photo blogspot)
Ce 16 février 2025 (et cela depuis 1945) 200 personnes et une dizaine de porte-drapeau rendirent hommage à ces hommes.

Deux membres de l’Association des familles et amis des victimes viennent de déposer une gerbe Photo Rudi Molleman

Un livre : « Pont Laspeyras » de Michel Maureau.

Films : massacre évoqué dans « Apprentissage chez l’ennemi » de Winfried Lachauer.
« Massacre du pont Lasveyras » de janvier 2011, par l’AFAV2
Notes :
1°) situé dans le Land de Thuringe, les prisonniers travaillaient dans les usines aéronautiques souterraines, protégées des bombardements alliés, dans des conditions que vous pouvez imaginer. Après-guerre le mur de Berlin partagea cette zone en deux.
2°) Association des Familles et Amis des Victimes du nazisme en Limouzin et Périgord
Sources : divers sites internet

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