DEVOIR DE MÉMOIRE

Le devoir de mémoire, aujourd’hui plus que jamais en 2025, doit rester profondément ancré, non seulement pour les anciennes générations, mais surtout pour les nouvelles. Celles-ci, souvent éloignées des récits familiaux des atrocités des guerres du XXᵉ siècle, n’ont qu’une connaissance partielle ou abstraite de ces réalités tragiques. Il est essentiel de raviver et de transmettre cette mémoire, notamment à l’occasion du 80ᵉ anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, afin que les leçons du passé continuent d’éclairer notre présent.
Avec l’entier accord de Monsieur Gérald NÉDÉLEC, fils de déporté, et dans un souci « de devoir de mémoire », afin que son papa n’est pas enduré toutes ces horreurs en vain, je vous joins ci-dessous l’article du journal OUEST-FRANCE paru ce jour, 7 mai 2025.

Le garagiste résistant dans le viseur des nazis

Gérald Nédélec, portrait de son père Charles en mains. Son père, garagiste à Lorient en 1941, fut un grand résistant durant l’Occupation allemande.
Ouest-France

Libération de la Poche de Lorient. En 1941, à Keryado, le garage de Charles Nédélec, résistant de la première heure et chef du réseau Alibi, fut la cible de l’organisation Todt.
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« Différentes plaintes me donnent lieu de vous demander d’entretenir à l’avenir de meilleures relations avec mes sieurs. Si vous ne répondez pas à nos désirs, je suis obligé de prendre des mesures qui changeront aussitôt la situation. » Message littéral, encré le 17 avril 1941, ratifié de l’Obertruppführer A. B Haim, de l’organisation Todt.
À Lorient, durant l’Occupation, le garage Nédélec, rue de Belgique à Keryado, l’un des rares encore opérationnel, est réquisitionné par l’armée allemande. « Ils en avaient besoin pour la maintenance de leurs véhicules », raconte Gérald Nédélec, 84 ans, fils de Charles. Garagiste, mais avant tout résistant de la première heure. Sa vie fut aussi exceptionnelle que tragique. Après avoir été torturé, déporté, le garagiste décède en 1954 des suites du traitement infligé par la Gestapo.

« Il a subi tant d’atrocités…»
J’avais un peu plus de 3 ans quand mon père est revenu de déportation, raconte Gérald. J’ai le souvenir d’un père immensément meurtri. Il a subi tellement d’atrocités, il ne pesait que 40 kg au retour des camps… » Gérald Nédélec, pris par l’émotion, stoppe un temps son récit.

Celui d’un père, né à Hennebont en 1904. Dont l’histoire commence au Canada.

En 1929, reprend Gérald, mes parents tenaient une boutique de vins, spiritueux, de bois et charbon à Paris. Mais la crise les pousse à s’expatrier. Mon père n’est revenu qu’en 1937 à Lorient, où il achète son atelier de mécanique.

Dès le 4 septembre 1939, étant naturalisé Canadien, il demande à être enrôlé dans l’armée canadienne. Le 19 juin 1940, il est autorisé à se rendre en Angleterre.

Dès juillet 1940, Charles Nédélec entre dans la Résistance. Son pseudonyme ? Cabrol. Le voici sous les ordres d’Alphonse Tanguy, multipliant, deux années durant dans la Poche de Lorient, les sabotages de véhicules ennemis tout en menant des actions de renseignement pour Londres.
En 1943, notre famille se réfugie à Lanvénégen. Cette année-là, mon père est nommé responsable du réseau Alibi. Sous le pseudonyme Azra, Charles Nédélec tente de gagner l’Angleterre via l’Espagne, afin de rejoindre les Forces Françaises Libres. Las. Considéré comme un terroriste, il est arrêté et interné au camp de Miranda (non loin de Bilbao). Dont il s’évade très vite.
« Plutôt la mort que de faillir… »
Charles Nédélec atteint son but : l’Angleterre. Et s’y entraîne d’arrache-pied. En octobre 1943, le voici parachuté dans le Morbihan. Son objectif : intensifier les actions de résistance. « Le 8 mai 1944, raconte son fils, mon père réceptionne du matériel radio anglais parachuté près de Lanvénégen. À son retour, il est fait prisonnier, avec son aide de camp, par la Gestapo. Ils ont été dénoncés. »

Dès lors, tout s’enchaîne. Il est torturé à Locminé. Jusqu’à être pendu par une omoplate à un crochet de boucher. « J’avais si mal, dira-t-il plus tard, que je ne sentais plus ma douleur. » Il dira encore : « Plutôt la mort que de faillir au devoir de la mission.

Charles Nédélec fera partie du dernier convoi (1 250 personnes) parti de Compiègne le 17 août 1944 pour le camp de Buchenwald. Le 13 septembre, il fait partie des 500 déportés « sélectionnés » pour travailler dans les mines de sel souterraines de Neu-Stassfurt. Son calvaire ne s’arrête pas là. Du 11 avril au 8 mai 1945, les camps sont évacués. Vient le temps des marches de la mort. Peu y survivront. « Mon père, jusqu’au bout, a tout fait pour soutenir les plus faibles. »

Le résistant lorientais tiendra bon. Il a survécu aux tortures les plus atroces, à la déportation et à la marche de la mort. Il est rapatrié le 20 mai. « Il était méconnaissable, physiquement et psychiquement détruit. À peine revenu, il assiste impuissant au décès de l’un de ses fils âgé de 8 ans, mon frère, Christian. Mais aussi de son neveu revenu des camps de Buchenwald et Dora et qui ne survivra pas de sa déportation. »

Charles Nédélec meurt en 1954. « J’avais 13 ans, se souvient Gérald. Il souffrait de crises de démence, je l’ai vu mourir dans d’atroces souffrances. »

De ce parcours de résistant, subsistent aujourd’hui des notes et quelques archives précieusement conservées par son fils.

Et, à Lorient, une petite impasse Charles-Nédélec, dans le quartier du Perroquet-Vert à Keryado. « Il aurait mérité un boulevard… »
Pierre WADOUX.
Article OUEST-FRANCE 7 mai 2025

Article rédigé par O. LE HIR Présidente FNAPOG 56

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