29 août 1941  –    Exécution d’Honoré d’Estienne d’Orves

Capturé par les Allemands lors d’une mission d’espionnage sur le sol français, Honoré d’Estienne d’Orves est fusillé le 29 août 1941 au mont Valérien aux côtés de deux compagnons de combat.

Cette exécution d’un officier patriote et chrétien marque la fin d’une cohabitation plutôt paisible entre l’armée d’occupation allemande et la population française.

André Larané    Les Chroniques d’Herodote.net

Vocation militaire

Descendant par son père Marc d’une lignée de comtes d’origine provençale, le « premier martyr de la France libre » est né le 5 juin 1901 à Verrières-le-Buisson, au sud de Paris. La famille de sa mère, Élisabeth de Vilmorin, est propriétaire d’une entreprise prospère de graines… qui existe encore sous le nom de Vilmorin.

Très pieux, le couple élève ses enfants dans la foi catholique mais éveille aussi leur sens patriotique. Pendant la Grande Guerre de 1914-1918, Honoré, poursuit de bonnes études au lycée Louis-le-Grand. Il entre à l’École Polytechnique.

Le jeune homme fréquente un groupe d’amis dans lequel figurent un cousin éloigné qui a nom… Antoine de Saint-Exupéry et sa cousine germaine Louise de Vilmorin. Cette dernière, personnalité exubérante et passionnée, connaîtra deux mariages ratés avant de se révéler dans l’écriture romanesque et de devenir bien plus tard la compagne d’André Malraux !

Au terme de ses études, en 1923, Honoré d’Estienne d’Orves choisit d’entrer dans la Marine. En 1929, c’est le mariage avec Éliane de Lorgeril. Ils auront cinq enfants. En 1940, quand éclate la guerre, le lieutenant de vaisseau est au mouillage à Alexandrie, en Égypte.

Après l’armistice du 22 juin, il prend le parti de déserter et, sur un cargo, avec quelques compagnons, contourne l’Afrique pour rejoindre l’Angleterre et poursuivre la guerre contre l’Allemagne.

Clandestinité et trahison

À Londres, d’Estienne d’Orves figure parmi les premiers officiers à se mettre aux ordres du général de Gaulle.

Sous une nouvelle identité, il est affecté au service de renseignements, sous la direction de l’amiral Muselier.

Sa mission est de collecter un maximum de renseignements en provenance de France pour soutenir l’action des troupes britanniques.

Désireux d’agir par lui-même, d’Estienne d’Orves se rend lui-même en France pour monter son propre réseau de renseignements. Il constitue une équipe avec Maurice Barlier et Yann Doornick, ses adjoints directs, l’un et l’autre âgés de 35 ans. .

Il recrute également un jeune radio de 20 ans, Alfred Gaessler, qui a l’avantage de parler allemand (il est d’origine alsacienne). Le 21 décembre 1940, les voilà qui accostent près de Plogoff, en Bretagne. Ils se font héberger chez un couple de sympathisants.

Baptisé Nemrod, le réseau se met en place. Il recueille notamment des renseignements sur les Allemands de la région de Nantes qui sont transmis par radio à Londres. Le commandant d’Estienne d’Orves noue des contacts clandestins à Paris…

À son retour en Bretagne, ses adjoints et ses hôtes lui font part de leurs inquiétudes relativement à la conduite du radio Alfred Gaessler. Celui-ci traîne dans les bars et converse imprudemment avec les soldats allemands.

D’Estienne d’Orves, par excès de confiance, commet la faute de ne pas le renvoyer immédiatement Angleterre et lui laisse une deuxième chance.

Quelques jours plus tard, Gaessler, humilié et peut-être déçu par la vie d’espion, qu’il espérait plus palpitante et plus fastueuse, se rend dans les locaux de l’armée allemande à Nantes. Il déballe tout. Et dans la nuit du 21 au 22 janvier 1941, les Allemands cueillent les membres du réseau Nemrod à leur domicile.

D’Estienne d’Orves résiste autant qu’il peut aux hommes qui ont fait irruption dans sa chambre. Roué de coups, il est jeté en cellule ainsi que ses compagnons.

Les bureaux de Londres, ignorants du drame, vont être intoxiqués pendant plusieurs semaines encore par des faux messages radio du traître Gaessler, provoquant de la sorte l’arrestation d’autres agents (Gaessler sera finalement évacué par les Allemands en Autriche et disparaîtra dans la tourmente en 1945).

Procès et dénouement

Le 1er avril 1941, Honoré d’Estienne d’Orves et ses compagnons d’infortune sont incarcérés à Paris dans la prison de la rue du Cherche-Midi. En prison, soutenu par sa foi, le lieutenant de vaisseau manifeste une exceptionnelle force d’âme dont témoigne l’aumônier allemand, l’abbé Franz Stock.

Devant le tribunal militaire allemand, son courage lui vaut l’admiration de ses juges, lesquels vont le condamner à mort ainsi que huit de ses compagnons, mais également demander leur grâce au Führer !

L’invasion de l’URSS par la Wehrmacht, le 22 juin 1941, fait basculer les communistes français dans la résistance. Le 21 août, un militant communiste de 22 ans, Pierre Georges, futur « colonel Fabien », se rend au métro Barbès et abat le premier Allemand qu’il croise sur le quai, l’aspirant Moser.

En France, la répression se durcit aussitôt. Dans le réseau Nemrod, six condamnations à mort sont commuées en peines de prison mais trois condamnations sont confirmées…

À l’aube du 29 août 1941, un autocar escorté de camions vert-de-gris quitte la prison de Fresnes pour le fort du mont Valérien, à l’ouest de Paris. À l’intérieur de l’autocar, Maurice Barlier, Yann Doornick et Honoré d’Estienne d’Orves, assis sur leurs cercueils, sous la garde des soldats allemands qui vont quelques instants plus tard les fusiller.

Devant les murailles du fort, d’Estienne d’Orves et ses adjoints demandent à ne pas avoir les yeux bandés ni les poignets entravés. Accordé. Ils reçoivent à genoux la bénédiction des mains de l’aumônier Stock.

D’Estienne d’Orves s’approche du président Keyser, le magistrat qui l’a condamné à mort et lui déclare : « Monsieur, vous êtes officier allemand. Je suis officier français. Nous avons fait tous les deux notre devoir. Permettez-moi de vous embrasser ».

Quelques instants plus tard, les condamnés meurent criblés de balles et dès le lendemain, un communiqué et une affiche diffusent la nouvelle. Leur mort courageuse frappe les consciences. Beaucoup de jeunes gens vont basculer dans la Résistance pour se montrer dignes de leur exemple.

Une ombre entache la grandeur du drame : la radio de la France libre, à Londres, diffuse de bonne foi une information erronée des services secrets de Carlton Gardens selon laquelle les trois résistants auraient été exécutés par des soldats français aux ordres du gouvernement collaborationniste de Vichy.

Bibliographie

Je recommande le livre Honoré d’Estienne d’Orves, une biographie passionnante par le journaliste-historien Étienne de Montety (Perrin/Tempus, janvier 2005, 340 pages).

Publié ou mis à jour le : 2020-01-20 16:28:36

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