dimanche 3 novembre 2024 Républicain Lorrain

THIONVILLE
Les souvenirs de la Libération d’un gamin nommé Arrigo Comazzi

Olivier Menu

Arrigo Comazzi montrant l’article de presse évoquant la Toussaint 1944 à Thionville et où il est question d’un enfant de chœur servant dans une chapelle. C’était lui ! Photo Olivier Menu

Né le 11 juin 1933, Arrigo Comazzi avait 11 ans lors de la Libération de Thionville en novembre 1944. Doté d’une mémoire impressionnante, il se rappelle comme si c’était hier, à 91 ans, de la délivrance ressentie quand les Américains sont venus à bout de l’envahisseur allemand.

Arrigo Comazzi conserve précieusement, dans un cadre posé dans son salon, un article de presse rédigé par un certain Édouard Gangloff. Le journaliste y relate une veille de Toussaint, en 1944, à Thionville.
« Thionville, ville fantasmagorique en raison de sa situation géographique, est déserte. Et pourtant toute une population y vit », écrit-il, « Les pauvres gens ne sortent pas de leurs demeures, car à tout moment l’éclatement des obus et le crépitement des mitrailleuses rendent toutes sorties dangereuses. La place principale est très endommagée. Toutes les maisons ont une partie de toiture atteinte, les vitres des devantures sont brisées et pourtant le son des appareils radio lance des notes de musique aux rares passants. Cependant les gosses de cette cité lorraine jouent dans certaines rues depuis de nombreuses semaines », remarque le reporter. Parmi ces « ratz », comme on dit en Moselle, un certain Arrigo Comazzi. Fils d’immigrés italien, arrivés en Lorraine au début du XXe siècle. « Même si ça fait 80 ans, je m’en souviens comme si c’était hier», assure-t-il.
« Avec les copains, on se promenait comme si de rien n’était. On était complètement inconscients. Ce n’est que plus tard qu’on a compris les risques qu’on prenait alors que les Allemands tiraient sur tout ce qui bouge à Thionville. » Si le fort d’Illange était aux mains des Américains et celui de Guentrange aux mains des Français, Yutz restait en effet
possession des Allemands. « On voyait les troupes américaines mais elles n’arrivaient pas à traverser la Moselle. Elles ont réussi en passant par Gavisse. » Malgré le danger, Arrigo, alors enfant de chœur, allait tous les jours servir la messe dans une ancienne salle de spectacle reconvertie en chapelle, l’église Saint-Maximin étant bloquée. « Et quand les bombardements faisaient rage, on se réfugiait tout le quartier Saint­ François où j’habitais et où j’habite toujours, dans une maison avec une grande cave datant de 1911. Elle est toujours là », s’amuse-t-il.

• Bonbons et chewing-gums

« Bientôt les Américains ont pris le dessus, sonnant la Libération. En ville, ils nous donnaient des bonbons et chewing-gums. Je ne parlais pas anglais mais certains d’entre eux parlaient italien. Ils me demandaient si je pouvais leur faire une lessive mais surtout si j’avais une sœur ou si je connaissais les prénoms des filles du quartier », rigole-t-il aujourd’hui, avec ses grands yeux malicieux. « En échange d’une lessive, ils nous remplissaient le panier de victuailles, avec notamment du pain blanc. On ne savait pas ce que c’était. » Après la Libération, « la première fête à Thionville fut la Saint-Fiacre, dans la fameuse chapelle. Et au cimetière militaire. Je me rappelle, il y avait de la musique. » Un souvenir pas si anodin que ça : devenu auto-électricien par la suite, avant d’ouvrir son propre garage à Manom, il fut le premier à monter, à Thionville, des autoradios dans les voitures. L’histoire ne dit pas s’il conseillait d’y mettre en priorité du Glenn Miller.

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