Du réseau pour lequel elle convoyait des documents vers la Suisse, dès 1941, à ce jour de 1943 où les Allemands lui ont tiré dessus, en passant par le sommet du Mont-Blanc en 1946, Claire Laffly décrit sa vie comme « bien remplie ».


Claire Laffly a soufflé ses bougies mercredi dernier. Les 100 ans d’une femme exceptionnelle, avec un destin hors du commun. Photo V.C.
« La vie est belle », souffle Claire, assise confortablement dans sa chaise. La vieille dame vient de fêter ses 100 ans. Un siècle d’une vie incroyable, ponctuée d’aventures tragiques et magnifiques à la fois. Une femme avant-gardiste, née au début du siècle dernier qui n’a rien oublié malgré les années. « Je suis rentrée dans la Résistance en 1941. Un membre d’un réseau m’avait vu passer la frontière. Il m’a testé et m’a demandé : “Vous aimez les Allemands ?”. Je lui ai répondu : “Non !”. C’est de cette façon que je me suis retrouvé dans la Résistance. »
À 25 ans, Claire effectue ainsi des allers-retours entre la France et la Suisse, pour convoyer des documents. « Je ne cherchais pas à savoir ce que je transportais. Je sais uniquement que ça partait ensuite vers l’Angleterre. »

Soixante-dix ans se sont écoulés depuis, mais les souvenirs sont restés intacts. « Je faisais la traversée tous les 10 jours. Je m’habillais en paysanne pour ne pas éveiller les soupçons. Et je marchais sur la mousse pour ne pas faire de bruit. » De nuit, âgée d’une vingtaine d’années, elle conduisait de précieux documents pour le compte du réseau Bruno. Et quand on lui parle de cette peur, dont nous serions tous habités, elle répond avec ce sourire qui ne la quitte jamais : « Avec les années je me demande comme j’ai fait, mais à l’époque, je n’avais pas peur ».

« Ils m’ont tiré dessus »

Avec ses yeux brillants, elle se remémore ce 14 mars 1943, où elle a bien failli « y passer ».
« Je me rendais en Suisse, de nuit ; les soldats étaient en patrouille vers la frontière, au barrage du Refrain. J’ai entendu “Halte-là”. Bien évidemment, je ne me suis pas arrêtée », s’amuse Claire, malgré l’horreur de ce souvenir. « Je me suis jetée dans le Doubs. Et au mois de mars, l’eau n’est pas chaude ! Ils m’ont tiré dessus mais j’avais la chance d’être une très bonne nageuse. Je me suis cognée contre quelques pierres mais j’ai pu m’en sortir et regagner l’autre rive ».
S’en suivront deux ans de planque dans une famille suisse. « Des gens très gentils », qui l’ont hébergée jusqu’à la fin du conflit. Après la Seconde Guerre mondiale, Claire passera son permis en 1945. « J’avais réussi à trouver 2 litres d’essence, un exploit ! J’ai fait quelques kilomètres avec l’inspecteur et nous sommes tombés en panne… J’ai dû le repasser une seconde fois ».
En 1946, ce sera l’ascension du Mont-Blanc « avec une bande de copains ». Puis l’achat de l’hôtel de France avec sa sœur. Bref, une vie chargée de souvenirs et d’aventures incroyables.
Aujourd’hui Claire, qui vit à l’Ehpad du Larmont à Doubs, l’assure : « J’ai eu une vie assez complète. Et puis, tout le monde n’a pas 100 ans ! ». Entourée de sa famille, elle a soufflé ses cent bougies, mercredi dernier. Avec cette joie qui lui colle à la peau.

Valentin COLLIN

Est Républicain

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