
Photo est républicain
9 classes de collégiens élèves de 6 -ème assis en demi-cercle dans la cour du collège Victor Hugo , avant le début des cours étaient attentifs au discours tenu par le principal Monsieur Fito.
Il leur disait ce que représentait la date du 8 mai 1945, il leur disait l’horreur de la seconde guerre mondiale, comme tout conflit engendre des horreurs.
Ce discours est publié dans son intégralité !
Aucune photo ne saurait rendre l’ambiance de ce matin-là ni l’émotion partagée par tous. Nous étions fiers d’être présents.
Nous avons eu l’honneur de suivre la pose des plaques mémorielles tout au long de la matinée. Devant chaque salle un groupe d’élèves avait mis en scène l’histoire des Femme et Hommes mis à l’honneur. Certaines familles présentes ont répondu à leurs interrogations.
Extrait de l’est républicain du 9 mai 2025
« Le mercredi 7 mai 2025, le collège Victor Hugo de Besançon a organisé une cérémonie émouvante pour rendre hommage à cinq élèves et professeurs résistants ayant rejoint la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. En présence du principal Jean-Jacques Fito, d’élus, d’associations d’anciens combattants et de membres de l’Éducation nationale, des plaques mémorielles ont été dévoilées dans cinq salles de classe, portant désormais les noms de ces figures héroïques. Cette initiative s’inscrit dans la commémoration du 80e anniversaire de la fin du conflit mondial et vise à préserver la mémoire de ces résistants. »
Discours inaugural de Monsieur Jean-Jacques Fito
Principal du Collège Victor Hugo
Madame la Maire de Besançon
Madame La Vice Présidente, Monsieur le Vice Président du Conseil départemental du Doubs,
Monsieur L’inspecteur d’Académie, inspecteur Pédagogiques Régional d’histoire géographie,
Mesdames et Messieurs les représentantes des associations d’anciens combattants
Mesdames et Messieurs les représentants des forces militaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des autres organismes présents à nos côtés en cette occasion
Mesdames et Messieurs les parents d’élèves
Mesdames et Messieurs les anciens élèves
Mesdames et Messieurs en vos grades et qualités,
Chers élèves des classes de 6ème
Demain, jeudi 08 mai 2025, nous commémorerons le 80ème anniversaire de la victoire des forces alliés sur le régime nazi. Après 5 années de batailles perdues, d’occupation du pays, de résistance, de combats repris pour faire reculer l’ennemi, pour le repousser chez lui et le vaincre définitivement, les forces allemandes reconnaissaient enfin leur défaite et capitulaient sans conditions.
Ainsi, le 8 mai 1945, fut avant tout le jour de la victoire, le jour de la liberté retrouvée et de la joie exprimée au grand jour.
Mais il fut aussi, et peut-être surtout, le dernier jour d’un conflit atroce, le dernier jour d’une guerre comme on n’en avait jamais vu auparavant. Le dernier jour d’une guerre plus horrible encore que la précédente, une guerre proprement inimaginable, que même les écrivains les plus pessimistes, les artistes plus désespérés, les plus fous, n’auraient pu concevoir.
Jamais une guerre n’avait tué et meurtri autant d’êtres humains, quels que soient leur âge, leur origine, leur condition sociale. A tel point, que l’on ne fut pas capable de dénombrer précisément le nombre de victimes : entre 60 et 85 millions de morts, des civils pour la grande majorité. Ces chiffres dépassent notre capacité de représentation.
Jamais une guerre n’avait causé autant de destructions de par le monde, tant de villes bombardées, rasées jusqu’à la dernière pierre, tant de villages détruits, de campagnes ruinées, brulées, au moyen d’armes effroyables, inventées pour l’occasion : les premiers bombardiers lourds, les premiers avions à réaction, les premiers missiles et bientôt, la première bombe atomique.
Surtout, jamais une guerre n’avait connu un tel accès de haine contre certaines populations. L’extermination méthodique et scientifiquement conduite de plus de 6 millions d’européens, de toutes les nationalités, simplement parce qu’ils pratiquaient une certaine religion, simplement parce qu’ils étaient de confession juive. Le nouveau-né et sa mère, la jeune écolière et son grand-père, les parents terrorisés, tous blottis jusqu’à l’étouffement dans des wagons à bestiaux, formant des trains interminables, conduits de nuit jusque dans les camps de concentration puis d’extermination. Ils furent des lieux de mort lente ou immédiate, des lieux impensables qui ont tous approché de près une certaine idée de l’enfer, des lieux dont on ne revenait jamais tout à fait. A tel point que lorsque la guerre terminée, lorsque est arrivé le temps de juger les coupables de ces crimes, il a fallu en définir de nouveaux : le crime contre l’humanité, le crime de génocide, des mots nouveaux pour des crimes dont l’ampleur et l’horreur dépassaient tout ce qui avait été jugé auparavant.
Ce procédé de destruction fut aussi utilisé contre les handicapés mentaux, les tziganes, les homosexuels, les francs-maçons, les opposants politiques, certains prisonniers, tels les prisonniers russes, considérés comme des sous-hommes.
Non, une telle guerre, jamais on n’en avait connu.
Et jamais, une telle guerre ne doit reparaître.
C’est pourquoi il est important d’en parler, de vous en parler chers élèves, il est important de bien la connaître, donc de vous l’enseigner, de comprendre comment une telle guerre a-t-elle pu advenir et donc de vous faire analyser par quels moyens de propagande, on parvient à manipuler les esprits, les foules, les peuples.
Oui, qu’a-t-on fait, qu’a-t-on dit aux allemands de l’époque pour qu’ils acceptent d’envahir les pays voisins, pour qu’ils en arrivent à se croire d’une race supérieure, à traiter leur voisin de « sale juif », ou de sale gitan, ou de sale homo ? Que leur a-t-on fait avaler pour qu’ils en arrivent à massacrer ces pauvres gens, qui n’avaient commis aucun crime, qui étaient juste désignés comme AUTRE, ETRANGER, DIFFERENT, PARASITE ?
C’est pourquoi, il est important aussi de rendre hommage à tous ceux qui ont su refuser cette mauvaise tournure de l’esprit, qui ont fait refluer en eux le poison de la haine, qui ont su résister malgré la peur et le danger de chaque instant, qui ont su s’unir, se faire confiance, prendre leurs armes et combattre ensemble, malgré leurs différences ou peut-être en raison de leurs différences.
Pour certains, ce fut par les mots, les messages de soutien, les journaux clandestins qui livraient des informations fiables et encourageantes. Pour d’autres, ce fut par l’abri que l’on accorde au fuyard, la protection d’un soir, un enfant juif que l’on héberge comme un nouveau cousin, une famille que l’on accompagne à la frontière, un résistant à qui l’on accorde sa grange, pour qu’il se repose, son repas, pour qu’il prenne des forces. Pour certains, ce fut par l’espionnage, par le renseignement que l’on récolte et que l’on transmet, le secret que l’on livrait aux suivants, aux combattants, à ceux qui faisaient parler la poudre et briller le feu.
Oui, il est important de ne pas oublier ces personnes simples, des gens comme vous et moi, des gens de tous les jours, des héros anonymes que l’on croisait sans les remarquer.
Parmi ceux-là, 5 anciens élèves et professeurs. Pierre Tourneux, Camille Charvet-Kahn, Raymond Tourrain, Alexandre Kreisler et Henri Fertet, le plus jeune.
Ils ont fréquenté les mêmes salles de classes que vous, ils ont ri et joué dans les mêmes cours de récréations, ouvert les mêmes portes, se sont assis sur les mêmes bancs, écrit sur les mêmes tableaux noirs. Ils ont eux aussi aimé entendre couler la fontaine de la cour d’honneur en passant le long de la galerie d’entrée et ont vécu les mêmes joies quand ils franchissaient la porte du 8, pour partir en vacances ou pour en revenir, et retrouver leurs amis du collège ou du lycée.
Ils ont sûrement commis quelques farces, voire quelques bêtises.
Demain, quand vous passerez devant les salles 133 ou 356, quand vous vous rendrez au CDI, en salle d’études, ou en cours de sciences physiques, vous pourrez découvrir leur visage, leur histoire.
Tous ont connus la deuxième guerre mondiale et se sont battus. Tous en ont payé le prix.
Pierre a été élève de notre établissement. Il est jeune étudiant et entre en résistance. Il est arrêté, déporté et emprisonné 3 ans. C’est par la poésie qu’il est parvenu à survivre. Il est revenu et a enseigné l’anglais durant toute sa carrière dans notre établissement.
Camille a enseigné ici même les sciences physiques en 1939-1940. C’est la dernière année de sa carrière. Elle entre en résistance. Elle est déportée, parce que « de race juive » et est morte gazée dès son arrivée au camp d’Auschwitz-Birkenau.
Alexandre, comme Henry, fut élève et professeur de votre établissement. Il a combattu les armes à la main, pour libérer le pays qui lui avait pourtant interdit d’enseigner le latin, parce qu’il était « de race juive ».
Raymond était élève. Il a 14 ans quand les allemands envahissent Besançon. Il ne l’accepte pas. Il résiste du 16 juin 1940 au 08 mai 1945, sans discontinuer. il a créé deux groupes de résistants et intégré un réseau d’espionnage. Il rejoint ensuite la 1ere armée française libre et se bat jusqu’au 08 mai 1945
Henri le rejoint en 1942 dans la résistance. Il est élève, il a 15 ans. Henri se bat avec un courage et des convictions que rien ne pourra ébranler. Même pas la mort. Il sera fusillé par les allemands le 26 septembre 1943 à la Citadelle de Besançon, avec 15 de ses frères d’armes. Il meurt les yeux fixés sur l’ennemi, en chantant son amour des siens et de la France. Il a 17 ans.
Pierre, Camille, Raymond, Alexandre, Henri, tous ont pris leur risque pour défendre leur liberté, mais aussi celle de leurs parents, de leur famille, celle de leurs amis, de leur village, de leur pays.
Ils ont tout risqué pour défendre notre liberté, celle dont nous profitons tous les jours. Aussi, ne les oublions pas et n’oublions pas non plus ce contre quoi ils se sont dressés : cette haine de l’autre, entretenue pour assouvir le désir de puissance de quelques fous oublieux de l’humanité.
A cette laideur, ils ont opposé ce qu’ils avaient de plus pur, de plus sûr : leur foi en l’humanité, en la fraternité, c’était leur lumière.
Alors chers élèves, chers amis, veillons sur elle, veillons sur eux.
Jean-Jacques Fito
Principal du Collège Victor Hugo
Félicitations à tous ces acteurs qui ont permis de ne pas oublier ce qu’est la guerre, un monstre inhumain, destructeur de toutes vies innocentes ! Pensons à eux et à notre avenir !