Le Républicain Lorrain                                                            BELVAL

La fausse légende du cimetière militaire roumain au bout du chemin

Marion JACOB

Depuis des années, la mémoire locale fait état d’un monument élevé par les Allemands en 1916 à la gloire des soldats roumains. Et c’est une erreur. Photo VM /Jerome HUMBRECHT

Cela partait sans doute d’une bonne intention au départ mais la légende qui fait du monument caché dans la forêt de Belval un hommage allemand aux morts roumains pendant la Première Guerre mondiale est une complète erreur. La rumeur a enflé jusqu’en Roumanie.

C’est un de ces non-sens de l’histoire qu’il est difficile, voire impossible, à rattraper. Mais essayons tout de même puisque la possibilité nous en est donnée. Sur les hauteurs de Belval, à un jet de pierre du pied du col du Hantz et de la frontière avec l’Alsace, un petit chemin serpente dans la forêt. L’endroit n’offre pas de distractions particulières, seuls les amateurs de randonnée doivent passer par là. A’ droite surgit pourtant un grand monument de pierre couplé à un cimetière de la Première Guerre mondiale aujourd’hui disparu. En face, une petite stèle dédiée au lieutenant allemand Franz Hoch décédé le 18 juin 1916. Et un petit panneau apposé à un arbre « Monument des Roumains» C’est là l’erreur qui fait s’étouffer l’historien Yann Prouillet.

  • <<Cela part de la tempête de 99>>

 Croire que les Allemands aient pu ériger un monument avant 1916 aux Roumains est une double faute.

« Les Roumains étaient alliés du Saint Empire au départ mais changent de camp.  A partir de là, les prisonniers roumains envoyés en zone allemande arrivent dans les Vosges à partir de janvier 1917. » Première erreur, chronologique donc. La seconde est pire encore, une insulte à l’histoire. « Ces prisonniers sont considérés comme du “matériel humain”. Les civils qui leur déposent de l’eau sont punis de prison. Alors imaginer que les Allemands aient pu leur ériger un monument de ce style, c’est un non-sens total.»

D’où vient la méprise ? « Cela part de la tempête de 1999 qui ravage la forêt alentour. Le monument était debout mais on semble redécouvrir le cimetière. On magnifie la légende et on en fait un endroit voulu par les Allemands à la gloire des soldats roumains enterrés là.» Au départ, l’histoire et pourtant simple en plus d’être documentée. Il s’agit d’un carré militaire allemand qui jouxte un peu plus loin des corps de prisonniers roumains enterrés sur ce qui est alors un petit plateau désormais recouvert de forêt. Lors du déménagement des tombes allemandes au cimetière de Senones en 1919-1920, des corps roumains ont été exhumés également. C’est sans doute le point de départ de la rumeur avec un fond de transmission orale, déformé par le temps et qui s’érige en vérité. A’ tel point qu’un prêtre orthodoxe est venu sur place rendre hommage  aux braves et que l’histoire fait le buzz en Roumanie via un blog touristique. Pourtant, c’est presque faire injure à la condition de ces prisonniers pendant la guerre que de croire que ceux qui furent considérés comme des sous-hommes aient pu avoir l’honneur d’une telle monumentalité. Mais comme conclut Yann Prouillet, «la mémoire s’auto-entretient », même si ce n’est pas toujours dans le bon sens.

 

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