– vendredi 5 janvier 2024   L’interview

INTERVIEW

Le Struthof, << l’un des dix hauts lieux de notre mémoire nationale >>

Propos recueillis par Hervé Boggio

La camp de concentration du Struthof, en Alsace. Photo Jacques Kerambrun

Le Messin Michaël LANDOLT a pris la tête du Centre européen du résistant déporte (CERD)-Struthof le 2 novembre dernier. Né à Metz en 1982, cet archéologue était jusqu’ici en poste à la DRAC Grand Est. II prend cette direction avec, dans sa besace, une foule de projets pédagogiques et scientifiques.

Le camp de concentration du Struthof-Natzwiller occupe une place singulière dans notre histoire ?

Michaël Landolt : « C’est le seul camp de ce type installe sur le territoire français. Bien sûr, son importance en nombre de déportés est moindre que d’autres camps comme Auschwitz, mais au total, quelque 52 000 personnes, issues d’une trentaine de nationalités différentes, sont passées par Natzwiller et ses annexes. 22 000 sont décédées, essentiellement pendant les marches de la mort en 1944.                    

Vous êtes, à l’origine, archéologue spécialiste de l’âge du fer. Comment passe-t-on des Gaulois à la Seconde Guerre mondiale ?

«   Je me suis effectivement longtemps consacré aux Gaulois. Mais, né à Metz, j’ai toujours été, du fait de mon milieu familial, avec un grand-père déporté, proche des guerres mondiales. Puis, j’ai participé aux fouilles qui ont permis de redécouvrir le Kilianstollen à Carspach, en Alsace déjà, un abri souterrain, partiellement enfoui avec ses occupants en mars 1918. Je me suis ensuite beaucoup intéressé à la nourriture des soldats. Puis a toute l’archéologie des camps. Depuis les années 30, il y a une France et une Allemagne de ces lieux d’internement. Je me suis notamment investi dans !’association du fort de Queuleu ces dix dernières années et dans les fouilles qui sont conduites sur le site. Prendre la direction du CERD est une suite logique ».

Pour quelles raisons le moment vous semble particulièrement opportun pour vous de prendre cette direction ?

« L’un des quatre derniers survivant du Struthof nous a quittés il y a peu. Nous sommes en train de sortir de l’ère des témoins concernant ce site.A l’avenir, seuls les lieux et les objets “parleront”. Pour un archéologue, c’est une perspective. Ce site est l’un des dix hauts lieux de notre mémoire nationale. Je pense qu’il y a de nombreux chantiers à conduire ici ».

Donc : quelle est votre feuille de route ?

« La mission la plus immédiate concerne l’expérience des visiteurs, avec notamment la création ou l’amélioration d’ateliers pédagogiques tournés vers la jeunesse. Sachant que le jeune public qui nous visite est très nombreux, et pour moitié allemand. Un travail est également en cours sur les expositions dont une partie est vieillissante. Enfin, il y a le chantier de restauration du bâtiment cuisine. II va démarrer à l’été 2024 pour une période de deux ans » .         

Vous parlez également de renouvellement. Qu’en est-il ?

«   En 2024, une série d’expositions d’art contemporain en partenariat avec le Frac, notamment les œuvres de Nicolas Daubanes, sera programmée. L’objectif est de faire découvrir le site à un public différent. Un projet est également en cours avec la série que le photographe Mickael Kenna a consacrée au Struthof et qu’il vient de léguer à la France. Enfin, 2024 sera l’année du 80ème anniversaire de la libération du camp, le 25 novembre. Le Struthof a été le premier camp libéré sur le front ouest, un peu après que les troupes russes sont entrées à Majdanek. »

«   En 2024, une série d’expositions d’art contemporain en partenariat avec le Frac, notamment les œuvres de Nicolas Daubanes, sera programmée. L’objectif est de faire découvrir le site à un public différent. Un projet est également en cours avec la série que le photographe Mickael Kenna a consacrée au Struthof et qu’il vient de léguer à la France. Enfin, 2024 sera l’année du 80ème anniversaire de la libération du camp, le 25 novembre. Le Struthof a été le premier camp libéré sur le front ouest, un peu après que les troupes russes sont entrées à Majdanek. »

L’animation scientifique est également l’une des missions confiées au CERD par l’office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONaCVG)

«   Absolument, avec un travail à venir notamment sur les déportés polonais et russes, qui ont été les plus nombreux dans ce camp et dont on ne parle pas nécessairement le plus. C’est un aspect qui me tient à cœur.Tout comme le travail sur les annexes du Struthof. Par ailleurs, des expositions d’objets mis au jour ici sont prévues, en Suisse notamment. Enfin, plusieurs programmes de recherche sont également en cours en lien avec l’université de Strasbourg, où se trouve mon laboratoire de rattachement (Archimède – UMR 7044) dont celui concernant les collections anatomiques constituées ici par la Reichsuniversitat  ».                                                                                           

Le Messin Michaël Landolt est le nouveau directeur du Centre européen du résistant déporté (CERD)-Struthof/ Photo Gilles Wirtz.

 

 

 

       

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