00h16 • Les Britanniques sautent sur Pegasus Bridge

Dans la nuit du 5 au 6 juin, après un retard de 24 heures, le général Eisenhower lance enfin l’opération Overlord ! Les commandos parachutistes et aéroportés ouvrent le bal à minuit. Parmi eux, les Britanniques sont chargés de sécuriser, sur le flanc est du Débarquement, l’estuaire de l’Orne, au nord de Caen. Ils doivent notamment prendre deux ponts, l’un sur le canal de Caen, à Bénouville, l’autre sur l’Orne, à Ranville. Une fois aux mains des Alliés, ces ponts serviront de voie de passage aux troupes arrivant à l’aube sur la plage de Sword Beach. L’opération, baptisée «Deadstick», est confiée à des soldats de la 6e Airborne britannique, une division aéroportée de 5 250 hommes placée sous la direction du général Gale. L’assaut a été minutieusement préparé. Des répétitions générales ont eu lieu en mars et avril sur des répliques des ponts, en Angleterre…

Tout commence par une opération de diversion. Le lundi 5 juin, à minuit, trois parachutistes sautent d’un avion au-dessus du Cotentin. Dans un champ près de Saint-Lô, ils installent des amplificateurs diffusant des enregistrements de détonations, de tirs de mortiers, de jurons… Cette manœuvre – comme d’autres opérations de leurre – est destinée à capter l’attention des sentinelles allemandes déployées dans la région. Quelques minutes plus tard, les hommes de la 6e Airborne entrent en action. Parmi eux, mains et visages camouflés, les 181 parachutistes de la compagnie D du major John Howard grimpent à bord de six planeurs Horsa, tractés par des bombardiers Halifax. La météo est favorable mais la luminosité faible : des nuages masquent la pleine lune. Sur l’un des planeurs, on distingue tout de même cette phrase adressée aux Allemands : «La Manche vous a stoppés, elle ne nous stoppera pas.»

Lâchés au-dessus de Cabourg, les trois premiers planeurs descendent rapidement dans le vacarme des canons de la Flak (la défense antiaérienne allemande), tandis que les bombardiers qui les ont tractés vont, pour donner le change, faire semblant d’attaquer une cible au sud de Caen. Le largage est impeccable : à 0 h 16, le planeur du major Howard touche le sol mais s’encastre dans la première rangée de barbelés située à l’entrée du pont de Bénouville. Les deux autres planeurs tombent à 50 mètres de là, sur l’autre rive. Les gardes allemands sont vite maîtrisés ou s’enfuient. L’assaut est bref et victorieux : les Britanniques parviennent à s’emparer du pont et à neutraliser les charges explosives qu’y avaient posées les Allemands. Mais hélas, cette opération est fatale au lieutenant Botheridge, touché au cou par une des mitrailleuses postées au bord du pont. C’est le premier soldat britannique tué le 6 juin…

Le largage des trois planeurs suivants est beaucoup plus approximatif : un seul se pose à proximité immédiate de sa cible. Le deuxième atterrit à 1,5 kilo mètre, le troisième à 10 kilomètres au nord : son pilote a confondu le canal de Caen et l’Orne avec deux cours d’eau parallèles. Malgré cela, le deuxième pont est également vite sécurisé – les gardes qui le défendent prennent la fuite. Les deux ouvrages ont été conquis en moins d’un quart d’heure et avec des pertes modérées (2 morts, 14 blessés). Encore faut-il les tenir, car les Allemands, qui connaissent l’importance stratégique de ces ouvrages, ne vont pas manquer de contre-attaquer. Trente minutes plus tard, comme prévu, 250 avions alliés larguent des parachutistes. Mais les pilotes ont mal visé : les bataillons sont dispersés sur un large périmètre et peinent à se regrouper au milieu d’Allemands désormais en alerte. Pour le commando d’Howard, isolé, une longue nuit commence. Pendant des heures, les patrouilles allemandes et les bataillons de parachutistes vont se battre dans Ranville. A 10 heures, le danger vient du ciel : un Junker 88 de la Wehrmacht approche. Il largue une bombe qui tombe sur le pont, ricoche et tombe à l’eau… sans exploser.

Enfin, vers 13 heures, la 1ère brigade spéciale écossaise arrive. Elle a débarqué sur Sword Beach et vient opérer la jonction avec les parachutistes. Pantalon de velours, col roulé blanc et carabine de chasse sur l’épaule, lord Lovat, qui dirige la brigade, ouvre la marche… avec son joueur de cornemuse personnel. La légende (racontée par le célèbre film Le Jour le plus long) veut que ce dernier ait traversé le pont en jouant. Mais le joueur de cornemuse racontera ultérieurement, avec un humour typiquement britannique, qu’à l’allure à laquelle il courait, pour éviter les tirs ennemis, il aurait été bien en peine de jouer. Après avoir félicité les hommes d’Howard, lord Lovat, de son côté, s’excusera solennellement pour avoir dépassé l’horaire prévu dans leur plan… de deux minutes trente.

Bientôt, le pont de Bénouville est rebaptisé «Pegasus Bridge», d’après l’insigne des troupes aéroportées qui l’ont libéré. Plus tard, celui de Ranville deviendra «Horsa Bridge», hommage aux planeurs anglais qui ont fait le succès de l’opération. Dans l’après-midi, le général Gale, lui aussi débarqué par planeur, installe son poste de commandement au château de Heaume, à Ranville. Le soir même, la livraison d’armes lourdes renforce considérablement ses positions. Même si la situation reste précaire face à la puissance de feu de la 21e Panzer Division, les Alliés ont conquis leurs objectifs stratégiques sur le flanc est du Débarquement.

04h00 • Sainte-­Mère-Eglise est la première ville libérée

Les commandos américains, parachutés aussi dans la nuit du 5 au 6 juin, sont chargés de sécuriser le flanc ouest d’Overlord, l’arrière-pays des plages d’Omaha et Utah où vont débarquer les GI’s. La 101e division aéroportée doit détruire la batterie de Saint-Martin-de-Varreville et tenir les chemins surélevés partant d’Utah. Traversant la vallée de la Douve, inondée par les Allemands, ils ouvrent la voie vers Cherbourg dont le port est essentiel aux Alliés. La 82e division aéroportée doit, de son côté, s’emparer de deux ponts, en faire sauter deux autres et surtout prendre Sainte-Mère-Eglise, axe de communication vital en arrière d’Utah Beach.

Le 5 juin, peu avant minuit, des parachutistes jouant le rôle d’éclaireurs touchent le sol normand. Aussitôt, ils balisent les zones sur lesquelles seront larguées les deux divisions, réparties à bord de 800 avions, qui vont survoler le Cotentin entre 1 heure et 3 heures. Mais une épaisse couche nuageuse conjuguée aux tirs de la Flak (la DCA allemande) désorganise les formations aériennes. Des avions sont touchés, d’autres perdent le cap. En prime, les éclaireurs n’ont pas eu le temps de préparer toutes les zones de largage. Résultat : certains des 13 200 soldats largués atterrissent à plus de 20 kilomètres de l’endroit prévu – ils mettront plusieurs jours à rejoindre leur unité. Alertés par les moteurs d’avions à basse altitude, les soldats allemands font aussi beaucoup de dégâts. Les corolles des parachutes leur offrent des cibles de choix. Nombre d’Américains sont abattus. D’autres se noient dans les secteurs inondés, emportés par les 40 kilos de leur équipement. Mille cinq cents hommes de la 101e sont tués ou faits prisonniers. Soixante pour cent du matériel lourd est perdu.

Parmi tous les parachutistes largués, certains tombent directement sur la cible de l’assaut, Sainte-Mère-Eglise. La population les découvre, stupéfaite, dans le ciel, malgré le couvre-feu. Les habitants ont en effet été réquisitionnés quelques heures plus tôt pour éteindre un incendie qui s’est déclaré en ville. Les gardes allemands tuent nombre des assaillants, mais pas tous. John Steele – que le cinéaste Darryl F. Zanuck immortalisera dans sa très hollywoodienne célébration du Jour le plus long en 1962 – fi nit sa descente sur le clocher de l’église, auquel s’accroche son parachute. De sorte qu’il reste suspendu dans le vide. Pendant ce temps, dans les alentours, les parachutistes rescapés se rassemblent lentement en se repérant les uns les autres grâce au bruit de crécelles métalliques qu’ils actionnent entre leurs doigts. Les officiers forment des groupes de fortune avec les hommes qu’ils trouvent. Ainsi, avec 90 soldats, le lieutenant-colonel Krause parvient à verrouiller les accès de Sainte-Mère Eglise, et à l’investir vers 4 heures. Voilà la première ville de France tombée aux mains des Alliés. Après une contre-attaque allemande infructueuse, Sainte-Mère-Eglise est complètement sécurisée avant l’aube – et le malheureux John Steele peut enfin être libéré… Une trentaine de soldats allemands ont été faits prisonniers. La population incrédule sort des abris pour célébrer ses libérateurs. Mais elle va encore souffrir pendant deux jours, pilonnée par l’artillerie allemande qui fera de nombreux morts civils et militaires.

Dans les environs, peu à peu, la guérilla des parachutistes porte ses fruits. Les Américains neutralisent plusieurs batteries. A côté de Sainte-Mère-Eglise, ils occupent bientôt Saint-Martin-de-Varreville, dont les canons ont été détruits par les bombardements, puis s’emparent du pont de la Fière et de l’écluse de la Barquette sur la Douve, deux axes cruciaux reliant leurs positions à Omaha et Carentan. Mais c’est avec les troupes débarquées sur Utah, plus près, que le contact s’opère vers 13 heures. Au soir du 6 juin, seul un quart des troupes parachutées occupe les positions prévues – il leur faudra cinq jours pour se réorganiser complètement. Et les pertes sont élevées, quoiqu’inférieures aux prévisions de l’état-major. Les 82e et 101e divisions cumulent 338 tués, 884 blessés et 1 996 disparus, dont beaucoup ne seront jamais retrouvés. Mais, malgré les contre-attaques, le flanc ouest d’Overlord est tenu. Avec le ravitaillement en matériel lourd, il va vite devenir imperméable. Les Alliés disposent maintenant d’un point d’ancrage solide dans le Cotentin. Cherbourg sera le prochain objectif du corps expéditionnaire.

04h30 • A Merville, les canons allemands sont neutralisés

Cette opération est vitale. Trente mille soldats britanniques – et 177 fusiliers marins français – doivent se jeter, dès l’aube, à l’assaut du secteur de Sword Beach. Si la batterie allemande installée dans l’arrière-pays, à Merville, n’est pas neutralisée dans la nuit, ses canons causeront un massacre dans leurs rangs. La batterie est composée de quatre casemates bétonnées construites en 1942 au cœur du Mur de l’Atlantique. Cent trente artilleurs allemands en défendent l’abord. Dans le plus grand secret et à plus de 400 kilomètres à vol d’oiseau de là, des parachutistes anglais se sont entraînés méthodiquement à leur donner l’assaut. Grâce à des photos aériennes, une réplique de la batterie de Merville – mais aussi des barbelés épais de 5 mètres, des fossés antichars et des champs de mines qui l’entourent – a été construite à l’ouest de Londres, sur une colline appelée Wallbury Hill. Inlassablement, le scénario de l’attaque a été répété, jusqu’à ce qu’il s’enchaîne parfaitement : à 1 heure, 600 hommes du 9e bataillon de parachutistes britanniques, épaulés par une compagnie de parachutistes canadiens, doivent être largués dans la région, avec des Jeeps, des mitrailleuses et des mortiers, dépêchés à bord de planeurs. Une fois le bataillon réuni, il fera marche vers la batterie. A 4h30, trois planeurs s’écraseront entre les casemates pour faire diversion. Au même moment, le bataillon lancera l’attaque décisive. Telles sont les grandes lignes de l’opération, mais elle est bien plus sophistiquée encore : en tout, onze groupes d’hommes, avec chacun ses propres tâches, se coordonneront pour réaliser l’assaut.

Tout est donc prévu dans les moindres détails… mais à l’amorce de l’opération, le plan du lieutenant-colonel Otway, chef de l’opération, vole en éclats. A cause du vent, de la fumée des bombardements alliés et des tirs de la DCA allemande, le parachutage est désastreux. Largués à 1 heure du matin, les hommes du 9e bataillon de parachutistes se perdent loin de la zone d’un kilomètre carré prévue pour leur atterrissage. Certains se noient dans les marais, d’autres touchent terre à plusieurs dizaines de kilomètres de la batterie. Les planeurs qui transportent les mitrailleuses et les Jeeps s’écrasent au sol. La majeure partie du matériel est perdue. L’opération manque même de perdre son chef : le lieutenant-colonel Otway tombe avec deux autres paras à 350 mètres de sa cible, dans la cour d’une ferme occupée par un poste de commandement allemand. Alertées, les sentinelles ouvrent le feu. A ce moment, comme le raconte l’historien Pierre Montagnon dans son livre Histoire des commandos : 1944-1945 (éditions Pygmalion), un des Britanniques fait preuve d’un étonnant à-propos : «Il lance une brique qui fracasse une fenêtre. Les Allemands croient qu’il s’agit d’une grenade et s’abritent, arrêtant leurs tirs. Les trois Anglais en profitent pour filer.»

Avec ses deux complices, Otway rejoint le point de ralliement, mais les nouvelles qui l’attendent sont décourageantes. Seuls 150 parachutistes répondent à l’appel. A 2h15, le groupe se met en route vers le village voisin de la batterie et attend l’arrivée des planeurs. Mais là encore, rien ne se passe comme prévu. L’un des trois engins a dû faire un atterrissage forcé en Angleterre. Quant aux deux autres, ils arrivent bien à 4h30, mais tombent à plusieurs centaines de mètres de la batterie. Tant pis : alors que les soldats allemands donnent l’alerte, Otway lance l’assaut. Des rangers sautent sur des mines, d’autres tombent sous le feu d’une mitrailleuse allemande, mais vague après vague, sans s’occuper des blessés ni des morts, les rangers approchent des casemates et visent le point faible de leur carapace : les tuyaux d’aération. En y lançant des grenades, ils pourront atteindre les Allemands dans leur tanière. Sous les explosions, enfin, les casemates cèdent. Vingt-deux soldats allemands ont succombé, les autres sont en fuite. Du côté britannique, 70 parachutistes sont hors de combat. Reste une mission à accomplir : prévenir le croiseur Arethusa que l’opération a réussi, car il a pour ordre, sans cela, de bombarder la batterie de Merville à 5 h 30. Là encore, on fait avec les moyens du bord. Une fusée jaune est tirée. Par chance, elle sera repérée par un avion allié, qui pourra répercuter la nouvelle. Pour plus de précaution, un officier de liaison, Jimmy Loring, lâche un pigeon voyageur, qui vole à tire d’aile à travers la Manche pour porter l’heureuse nouvelle au commandement anglais…

06h35 • Sur Omaha Beach, un terrible bain de sang

A l’est, à l’aube, les Britanniques et les Canadiens ont débarqué sur les plages Juno, Sword et Gold. A l’ouest, les compatriotes américains ont touché eux le rivage d’Utah Beach. Mais c’est bien ici, à Omaha Beach, que l’enfer a choisi de s’incarner le 6 juin 1944. Ce jour-là, le soleil se lève juste avant 6 heures. Le temps est gris, la visibilité faible. Les bombardiers alliés qui ont approché des côtes larguent 13 000 bombes sur elles. Mais gênés par le brouillard, et craignant de toucher les leurs, les aviateurs frappent trop à l’intérieur des terres. Alors que les Américains les imaginent écrasés sous des tonnes de terre, les Allemands sont juste sonnés.

Une épaisse fumée masque la côte quand arrivent les barges du premier assaut. Pour être hors de portée des batteries allemandes, les navires alliés mouillent à 10 kilomètres des côtes. Du coup, les 180 embarcations ont été mises à l’eau trop au large. Plusieurs ont coulé, emportant des hommes, de nombreux chars et les plus grosses pièces d’artillerie. Vingt ans plus tard, Eisenhower déclarera à propos de ce matin-là sur Omaha : «Tout ce qui était susceptible de rater a raté.» A 6 h 30, les premières barges parvenues devant les plages tombent sur une mauvaise surprise. Déportées par le courant, elles ont accosté face aux défenses côtières. Les hommes sautent à l’eau. Ils ont 500 mètres à parcourir à découvert. Les Allemands attendent le dernier moment pour ouvrir le feu. Sur des cibles faciles, ils déversent soudain un déluge de balles. Et font un massacre. Les premières compagnies sont décimées. En cinq minutes, 90 % des hommes sont hors de combat, morts ou blessés.

Robert Capa, envoyé spécial du magazine Life, va photographier ici ses célèbres images du Débarquement. Un spectacle effroyable. La plage est déjà jonchée de débris de corps déchiquetés. Des petits groupes avancent en rampant sur le sable, recroquevillés sous la violence du feu, cherchant un abri derrière les pieux et autres obstacles édifiés par les Allemands. Cité dans le livre Omaha Beach, de Joseph Balkoski (éditions Stackpole Books, 2006), un soldat du 116e régiment, Felix Branham, se souvient : «J’ai sauté. J’avais de l’eau jusqu’en haut des bottes. Sur la plage, […] des hommes saignaient à mort, rampants, gisants, partout, des tirs venant de toutes les directions. Nous avons plongé pour nous abriter derrière tout ce qui était plus gros qu’une balle de golf. Le colonel Canham, le lieutenant Cooper et le sergent Crawford nous criaient de sortir de la plage. Je me suis tourné pour dire à Gino Ferrari, “On bouge Gino !”, mais avant que j’aie fini ma phrase, j’ai reçu quelque chose sur le visage. Il avait été touché à la tête et son cerveau avait giclé sur moi. J’ai avancé et la marée montait si vite que la mer l’a recouvert et emporté. Je ne pouvais plus le voir.»

Les hommes du génie subissent des pertes énormes eux aussi. Les 270 sapeurs chargés d’ouvrir seize passages pour les véhicules travaillent à découvert, sans l’appui des chars. Après une demi-heure, les survivants n’ont ouvert qu’un seul chenal. Les Allemands croient à la victoire. Mais les Américains continuent d’arriver. Les plus chanceux ont abordé dans des secteurs moins défendus. De nombreux officiers ayant été tués, les survivants s’organisent par petits groupes.

Sur le pont de l’USS Augusta, en milieu de matinée, le général Bradley, qui dirige le Débarquement, arbore une mine sinistre et lâche un cri en forme d’aveu : «Eh bien, savez-vous ce qui se passe ? Moi, je n’en sais rien !» (propos rapportés par Hanson Baldwin, le correspondant du Times). Les comptes-rendus font tous état d’une situation dramatique et de pertes énormes. Un moment, le général songe à détourner les troupes d’Omaha vers Utah et Gold, où la situation est bien meilleure. Mais il ne dispose d’aucun moyen pour rembarquer les 15 000 soldats déjà sur place et le risque est trop grand d’éparpiller la tête de pont (60 kilomètres séparent Utah de Gold). Une demi-heure plus tard, il apprend les premiers succès.

Vers 9h30, un groupe a réussi à quitter Omaha et à avancer vers l’est en direction de Port-en-Bessin et des Britanniques, distants de 16 kilomètres. A 10 heures, d’autres troupes ont effectué trois percées. Au risque d’être touchés, deux destroyers se sont approchés à moins de 1 kilomètre de la côte pour un tir de précision sur les défenses allemandes. La manœuvre est payante. A midi, les Américains occupent le haut de Vierville-sur-Mer, à l’ouest d’Omaha. Mais l’absence de radio et les épaisses haies du bocage normand gênent la coordination des unités progressant vers l’intérieur. Des fortifications résistent et sont contournées, certaines ne céderont que le lendemain. Néanmoins, les Américains avancent sur la route côtière jusqu’à Saint-Laurent-sur-Mer et Colleville-sur-Mer, où les combats feront rage toute la journée.

Pendant ce temps, à l’arrière, sur Omaha, la situation demeure confuse. Un commandant américain (toujours cité par le journaliste Hanson Baldwin) note sur son carnet : «Partout des barbelés, des mines, des tirs de mortiers, de mitrailleuses, de fusils et de canons de 88, semble-t-il. Ai prié à plusieurs reprises. Pourquoi faut-il imposer aux hommes de telles choses ?» Sur la plage, les médecins sont submergés par les centaines de blessés en attente de soins. Ils se montrent d’une efficacité remarquable. Quant aux équipes du génie, elles ont maintenant ouvert une première grande voie de dégagement, par où s’évacuent les hommes et le matériel qui continuent à affluer. Et peu à peu, le vacarme, incessant depuis l’aube, cesse. Non ravitaillés en hommes et en munitions, les Allemands se sont épuisés à endiguer le flot ininterrompu d’assaillants. Pris à revers, leurs points fortifiés tombent l’un après l’autre. En fin d’après-midi, quelques snipers tirent encore par intermittence sur les troupes débarquant ou sur les blessés regroupés pour être évacués vers l’Angleterre. En fin de journée, le bilan est terrible. Les estimations communiquées par l’état-major font état de «3 000 pertes», cumulant les morts, les blessés et les disparus (il y a eu sans doute un quart des décès par noyade). C’est quinze fois plus qu’à Utah. Deux jours plus tard, le Times publiera le récit d’Hanson Baldwin sous le titre, qui restera célèbre, de Bloody Omaha. Au soir du 6 juin, la tête de pont d’Omaha, 9 kilomètres de long sur seulement 2 à 3 de profondeur, demeure fragile. Mais les Américains ont déjà débarqué 34 250 hommes et 2 870 véhicules. Et la percée fulgurante des jours suivants leur fera oublier un temps le cauchemar de cette plage.

07h11 • Les rangers sous une pluie de balles à la pointe du hoc

Petite avancée des côtes du Calvados dans la Manche, l’éperon rocheux de la pointe du Hoc surplombe de 30 mètres une étroite plage de galets. Les reconnaissances aériennes alliées ont révélé que son sommet, solidement fortifié, est pourvu de puissants canons. De quoi les inquiéter : à mi-distance d’Omaha et d’Utah, cette batterie côtière menace directement les deux plages du débarquement américain. Il faut la réduire au silence. L’efficacité des bombardements aériens étant incertaine, il est décidé que la position sera prise d’assaut dès l’aube du Jour J. La mission est confiée par Eisenhower en personne au lieutenant-colonel James Earl Rudder et à son 2e bataillon de rangers. Rudder comprend d’emblée qu’il ne s’agira pas d’une promenade de santé. Après avoir dirigé l’entraînement sur les falaises de l’île de Wight, il insiste néanmoins pour conduire personnellement l’assaut. Ses troupes devront arriver par la mer, puis se scinder pour escalader la falaise par ses deux faces, est et ouest, s’emparer des bunkers, neutraliser la garnison d’environ 200 hommes et détruire les canons. Le tout en moins de 30 minutes. S’ils ne tirent pas une fusée éclairante dans ce laps de temps, l’opération sera considérée comme perdue. Dès lors, les 500 autres rangers prévus en renfort ne seront pas envoyés à la pointe du Hoc.

Le 6 juin, avant l’aube, 15 barges transportant 225 hommes et leur matériel sont mises à l’eau. Mais le vent et les forts courants font couler immédiatement l’une d’elles – un seul occupant est repêché, ses camarades sont aspirés au fond par le poids de leur équipement. Les autres embarcations sont entraînées 2 kilomètres trop à l’est. Elles sont obligées de longer la côte pour rejoindre leur objectif. Ce n’est donc qu’à 7h11, avec 41 minutes de retard, que Rudder et ses hommes arrivent enfin au pied de la falaise. Ils sont accueillis par une pluie de balles. Une des barges, transportant des munitions, explose. Dans la précipitation, les rangers se concentrent tous sur la face est de la paroi rocheuse.

A l’aide de cordes et de grappins, ils escaladent la falaise. Les soldats allemands tentent de couper les cordes, mais ils sont la cible des destroyers américains… Parvenus au sommet, les rangers engagent le combat. En moins d’un quart d’heure, la batterie est conquise. Mais une cruelle déception attend les Américains : en fait de redoutables canons, ce sont des pylônes en bois qui garnissent les plates-formes. Les Allemands ont déplacé toutes les pièces d’artillerie, installant des leurres à leur place pour tromper les avions de reconnaissance alliés.

En patrouillant à l’intérieur des terres, deux rangers trouvent enfin, au détour d’un chemin, les canons tant redoutés. Ils sont pointés sur Utah Beach, et des dizaines d’obus, par terre, attendent d’être chargés dans leur gueule… Les rangers les détruisent et rejoignent leurs camarades. Mais pour tous, le plus dur est encore à venir. La fusée n’ayant pas été tirée en temps voulu, les renforts ont été détournés sur Omaha. Le bataillon se retrouve donc isolé. A 9 heures, il repousse une première contre-attaque d’une compagnie du 916e régiment d’infanterie allemand. Rudder lance un appel radio : «Sommes à pointe du Hoc. Mission accomplie. Munitions et renforts nécessaires, beaucoup de pertes.» 135 de ses 225 hommes sont en effet déjà hors de combat. On lui répond : «Bon travail ! Aucun renfort disponible.» Au soir du 6 juin, les régiments débarqués sur Omaha, bloqués par une très forte résistance allemande, bivouaquent à Vierville-sur-Mer, à 6 kilomètres de la pointe du Hoc. Encerclés, isolés, les rangers vont encore subir de fortes contre-attaques dans la nuit. Mais ils tiendront jusqu’à l’arrivée des renforts, dans l’après-midi du 7 juin. Quatre-vingts rangers auront laissé leur vie sur le petit rocher normand. Blessé lui-même deux fois, Rudder s’illustrera à nouveau dans la bataille de Bulge (Ardennes) pour devenir l’un des officiers les plus décorés des Etats-Unis.

08h00 • A la prison de Caen, 87 résistants sont assassinés

Au quartier allemand de la maison d’arrêt, les prisonniers ont entendu depuis l’aube le fracas de la canonnade sur la côte. Ils savent que le Débarquement a commencé. Au printemps, les résistants normands ont été très actifs. La Gestapo aussi. Aidée de ses auxiliaires français, elle a arrêté plus de 200 «terroristes» au cours des six derniers mois, et les tient enfermés ici entre deux interrogatoires. Au matin du 6 juin, les prisonniers se mettent à espérer. Et si leur libération était proche ? La ville est à une douzaine de kilomètres au sud des plages du débarquement anglo-canadien, et elle représente un objectif immédiat pour les stratèges alliés. Ils ont prévu de prendre ce nœud vital, ouvrant la voie vers Paris, avant la fin du Jour J. Cette mission est confiée aux fantassins de la 3e division britannique, qui débarqueront sur Sword Beach, et auxquels on fournira des bicyclettes pliables pour avancer au plus vite vers la ville.

Cependant, durant l’assaut du matin, les unités anglaises prennent du retard… Et à Caen, vers 8 heures, le chef de la Gestapo locale, Harald Heyns, arrive avec ses sbires à la maison d’arrêt. Il informe le capitaine Hoffmann, qui commande la prison, que les prisonniers les plus dangereux vont être exécutés sur-le-champ. Suivant la procédure habituelle, les détenus en question auraient dû être évacués vers Compiègne, puis l’Allemagne. Mais la gare de Caen a été anéantie par les bombes… Et les Allemands n’ont ni les camions ni les hommes nécessaires à leur transfert. Une liste de noms est donc dressée. Des fosses sont creusées à la hâte dans une des cours de promenade. Puis le massacre commence. Les hommes désignés sont exécutés d’une rafale de mitraillette et achevés d’une balle de pistolet. Vers 10 h 30, le calme revient. Puis, à 13h30, la ville est secouée par un bombardement aérien.

A peu près au même moment, la 3e division britannique réalise une forte percée, sur près de 8 kilomètres de profondeur. En fin d’après-midi, elle a en vue son premier objectif : l’aérodrome de Carpiquet, à l’ouest de Caen. Mais les chars ont pris trop d’avance et n’ont plus le soutien de l’infanterie. Craignant de les perdre, l’état-major leur ordonne de se replier, alors qu’ils sont aux portes de la ville. Dont la prise est ajournée. De quelques heures, pensent les généraux alliés… Et vers 15 heures, à la prison de Caen, la tuerie reprend. D’autres noms sont cochés. En tout, 87 résistants français sont assassinés ce jour-là. Ensevelis dans les fosses, leurs corps sont recouverts de chaux. Ensuite, la prison est entièrement vidée et abandonnée et, conformément à la directive «Nacht und Nebel» («Nuit et Brouillard») de 1941, stipulant que le sort des prisonniers politiques doit rester secret, les Allemands feront ensuite disparaître les traces de leur forfait. Les archives seront détruites. Le retard dans la prise de Caen leur donnera même le temps d’envoyer à la maison d’arrêt, dans la nuit du 30 juin, un commando chargé d’exhumer les corps pour les emporter vers une destination restée à ce jour inconnue.

Les troupes alliées vont mettre en effet un mois et demi pour s’emparer de la capitale du Calvados. Au soir du 6 juin, la 3e division d’infanterie compte 630 tués et blessés. Elle a débarqué 28 845 hommes et 2 603 véhicules mais elle est bloquée à l’est, sur l’Orne. La 12e SS-Panzer Division s’installe à l’ouest de Caen, renforçant la 21e, solidement positionnée au nord. Le général Montgomery, commandant en chef de l’armée britannique, se retrouve face à face avec les chars de Rommel, son ancien adversaire d’Afrique. Il lui faudra quatre offensives pour enlever entièrement, le 20 juillet, une ville qui ne sera plus alors qu’un champ de ruines. Les bombes des Anglais auront détruit Caen à 70 %, tuant plusieurs milliers de civils.

16h00 • Les Allemands lancent une contre­-attaque

Comment, de leur côté, les Allemands ont-ils vécu le D-Day ? Dans la confusion la plus totale. Dans la nuit du 5 au 6 juin, à partir de minuit, les informations sur les parachutages et les premiers assauts affluent au QG du général Von Rundstedt, le commandant en chef des armées de l’Ouest, à Saint-Germain-en-Laye. Mais les officiers peinent à en évaluer aussi bien leur ampleur que leurs objectifs. Ils doivent d’abord trier puis analyser les données nombreuses et confuses qui leur parviennent. Toute la nuit, leurs réactions sont hésitantes. A l’aube, la surprise est totale pour les garnisons du rivage normand, lorsqu’elles découvrent l’armada alliée sur la mer. Erwin Rommel, inspecteur des défenses à l’Ouest et en charge du Mur de l’Atlantique, est parti en Allemagne fêter l’anniversaire de sa femme. A 6 h 30, prévenu par Speidel, son adjoint, il prend la route en direction de la France. Il ne rejoindra son QG de la Roche-Guyon, près de Mantes, qu’à la nuit tombée. Là, toute la journée durant, ses officiers sont restés persuadés que le débarquement normand n’était qu’une diversion, masquant le «vrai» débarquement à venir dans le Pas-de-Calais. Gerd Von Rundstedt campe lui aussi sur cette position. Il multiplie néanmoins les appels téléphoniques à Berlin pour obtenir de déplacer deux divisions blindées vers la côte. Mais à Berchtesgaden, Hitler, le chef omniscient… dort. La veille, après avoir appris la chute de Rome (libérée par les Alliés le 4 juin), il a veillé tard et s’est couché avec un somnifère. Interdiction absolue de le déranger !

Réveillé à 9h15, Hitler écoute les communiqués et convoque ses maréchaux Keitel et Jodl. A 14h30, enfin, il autorise une contre-offensive des blindés en Normandie. A 16 heures, la 21e Panzer Division fait mouvement, après avoir péniblement rassemblé ses unités, éparpillées autour de Caen. Son commandant, Edgar Feuchtinger, dispose de 20 000 hommes, 150 chars et 24 grosses pièces d’artillerie. La division parvient d’abord à contrer les Anglais sur Sword Beach puis à lancer une attaque pour les couper des Canadiens débarqués sur Juno Beach. Un bataillon réussit même à ouvrir un corridor jusqu’à Luc-sur-Mer et quelques blindés s’y avancent, sans pouvoir se maintenir, faute d’appui aérien. La 21e se positionne alors solidement au nord de Caen. Renforcée dès le soir du 6 juin par la 12e SS-Panzer Division, elle va interdire l’accès de la ville aux Anglais jusqu’au 20 juillet.

La contre-attaque de la 21e est la seule de la journée. L’essentiel des troupes reste massé au nord de la Seine, dans l’attente d’un débarquement dans le Pas-de-Calais. Quant aux régiments de renforts, mis malgré tout en marche dès le 6 juin, ils sont ralentis par les attaques des avions alliés, maîtres de l’espace aérien, et par les sabotages de la Résistance. Partie ainsi de Poitiers, la 17e SS Panzergrenadier Division n’arrivera que cinq jours plus tard en Normandie. Ces retards et ces indécisions empêcheront les Allemands de regrouper leurs forces pour contenir le déferlement des Alliés. Quant à la 21e Panzer Division, affaiblie par la défense de Caen, elle sera finalement anéantie en août dans la poche de Falaise.

17h00 • Sur la BBC, de Gaulle parle aux Français

Le général de Gaulle est arrivé d’Alger le 4 juin, pour suivre en compagnie des dirigeants alliés les opérations du Débarquement. Il a alors pris connaissance du message enregistré par Eisenhower, qui doit être diffusé le 6 au matin sur les ondes de la BBC, à destination des Français. «Je sais, déclare le chef d’état-major américain dans cet enregistrement, que je puis compter sur vous pour obéir aux ordres que je serai appelé à donner.» Cette phrase, pour de Gaulle, est rigoureusement inacceptable ! L’homme de l’appel du 18 juin 1940 et de la France libre n’admet pas que le représentant d’un pays étranger, fût-il ami, appelle ses compatriotes à se soumettre à lui. Le 5 juin, de Gaulle exige qu’Eisenhower corrige son discours. Mais le général américain refuse. C’est le clash. Les noms d’oiseaux fusent. Reçu par Churchill, de Gaulle s’exclame : «Je m’attends à ce que demain, le général Eisenhower, sur instruction du président des Etats-Unis et d’accord avec vous-même, proclame qu’il prend la France sous son autorité. Comment voulez-vous que nous traitions sur ces bases ?» (citation extraite des Mémoires de guerre du général de Gaulle, tome 2, 1942-1944, éditions Presse Pocket). Churchill menace de renvoyer son hôte, «enchaîné s’il le faut», à Alger…

Mais la nuit porte conseil. De Gaulle ne peut saboter le Débarquement en s’en désolidarisant. Il enregistre donc son texte, qui passera finalement dans l’après-midi du 6 juin, sur les ondes de la BBC. Le général français a exigé et obtenu qu’il ne soit pas diffusé juste après celui du général américain comme c’était initialement prévu. Il ne veut pas apparaître inféodé à ce dernier… A 17 heures, donc, la célèbre voix, s’élève, avec des accents qui rappellent ceux du 18 juin 1940 : «La bataille suprême est engagée ! Après tant de combats, de fureurs, de douleurs, voici venu le choc décisif, le choc tant espéré. Bien entendu, c’est la bataille de France et c’est la bataille de la France.» Churchill, en entendant ces paroles sur les ondes, oublie un instant ses griefs. Entre hommes d’Etat, le courant passe toujours… Son menton tremble, une larme coule sur sa joue. Et, comme son chef de cabinet s’étonne de cette réaction, Churchill grogne : «Vous n’avez donc aucune sensibilité ?»

21h00 • Montgomery peut enfin rejoindre la France

Derrière Gold Beach, le village d’Arromanches est libéré en soirée. Les unités avancées sont dans les faubourgs de Bayeux. Les armées, épuisées, ont cessé de combattre, mais les avions alliés larguent des bombes éclairantes pour surveiller les manœuvres allemandes. Eisenhower et ses généraux respirent : ils ont réussi à prendre pied sur les plages des cinq secteurs. La plupart des sorties sont dégagées, permettant d’évacuer vers l’intérieur hommes et matériel pendant que le déferlement se poursuit.

Ce soir-là, 132 000 soldats ont déjà débarqué. De quoi être optimiste. D’autant que les pertes sont bien inférieures aux prévisions : Américains, Britanniques et Canadiens cumulent 10 000 morts, disparus et blessés quand l’état-major en attendait 25 000. Bien sûr, il y a eu de la casse : la 101e division américaine a perdu 10 % de ses 6 000 hommes, et seuls 2 500 des rescapés sont parvenus pour l’heure à se regrouper. Mais ces troupes aéroportées ont été décisives. Et, avec l’hécatombe d’Omaha, on ne compte «que» 5 000 morts sur les plages : c’est moins de 3 % des effectifs débarqués. La troupe est soulagée. On se congratule. Les Allemands, eux, auraient eu 4 000 tués dans la journée. Signe de confiance de l’état-major allié : à 21 h 30, le général Montgomery, commandant en chef des troupes terrestres, embarque à Portsmouth pour rejoindre la France.

Tout ne sera pas simple pour autant. Si les Alliés ont bien pris pied sur la «forteresse Europe», ils vont souffrir pour y avancer. La bataille de Normandie sera meurtrière et traumatisante. Mais le 21 août, elle s’achèvera par la défaite allemande de Falaise. Pour le «Reich millénaire», la fin est proche.

➤ Article paru dans le hors-série GEO Histoire sur le Débarquement (juin – juillet 2019).