Noor Inayat KHAN (les femmes dans la résistance (9/13) La princesse devenue espionne
Née le 1 er janvier 1914 au Kremlin de Moscou. Son grand-père paternel était un saint soufi1 (XV éme siècle), Tipû Sâhib ou Tipû Sultan fut sultan de Mysore (1750-1799) et allié des français contre l’installation des anglais en Inde, fin 17éme siècle. Elle est la descendante directe du « Tigre de Mysore » dernier chef musulman de l’inde méridionale, nom donné en référence au tigre de l’Inde ou du Bengale.
Son père Hazrat un soufi indien. Sa mère Ora Ray BAXTER américaine, crée un mouvement religieux « sciences chrétiennes » puis adopte l’islam en 1912. Ils se sont rencontrés aux USA, se sont mariés à Londres en 1913. Sur l’invitation du Tsar Nicolas II, ils partent s’installer à Moscou.
Mais avant la révolution bolchévique de 1916 ils repartent pour Londres, à Gordon Square.
NOOR ouvre une école pour l’ordre soufi.
En 1921 la famille s’installe à Paris. Ils logent dans une maison 23, rue de la tuilerie à Suresnes, maison2 achetée pour eux par une riche néerlandaise adepte du culte d’Inayat. Fin Septembre le père part en Inde se ressourcer et il y décédera le 5 Février 1927.
NOOR devient la maîtresse de maison. Elle poursuit ses études et passera son BAC au Lycée de Saint Claude. Elle rentre à l’école normale de musique où elle joue de la harpe. Puis sa famille désapprouvant le mariage qu’elle désirait elle va rompre ses fiançailles.
De fait elle décide de devenir infirmière avec sa sœur.
Le 14 juin 1940 les allemands entrent à Paris, la famille étant d’origine britannique doit fuir, après un périple, prévu par NOOR, elle arrive à Bordeaux où elle embarque vers l’Angleterre pour y arriver le 22 au matin. Mais NOOR et son frère VILAYAT, pourtant de confession non violente, restent et veulent combattre les nazis. Le frère s’engage dans la marine et NOOR retourne en Angleterre.
Le 19 Novembre 1940 elle s’engage dans les WAAF3 sous le nom de Nora BAKER, elle signale qu’elle parle bien le français. Elle va suivre un entraînement intensif à EDIMBOURG comme radio.
Le 10 juin 1941 elle est mutée à ABINGTON au sud d’Oxford, centre de bombardiers de la RAF. Elle va se spécialiser en liaisons radio avec les avions en vol. Fin 1941, elle est nommée officier spécialiste du renseignement. Au printemps 42, Campton Basset complète sa formation en tant qu’opérateur clandestin.
Le 10 octobre, à l’hôtel Victoria, chambrez 238, elle a un rdv avec Seiwin JEPSON recruteur du SOE qui, après discussion l’engage mais après l’avoir averti qu’elle a une chance sur deux de revenir.
8 Février 1943, intègre le SOE. Le 27 nouvel entraînement intensif, elle est nommée sous-lieutenant de WAAF avec 350 £ par an mais pas d’uniforme donc non protégée par la convention de Genève en cas d’arrestation.
N’ayant pas eu le temps de faire un stage de parachutage elle sera déposée par avion. C’est la 1 ére femme opérateur radio en France dans le sous réseau « Phono » de Prosper PHYSICIAN dont le chef est Henry GARRY.
Dans la nuit du 16 au 17 juin elle est déposée au terrain « indigestion » près de Villevèque (Maine et Loire) avec faux papiers (identité, carte d’alimentation), pistolet mais son équipement radio ne lui sera envoyé qu’après. C’est Henri DERECOURT qui a organisé ce vol.
Elle se rend à la gare la plus proche, prend le train pour Paris. Là elle rejoint Henri Garry le patron de « phono » qui réside 40 rue Erlanger avec Marguerite NADAUD sa fiancée.
Le 18 ils vont à l’école nationale d’Agriculture de Grignon (Yvelines) où se tient l’état-major du réseau Prosper PHYSICIAN, parmi lequel se trouve le professeur Alfred BALACHOWSKY le chef de groupe et le jardinier MAILLARD dédié aux parachutages.
NOOR pas encore en possession de sa radio utilise celui de Gilbert NORMAN (alias Archambault) et émet depuis la serre du jardinier.
Dans la nuit du 21 au 22 à Bazemont (Yvelines à 18 km de Mantes la jolie) un groupe mené par BALACHOWSKY récupère un container parachuté au Roncey contenant 3 postes émetteurs et les affaires personnelles de NOOR.
Deux jours plus tard, les 3 dirigeants de Physician, soient Andrée BORREL, Gilbert NORMAN et Francis SUTTIL sont arrêtés. Pire d’autres arrestations suivront.
Henri GARRY, qui s’était caché, et M. NADAUD se marient le 29 juin où NOOR est présente à la mairie. Ils envisagent de partir tous les trois, le 3 Juillet au Mans. Mais NOOR dissuadée par Me BALACHOWSKY ne se rend pas rue Erlanger où loge GARRY qui a tout laissé sur place et est parti avec son épouse.
Le 1er Juillet, bravant le danger, elle part à vélo à Grignon pour émettre mais surprise, les allemands sont sur place. Interpellée elle réussit à s’enfuir et va pendant 15 jours se cacher chez Mme AIGRAIN, avec France ANSELME. On lui propose de rentrer en Angleterre mais elle refuse voulant continuer sa mission.
A la mi-juillet elle trouve un petit studio 3 boulevard Richard Wallace à Neuilly dans un immeuble occupé par….des SS, elle ne peut donc émettre. Elle décide de rentrer en Angleterre le 19 juillet.
Fin Juillet elle échappe de peu à l’arrestation à AUFFARGIS (Yvelines) lors d’une autre mission.
En Août, elle reste la seule opératrice radio de la région parisienne, les autres ayant été arrêtés. Elle ne veut toujours pas retourner en Angleterre prétextant qu’elle attend son remplaçant.
30 Août, Place de l’Alma (8émé/16éme arrdt) de Paris le CNR, comité national de la résistance, installé dans cet appartement élit Georges Bidault en remplacement de Jean Moulin arrêté à CALLUIRE (Rhône) le 21 Juin, c’est NOOR qui transmet la nouvelle à Londres.
Environ trois mois ½ après Noor est arrêtée le 13 Octobre chez elle, au 98 de la rue de la faisanderie, pas très loin du SD4 de l’avenue Foch, car « donnée » par Renée Gary sœur du chef de réseau, jalouse de ne pas en faire partie à moins que ce ne soit par Henri DERICOURY agent double du SOE.
Présentée au chef de la gestapo parisienne Karl BÖMELBURG elle assiste à la fouille de l’appartement où sont trouvé le poste émetteur et un cahier dans lequel figurent tous les messages chiffrés envoyés ou reçus de Londres avec leur transcription en clair.
A partir de ce moment les allemands vont faire un Funkspiel5 (genre de jeu radio) de contre-espionnage dirigé par Josef GOETZ qui communiquera avec Londres en toute quiétude et ce jusqu’au printemps 1944. Ceci aura pour effet néfaste d’envoyer la plupart des agents du SOE directement chez l’ennemi.
NOOR, à Fresnes depuis le 12 mai, essaiera par 2 fois de s’évader notamment dans la nuit du 24 au 25 Novembre.
Le 10 septembre 1944, NOOR est dirigée vers la prison de Karlsruhe, puis le 12 vers DACHAU où elle finira le parcours à pied. Le lendemain elle sera battue à mort, ainsi que 3 autres compagnes de détention pour être finalement exécutées et déposées dans les fours crématoires du camp. Ceci sous les ordres de Friedrich Wilhem RUPPER. Ce dernier sera condamné à mort puis exécuté en mai 1946.
Le dernier mot de NOOR lors de son exécution fut « LIBERTE ».
Distinctions : Croix de guerre 39/45
Membre de l’Empire Britannique.
Croix de Georges en 1949. (Créée par Georges VI en 1940.)
Notes :
1°) soufi : branche mystique de l’islam.
2°) tous les 14 Juillet une fanfare joue devant leur maison de Suresnes.
3°) WAAF: Women’s Auxiliary Air Force
4°) SD : service de sécurité allemand
5°) Funkspiel : contre-espionnage allemand utilisant les émetteurs radio anglais pris aux résistants
Sources : revue spécialisée.Pages internet français et anglais.
Bonjour,
Nous sommes heureux de vous annoncer la parution d’une passionnante biographie jusqu’alors inaccessible aux non-anglophones : celle de Noor Inayat Khan, héroïne de la guerre secrète en 1943-44, par Shrabani Basu.
Soixante-dix ans après la parution d’une première biographie de Noor, « Madeleine » par Jean Overton Fuller, le public francophone peut redécouvrir la vie de cette jeune femme née à Moscou d’une mère américaine et d’un père sage soufi indien, descendant du sultan de Mysore. Noor, tout en conservant un passeport britannique, s’est attachée à notre pays où elle a passé l’essentiel de sa courte vie. Cette remarquable histoire vraie, retracée en détail après deux ans d’enquête minutieuse par Shrabani Basu, journaliste indienne résidant à Londres, est aujourd’hui diffusée en France par les Éditions Metvox.
Poétesse, musicienne, écrivaine pour enfants : pas un profil d’espionne. C’est pourtant ce que devint Noor, la première opératrice radio infiltrée en France. D’une volonté de fer, d’un courage indomptable, considérée par la Gestapo comme une ennemie des plus dangereuses, Noor restait insaisissable. Mais elle fut trahie.
Capturée, détenue pendant onze mois, elle ne livra rien et ne céda jamais, ni aux Nazis, ni à la haine. Elle fut exécutée à Dachau le 13 septembre 1944. C’est dans notre langue qu’elle jeta à la face du bourreau son dernier cri : « Liberté ! ». Elle avait trente ans.
Annie Lacuisse-Chabot, Hervé Larroque, Joëlle Leroy, Daniel Mercurin