Compte-Rendu de la Réunion avec Madame Rouzier-Deroubaix

Conseillère Lien Armées-Nation et Monde Combattant

Ministère des Armées

Mardi 15 février 2022 à 14h30 au Ministère des Armées à Paris.

Nous avons été reçus Christiane Dormois, Henri Paturel et moi-même par Madame Rouzier-Deroubaix. Elle était accompagnée par Madame Emmanuelle Double Chef du département de la Solidarité de l’ONACVG, de Monsieur Franck Leconte Chef du Département Reconnaissance et Réparation de l’ONACVG, ainsi que d’un jeune stagiaire présenté comme effectuant un travail spécifique de mémoire.

Madame Dormois, avant de développer son exposé des faits, a tenu à faire la mise au point sur la non-présence de notre présidente Anne Chalons, laquelle estimait qu’une entrevue avec Madame la Ministre des Anciens Combattants aurait était la bienvenue compte-tenu de l’importance de notre association.

Madame Rouzier-Deroubaix nous signale que nous devrions faire cette demande en passant par l’UFAC à laquelle la FNAPOG est affiliée, pour obtenir ce rendez-vous, en précisant bien sûr que ce n’était pas une certitude d’obtenir ce rendez-vous.

Ensuite Christiane a pu développer les arguments mis dans le « Livre Blanc » pour obtenir la reconnaissance et une réparation digne de ce nom. Elle a rappelé que c’est grâce au sacrifice de nos parents que nous vivons aujourd’hui librement. Mais hélas où le mot « Egalité » n’est pas de mise. Elle s’est exprimée longuement sur tous les déboires des orphelins et pupilles comme on a pu le lire dans le Livre Blanc.

Nous avons défendu la notion de stress post-traumatique et présenté l’étude de Nicolas TOD que nous leur avons remis. Ceci argumente que nous n’avons jamais pu bénéficier d‘un quelconque soutien psychologique ni d’aucune thérapie.

Un chapitre particulier a été consacré à la difficulté d’affronter le grand âge. Il a été évoqué le coût prohibitif du maintien à domicile et l’hébergement en EPHAD.

Nous ne voulons pas que la dette de la Nation envers nous, pèse sur nos descendants, comme nous avons dû aider nos parents restés seuls, veuves ou veufs, dans leur vieillesse.

Mme Rouzier-Deroubaix a évoqué la loi Grand Âge et Autonomie, mise en chantier par Monsieur le Président de la République.

NON, il n’existe pas de « niche sociale » pour les Pupilles et Orphelins, dans l’Aide Sociale de droit commun, comme nous avons pu l’entendre.

Ensuite Christiane m’a donné la parole concernant le décret de 2004 et sur la Loi sur les Harkis de 2005. J’ai insisté sur le fait que la Loi sur les Harkis a de nombreuses fois été remaniée en augmentant la somme qui leur était octroyée, la modification du nombre des ayants-droits, etc…et encore cette année tout récemment l’approbation de la dernière modification faite en 2021.

Madame Rouzier-Deroubaix nous propose de répondre déjà à ce que nous avons exposé.

Elle nous a fait savoir qu’elle avait pris connaissance de divers témoignages se trouvant dans le Livre Blanc et qu’elle comprend tout à fait nos douleurs ainsi racontées.., mais que ce décret de 2004 ne veut se tenir qu’à l’extrême barbarie dont avaient été victimes certains de nos soldats, des déportés, des résistants.

Mais alors comment expliquer ce qui suit :

« Dans le cas d’un résistant mort les armes à la main, le décret ne s’applique pas. Un résistant mort dans les camps ou fusillé, le décret s’applique. »

De ce fait les victimes sont mieux considérées que les héros ! comment la République peut-elle expliquer cette monstruosité ?

En ce qui concerne les victimes civiles, il est difficile d’apprécier leurs cas, ce sont autant de cas individuels, difficiles à classifier.

Elle nous dit que certains des courriers, notamment individuels, envoyés au cabinet ou aux parlementaires contenaient des parallèles fâcheux avec la Shoah. Les rhétoriques de comparaison des douleurs ne correspondent pas à des réalités historiques pas plus qu’elles ne s’inscrivent dans une démarche d’apaisement des mémoires. Elle nous indique que le contexte ambiant de relativisation de la Shoah, avec par exemple le port de l’étoile jaune dans des manifestations antipass doit inciter chacun à la prudence et à la modération. Elle prend acte avec intérêt des démarches de témoignages conjoints avec des déportés menées par la Fédération.

Henri Paturel outré d’une telle accusation, lui a dit que depuis 2010 il s’occupe de la Communication des Pupilles de la Nation il n’a jamais entendu de tels propos, ni en réunion ni aux congrès, que nous considérons que le décret de 2000 est un bon décret et pour preuve l’extrait des Mémoires de Beate et Serge KLARFELD présent dans les annexes de notre livre blanc pour illustrer son obtention.

Madame Rouzier-Deroubaix le reconnaît, car elle l’avait vu.

Alors, on serait en droit de se demander qui veut la mort des « petits choses » comme disait Philippe Séguin.

Le gouvernement ne peut et ne veut se tenir qu’à cela pour ne pas déroger au décret de 2000. 

Concernant la Loi sur les Harkis invoquée par la Fédération à l’appui de ses demandes, Madame Rouzier-Deroubaix nous a répondu que même avec toutes les augmentations qui leur ont été allouées, la contribution, n’est pas comparable à celle que les bénéficiaires du décret de 2004 ont pu toucher ou touchent encore. Elle rappelle aussi que les dispositifs précédents en faveur des harkis avaient des imperfections que la loi s’attache à réparer.

Je dirais …circulez il n’y a rien à voir !

Mais alors lorsque Mme Rouzier-Deroubaix a fait référence à la commission qui s’était réunie en 2009 pour discuter de l’obtention d’une indemnité pour tous les orphelins de guerre pupilles de la Nation, et que cette commission n’a pas réussi à s’accorder sur une proposition et que c’est pour cela que nous n’avions rien obtenu du tout, M. Paturel a bondi ! Il est inconcevable qu’en 2022 on ressorte un tel argument pour nous déstabiliser ! Là nous avons pu constater combien notre intervention programmée, avait été préparée en amont par Madame la Ministre ! Mme Rouzier-Deroubaix n’étant présente à ce poste que depuis 2 ans, comme elle nous l’a précisé. Il a fallu aller chercher loin en arrière .. 2009, pour reprocher aux associations leur manque de cohésion ! Nous étions outrés tous les 3 et le leur avons bien fait comprendre. Car il était de notoriété qu’à cette époque des divergences existaient entre différentes associations. Mais depuis ce temps, chacune a pris de nouvelles attitudes, et désormais nous sommes soutenus par l’UFAC dont nous faisons partie, une motion a d’ailleurs été présentée, demandant une égalité de traitement.

Apparemment personne n’était au courant de cette motion présentée par l’UFAC, et Mme Rouzier-Deroubaix va se renseigner à ce sujet.

A la suite du courrier de Madame Darrieussecq du 13 septembre 2020, nous avons déclaré avoir acté à notre profit le nombre de 26 000 Pupilles, Orphelins désormais encore en vie.

Toutefois au vu de la Note d’Etude Définitive du 15 Avril 2021, nous constatons que ce nombre serait à nouveau erroné :

-200 000 en 2018, de 190 000 en 2019 et de 147 000 en 2023, puis de 154 000 en 2024.
Pourquoi soudain cette augmentation… ?

Madame Rouzier – Deroubaix « Le rapport évoque 159 000 en 2023. Je ne sais pas de quelle
version vous disposez »

Nous nous sommes étonnées que de tels chiffres puissent encore circuler. Nous constatons à nouveau une valse des prévisions erronées, eu égard à la table du taux de mortalité, ce que Henri Paturel explique très bien faisant référence à la seule étude sérieuse du Conseil Général d’Indre et Loire. 

Christiane a donné communication de la lettre de Madame Laetitia Saint-Paul, Vice-Présidente de l’Assemblée nationale, qui a fortement étonnée Madame Rouzier-Deroubaix et les autres personnes présentes, Madame Double et Monsieur Leconte, concernant les Harkis. Renseignement sera pris.

Avec Henri et moi-même, la question des Incorporés de Force a également été soulevée. Nous pensons que nos interlocuteurs ne sont pas très au fait de ce drame. Cette situation de l’Alsace-Moselle peut être comparée à la problématique des populations harkis, comme Henri l’a si bien souligné.

Les hommes ne pouvaient pas échapper à cette incorporation de force sous peine de voir leurs familles déportées dans des camps de concentration. Ils étaient considérés comme des traîtres s’ils essayaient de s’évader ou de ne pas répondre à l’incorporation, considérés également par de nombreux Français comme des collaborateurs Allemands.

Henri a évoqué le fait que dans l’inconscient collectif, c’était une « chance » pour les Pupilles de la Nation et Orphelins de Guerre, d’être rattaché à un Ministère. Les Pupilles de la Nation sont considérés comme des « nantis », ce que nous contestons vivement !

Nos interlocuteurs connaissent cette interprétation et nous déclarent que Mme la Ministre défend l’originalité de ce statut.

Après avoir longuement débattu, la question est posée par nos interlocuteurs :

Qu’attendez-vous de nous ?

C’est Henri qui s’est chargé de répondre. D’abord pourquoi pas un nouveau décret nous concernant uniquement nous. La réponse : C’est impossible car cela demande du temps et vu les élections présidentielles qui s’affichent, ce ne sera pas possible. Christiane a coupé court en disant que si, puisque c’est du ressort du 1er Ministre, il peut en décider quand il veut. Cela a été dit d’un ton très assuré, qui ne méritait pas de réplique et il n’y en a pas eu, seulement un sourire.

Puis Henri a insisté, il nous faut une réponse concrète avant les élections, à savoir un geste fort comme par exemple la retraite du combattant dans un premier temps, ce qui permettrait aux « Abandonnés de l’Histoire » d’avoir obtenu quelque chose avant de mourir, ne nous leurrons pas, notre nombre diminue rapidement et régulièrement ! Par les explications données où trouver cet argent, Mme Rouzier-Deroubaix nous a répondu, qu’elle ferait remonter cette demande tout en nous précisant que ce n’est pas une chose acquise pour autant.

Que le gouvernement fasse un geste fort envers les Pupilles et les Orphelins, c’est ce que nous voulons dans un premier temps !

Nous n’étions pas de trop à 3, pour argumenter. Nous avons bataillé dur !

Nous avons remis le Livre Blanc à Mme Rouzier-Deroubaix et Henri fera parvenir ce livre à Madame Double et à M. Leconte.

Il a ensuite levé le voile sur notre plan d’action, en précisant que ce livre sera remis à chaque candidate et candidat officiels à l’élection présidentielle.

L’entrevue s’est terminée à 16h30, après 2 heures d’échanges courtois mais argumentés entre les deux parties.

Pour nous, il s’agit d’une amorce de dialogue à poursuivre afin d’obtenir des propositions concrètes.

 

Christiane DORMOIS – Henri PATUREL – Marie-Louise LORENZON

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