Novembre 2024

Les porte-drapeaux

En guise de mise au point, petit retour sur les Jeux Olympiques de Paris 2024 qui furent un
véritable succès national et le rôle que les militaires y ont joué.

Le samedi 13 juillet 2024, veille de notre Fête Nationale, on pouvait lire ou entendre sur tous nos médias
qu’un homme avait abattu avec une arme à feu quatre personnes et en avait blessé trois autres lors
d’une fête privée à Espinasse-Vozelle (Allier), à quelques kilomètres à l’ouest de Vichy. Mais, le détail
qui revenait en boucle et devenait ainsi l’information principale, fut que cet homme était, selon le
procureur de la République local un « ancien militaire de l’armée de l’air, sauvage, isolé et « associable ».
De fait, ce meurtrier qui s’est suicidé après avoir perpétré son forfait avait quitté l’armée depuis plus de
15 ans avec le grade d’adjudant.

Dix jours plus tard, le 23 juillet, on apprenait que le nageur Florent Manoudou, médaillé d’or olympique
à Londres et triple médaillé d’argent à Rio et Tokyo, serait notre porte drapeau aux jeux de Paris. Mais
là, on oubliait de dire que ce champion était lors de ses exploits passés, militaire et, plus exactement,
brigadier au 68e régiment d’artillerie d’Afrique de La Valbonne.

On aurait pu ajouter aussi que, aux jeux de Paris, la délégation française compterait 78 militaires sur 571
athlètes (soit 14 %) dont certains déjà médaillés d’or à Tokyo. Ils ont d’ailleurs remporté 21 médailles sur
64 pour l’ensemble des sportifs français, soit 33 % du total. Déjà, lors des olympiades précédentes, le
ratio des médaillés militaires était supérieur au poids relatif de leurs effectifs.

Comble d’ironie, le 14 juillet, lendemain du drame auvergnat, le porteur à cheval de la flamme
olympique, au pied de la tribune présidentielle, était le colonel Thibaut Valette, grand écuyer de Cadre
Noir de Saumur et médaillé d’or à Rio.

Déjà, en 2018, la chronique judiciaire s’était invitée pendant plusieurs mois, à la une de nos journaux ou
sur nos différents écrans, à propos d’une affaire criminelle particulièrement odieuse. Etait alors cité
quotidiennement un individu qui a avoué avoir provoqué la mort d’une fillette de 9 ans. Mais, sans doute
parce que cela est plus vendeur, son nom était systématiquement affublé du qualificatif de militaire ou,
plus rarement, d’ancien militaire.

Or, il se trouve que si celui dont on parlait s’était effectivement engagé pour cinq ans dans l’armée de
Terre, en 2002, à 19 ans, au titre du 132e bataillon cynophile de Suippes. Mais il avait été réformé (façon
polie pour dire renvoyé ou « viré ») en avril 2005 alors que son contrat courait jusqu’à 2007, pour troubles
psychologiques et consommation de stupéfiants.

Plutôt que de parler d’ancien militaire, il aurait donc été plus juste et plus significatif de dire « celui dont
l’armée n’a pas voulu ».

De surcroît, il se trouve que, à cette époque, nous étions comme cette année, dans contexte olympique
(jeux d’hiver) et qu’un autre personnage, tout à fait remarquable celui-là, faisait également la une de nos
média. Celui-ci était un vrai militaire, mais là, on ne le disait jamais. Il s’agissait du lieutenant Martin
Fourcade, porte-drapeau de l’équipe de France aux jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang en Corée
du Sud.
Il venait d’ailleurs de préfacer un ouvrage consacré aux troupes de montagne. Voici ce qu’il

avait écrit :
La montagne, je la pratique, la vis, m’y entraîne et la parcours de mille façons différentes et en toutes
saisons : en tant que sportif de haut niveau et soldat de montagne. Ce sont des expériences
complémentaires qui s’enrichissent l’une de l’autre. Car elles ont le même ADN, les mêmes racines, les
mêmes valeurs.
La première d’entre elles : l’humilité. Elle est nécessaire face à un environnement naturel puissant,
magnifique, imprévisible et parfois dangereux. Les sportifs le savent bien et les soldats de montagne,
dont j’ai la fierté de faire partie, encore plus.
La montagne impose une faculté d’adaptation aux conditions et une capacité à se dépasser. Il faut aussi
de la rigueur, du courage pour faire face… que ce soit seul face à mes adversaires sur un parcours de
biathlon ou avec une unité de soldats solidaires lors d’un entraînement.
Ce qui est certain, c’est que nous cultivons un état d’esprit unique face à un environnement qui ne
pardonne pas les erreurs. Les centièmes se perdent vite avec une mauvaise glisse, une cible est
facilement ratée par manque de concentration, et un manque de préparation peut avoir des
conséquences importantes en opération. J’appartiens à deux familles et cette double ascendance me
rend plus fort, dans les défaites comme dans les victoires.
Vive les troupes de montagne !
Il serait donc louable que les media s’affranchissent à l’avenir du sensationnel pour rendre à chacun ce
qui lui appartient.
Évidemment, dire d’un militaire qu’il est remarquable et fait honneur à notre pays est moins accrocheur
que de noircir du papier ou d’encombrer les écrans de télévision sur un fait divers horrible au prix d’un
travestissement de la réalité.

Gilbert ROBINET
La teneur des propos de ce texte n’engage que la responsabilité de son auteur

Aller au contenu principal