jeudi 31 octobre 2024 Moselle
Le Républicain Lorrain
MOSELLE
A Saint-Avold, l’Amérique au cœur
à longueur d’année
Philippe Creux
La levée des couleurs est effectuée chaque matin au cimetière américain. Le drapeau est baissé à la fermeture. Un rituel immuable. Photo archives Daniel Guffanti
Les Etats-Unis font la une de l’actualité. Welcome (bienvenue) à Saint-Avold, ville moyenne où la Bannière étoilée fait partie du paysage. La cité est jumelée avec Fayetteville (Caroline du Nord) et abrite surtout la plus vaste nécropole de soldats US de la Seconde Guerre mondiale et multiplie ses liens avec l’Amérique.
Longtemps bercée par l’industrie minière dans un bassin qui verse aujourd’hui dans la chimie, Saint-Avold est à elle seule un voyage outre Atlantique pour qui chemine au hasard de ses rues.
Au nord de la ville, l’avenue du Général-Patton débouche sur celle de Fayetteville (Caroline du Nord), ville jumelée avec Saint-Avold depuis 1994, et dans le même secteur, tout un quartier offre de se perdre entre des ruelles tranquilles baptisées Ohio, Michigan, Illinois ou Missouri…
Au centre-ville, La Fayette sur son cheval semble veiller sur la mairie de la ville dont la cour donne sur la rue des Américains. La statue du célèbre marquis (1757-1834) héros de la révolution américaine est en lien direct
avec Fayetteville, qui abrite une base aérienne et un des camps militaires les plus importants des Etats-Unis.
• 10 500 tombes
Mais ce qui relie Saint-Avold aux Etats-Unis est d’une force insondable.
Le Lorraine american cemetary and memoria un vaste parc arboré de 46 hectares, est ouvert toute l’année au public, et abrite quelques 10 500 tombes de GI (dont une dizaine de femmes) tombés entre septembre 1944 et mai 1945. Soit un tiers des 34 000 combattants américains reposant en Lorraine !
« La plupart ont combattu dans la région de Metz, en région frontalière et en Allemagne, pour beaucoup engagés dans la 3e Armée ou la 7e Armée », fait savoir Christopher Arseneault, superintendant d’un site géré par l’American Battle monument commission (ABMC), organisation en charge de l’ensemble des sites commémoratifs américains dans le monde.
• Fidélité des familles américaines
« Nous avons accueilli 80 familles de soldats cette année, venues des Etats-Unis et du monde entier, même après tant d’années, le souvenir reste fort, les proches sont marqués », et Saint-Avold est sans conteste de ces lieux où, dans le Grand Est, les fils, petits-fils voire neveux d’un des gisants viennent en nombre.
« Nous les aidons à trouver la tombe sur une des neuf parcelles dédiées.
Sur chaque stèle, figure la date du décès, le statut du soldat et l’Etat où chacun s’est enrôlé dans l’armée. Nous faisons beaucoup de recherches sur l’origine des soldats, et parfois on découvre des choses incroyables. L’aspect humain est très important », souligne celui qui met l’accent sur les visites destinées aux scolaires de la région.
Le cimetière abrite les dépouilles de soldats répartis au sortir de la Seconde Guerre mondiale dans quatre nécropoles provisoires. « Le gouvernement d’alors a demandé aux familles si elles souhaitaient rapatrier les corps ou non », avec un soutien financier.
• Un lieu de respect
L’endroit est impeccablement tenu, érables, hêtres ou chênes rouges d’Amérique ornent le cimetière traversé par une avenue bordée de tilleuls et surmontée d’un belvédère d’où la vue sur cette marée de tombes peut donner des frissons.« C’est un lieu de respect, il y a une certaine beauté, on donne le mieux à ces soldats, les contours de chaque stèle sont coupés à la main, les croix latines (ou étoiles de David) en marbre du Latium sont nettoyées, nous sommes concentrés sur les détails avec un standard très élevé».
Le cimetière, lieu d’émotion et d’histoire, comprend un imposant mémorial, une chapelle surmontée d’une sculpture de Saint-Nabor, légionnaire chrétien du IVe siècle devenu saint patron de la ville. Une chapelle à donner le vertige avec des parois de 20 m de haut, et où figurent un imposant planisphère coloré des batailles menées en Europe par les troupes alliées et la sculpture de cinq personnages symbolisant la lutte pour la liberté, dont le président George Washington.
Un cimetière important pour l’amitié franco-américaine
Le Lorraine American cemetary and memorial fait aujourd’hui partie de l’identité de Saint-Avold : il figure sur les panneaux en bordure d’autoroute, accueille une cérémonie hommage aux militaires tués au combat (Mémorial Day) chaque année en mai. « Ce cimetière est important pour l’amitié franco-américaine, souligne Christopher Arseneault, nous sommes là pour honorer le sacrifice des soldats, veiller au recueillement des familles, et cette amitié entre la France et les Etats-Unis continue ».
Une équipe de 21 personnes au service du gouvernement américain
Ne l’oublions pas, les soldats de l’Oncle Sam ont débarqué une première fois en Europe en 1917, et de nombreux soldats n’ont jamais pris le bateau du retour.
L’American Battle monument commission (ABMC) fut créée en 1923 sur décision du Congrès à Washington, ses missions alliant à la fois la conception, l’exploitation et l’entretien des cimetières militaires américains à l’étranger et de monuments mémoriaux. « J’ai une équipe incroyable, souligne le superintendant de Saint-Avold, un contremaître, un chef d’équipe, un maçon, 21 permanents au total, tous Français et payés par le gouvernement américain ».
Quant à cette terre « américaine », où chaque matin a lieu le lever d’un drapeau plié chaque soir selon un rite immuable au son de la sonnerie aux morts (baptisée « tops »), elle reste française, le terrain ayant été cédé aux Etats-Unis, comme c’est le cas sur d’autres sites, de Colleville-sur-Mer en Normandie au cimetière américain des Ardennes, en passant par le monument de la Butte de Montsec, en Meuse, à deux pas du lac de Madine.
Le site abrite également un long mur des disparus, édifié du nord au sud et sur lequel figurent les noms de 444 soldats et aviateurs de l’armée américaine.
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