Salomon MILGROM

 

 

                 Salomon, sa fille Joëlle à sa droite, lors d’une intervention au Lycée St-Ouen de Pont-Audemer (Eure).                                             Photo :  M.C Devillers du journal « l’Eveil » de Normandie

Cet homme de 93 ans, vit entre Paris et Benerville sur Mer (Calvados), il est un transmetteur de mémoire car, son arrière-petit-fils en classe de CM2 à Paris, lui a demandé par l’intermédiaire de sa mère de venir témoigner devant ses copains de classe, en mai 2024.
Il accepte avec une certaine appréhension. Le jour dit une avalanche de questions le stimule pour cet événement inattendu mais ô combien important pour lui et cela l’encourage à continuer ses témoignages.

                                                             Salomon et son épouse Perla

Il le fera 2 fois par semaine dans une dizaine d’établissements scolaires  (1).
Sa fille Joëlle MILGOM-PARIENTE a depuis longtemps, 25 ans, entamé des recherches. En remontant jusqu’à ses origines polonaises sur plusieurs générations.
Elle a commencé, en 1997, à questionner pendant une semaine sa grand-mère maternelle, centenaire, née Dobra SANKOWICZ (2), qui a perdu son père et ses 3 fréres et sœurs (rafle du Vel d’Hiv).

     Dobra en avril 1992

Puis continue avec la grand-mère paternelle MILGROM  (3).
Elle apprend donc que ses deux grands-pères quittent la Pologne, leur pays pour la France, pays des droits de l’homme, en 1930, fuyant la pauvreté ainsi que l’antisémitisme des Polonais (bien que les juifs soient dans le pays depuis 1000 ans environ). Ils laissent leur famille sur place et s’installent à Malakoff (sud-ouest de Paris).

                 le grand-père de Joëlle, ses 3 enfants : Rojza, Moszele, Gitla , tous quatre disparues à Auschwitz

                             Les grands-parents de Joëlle devant la Knesset (à Jérusalem)

Salomon raconte que son père, bourrelier, part seul en France car trop onéreux et compliqué pour les passeports de sa femme et des 3 enfants. Il est employé dans une fabrique de vêtements en cuir. Il travaille beaucoup, plus de 20 h par jour et ce pendant un an et demi. Les gains ainsi économisés vont lui permettre de faire venir sa famille en 1933. Salomon a 3 ans, son frère 6 et sa sœur 9.
Tous les cinq, s’installent à Paris, quartier du sentier (2ème) où les magasins « textile » prédominent, dans une maison avec un atelier. Dans ce dernier il fabrique des vêtements en cuir. Le petit Salomon n’a qu’un an et demi. Plus tard il sera scolarisé et découvrira les insultes racistes telle que « rentre dans ton pays, sale youpin ».
3 octobre 1940 : à Vichy le gouvernement Pétain vote, sur incitation allemande, le 1er statut des juifs les excluant de la fonction publique et leur interdisant de gérer une entreprise.
Le père de Salomon continue malgré tout, mais il est arrêté le 11 mai 1941, puis interné à la prison de la Santé à Paris (14 ème).

14 mai 1941 : le fameux, si l’on peut dire, billet vert (4) convoquant tous les juifs du quartier à se faire recenser dans un lieu désigné. Le père de Salomon est retenu puis dirigé vers Drancy puis Beaune la Rolande.
Il sera libéré 2 mois plus tard de la prison de la Santé, le mal est fait, des questions se posent. Il décide donc de passer avec sa famille en zone Sud, zone libre ! c’est le 1er grand Mazel (bonne étoile en yiddish). Cela se fait en barque sur le Cher, passage sous un pont gardé par l’occupant allemand. Son jeune frère de 5 mois apeuré se met à pleurer, on lui plaque la main sur la bouche, le passage est réussi le 2ème grand Mazel.
Tranquillité de courte durée : en avril 1942 un décret de Vichy oblige tous les juifs en zone libre à être en résidence surveillée. Pas de 3ème Mazel. Ce sera en 1943 le départ pour le préventorium « les Tilleuls » à Prélenfrey du Gua (Isère) pour Rebecca, Samuel, Salomon et Claude Milgrom âgés de 3 à 19 ans. Ils auront, à partir de ce jour, respectivement pour prénom : Liliane, Robert, Maurice et Claude CLAUDEL.
Quant aux parents ils sont hébergés et cachés à Vizille, 18 km de Grenoble (Isère). Il en sera ainsi jusqu’à la libération.
Cet établissement est tenu par les époux Hélène et André GUIDI. Ils accueillent une quarantaine d’enfants tuberculeux mais aussi une vingtaine de juifs. Les villageois participent à cette aventure humanitaire. Des adultes et adolescents travaillent dans ce lieu.
Peur atroce en juillet 1944 : la Wehrmacht arrive au village, arrête tous les hommes âgés de 16 à 60 ans, les place contre le mur de l’école et fusils pointés sur eux. Un officier leur demande s’ils ont connaissance d’enfants juifs au village, ils répondent par la négative, précisant que les seuls enfants qu’ils connaissent sont ceux du préventorium. Ils sont libérés.
La troupe part au préventorium vérifier leurs dires, elle est accueillie par l’infirmière de service Anne WAHL, 19 ans, qui consciente du danger, l’avertit que ces enfants malades, parmi lesquels des juifs, sont très contagieux. Cette précision met fin à la visite de l’occupant qui repart.
Cinquante et un juifs seront ainsi sauvés, dont Salomon âgé de 13 ans. En 1993, Hélène et André GUIDI ainsi qu’Anne WAHL recevront la médaille des Justes de Yad Vashem de Jérusalem.
Les responsables de préventorium, les GUIDI, n’ont jamais demandé une quelconque contribution financière, pour les juifs c’étaient de vrais « Meush (5 )
En juillet 2024 une commémoration s’est déroulée à ce village de Prélenfrey du Gua, et Salomon MILGON y assistait.)

                                    Menahem BEGIN avec Hélène et Léon MILGROM à Paris le 2 avril 1971

Notes :
) Lycée Marie Joseph à Trouville. (150 personnes dont bien sûr des lycéens).
Classes de CM 1 et CM2 dans une école du 16 ème..
Lycée Saint-Ouen de Pont-Audemer (Eure)….etc.
) Dobra SANKOWICZ née à JOSEFOW (sud-est Pologne) et Israël son mari né à CIEPELOW (sud-est Pologne)
3°) Hélène MILGROM née à VARSOVIE et son mari Léon né à RADZYMI N (centre-est de la Pologne).
4°) « billet vert » qui ordonne à tous les juifs étrangers de se rassembler en un lieu, généralement le gymnase Japy à Paris. (11ème). Pensant à un simple contrôle ils obtempèrent. Ils sont (3700) tous arrêtés (6) et 4 trains les emmènent à Pithiviers ou Beaune la Rolande (Loiret).
5°) « Meush » en Yiddish personne admirable, à imiter.
6°) parmi lesquels se trouvent : le grand-père du Michel CYMES le médecin et le père d’Alain FINKIELRAUT philosophe. Le 1er ne reviendra pas d’Auschwitz et le second sera épargné.

NB : a) Joëlle PARIENTE est l’ancienne directrice de communication de NAF NAF.

                          l’équipe de Naf Naf : Gérard (frère de Patrick), Joëlle et Patrick PARIENTE son mari

b) un livre : « Les enfants cachés des Tilleuls 39/45 » de Dominique LARDET.
Sources : — divers sites internet, (dont “the Times of Israël”).
——- Toutes les photos, sauf la 1ère sous le titre, sont issues de la photothèque de Joëlle la fille de Salomon MILGROM.

 

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