Simone POLAK

 

Naissance en 1929 à Schirmeck (Bas-Rhin), son père est bedeau de la synagogue et sa mère maraîchère née en 1896, elle a un frère Benoit, né en 1933. Elle passe son enfance à Saverne, après le divorce de ses parents.

La famille est expulsée d’Alsace en juillet 1940 lors de l’annexion de l’Alsace et de la Moselle par l’Allemagne. Elle se retrouve à Gevingey, près de Lons le Saunier dans le Jura, en compagnie de coreligionnaires.

Simone est dans le village et son frère vient la chercher et lui signifie qu’il faut vite rentrer à la maison. Quand elle arrive, sa mère prépare des affaires, car, dit-elle, il faut nous rendre à la mairie de Schirmeck. Ils y passeront leur 1 ère nuit d’expulsés. Simone n’a pas le temps de prendre sa poupée1, que lui offert sa mère pour l’anniversaire de ses 11 ans.

La nuit suivante ils seront à Dôle, puis le 3 ème jour ils sont obligés de faire 11 km à pied jusqu’à la ligne de démarcation, mais pour Simone et son frère une carriole les prendra en charge, les adultes continuent leur marche.. Enfin ils arrivent à Lons le Saunier où ils seront hébergés dans les locaux de l’Ecole Normale de Garçons.

Trois à quatre jours après ils sont dirigés vers un centre d’accueil de Lyon, où des gendarmes les attendent. Ils grimpent, avec leurs maigres bagages, dans une voiture tirée par des bœufs pour aller à Cousance (Jura)

La péripétie continue, l’étape suivante est Cuiseaux pour rejoindre Lons le Saunier où Simone fréquentera l’Ecole Normale jusqu’en 1942, la famille est installée à Gevingey, commune proche, avec les autres familles juives. Pas de port de l’étoile jaune mais la mention « Juif » sur la carte d’identité….

La vie jusqu’alors relativement tranquille va basculer le 27 avril 1944 où la Wehrmacht investit le village et procède à l’arrestation de 20 personnes juives qui seront dirigées vers Drancy.

Cela fait suite à la dénonciation par le village voisin se plaignant que certains d’entre eux, surtout des jeunes, soient arrêtés alors que les juifs d’à côté ne l’étaient pas. La Whermacht intervient, un responsable FFI parvint à s’enfuir mais un résistant le commandant Foucault responsable d’un réseau de la région est fusillé sur place et sa maison incendiée. Les juifs sont d’emblée désignés comme fautifs de certains faits.

Simone aurait pu fuir, elle qui était dans le jardin, mais elle a préféré, ce qui est compréhensible, rester avec sa mère et son frère.

Tout ce monde, 40 à 60 personnes, sera acheminé par bus vers Bobigny le 20 mai 1944.

Ces dernières partiront pour Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 74. A l’arrivée au quai spécial, 3 jours après, on les fait descendre. Deux SS dirigent l’opération en formant 2 rangs, l’un à gauche où sera mise Simone, ayant signalé qu’elle avait 16 ans et qu’elle était couturière de métier, c’est le rang des « aptes au travail », tandis que sa mère et son jeune frère 11 ans seront invités de manière brutale à s’aligner à droite, pour une funeste destination. Sa mère a le temps de lui recommander « Agis comme si j’étais toujours à tes côtés ».

A partir des 1200 personnes des groupes sont formés, 150 femmes et 150 hommes pour le travail, le reste destination :  la mort. Logement dans des baraques de 7 à 800 individus, avec des châlits pour 8 personnes et sur 3 étages.

Puis, arrivés dans un grand hall, viendra la séance de déshabillage complet en laissant toutes les affaires et objets. Deux colonnes seront formées : l’une pour le rasage des cheveux, l’autre pour le tatouage du matricule.

Des gens sont alignés, couchés à même le sol où les « kapo » manient le bâton avec empressement. Ce seront environ 1200 personnes qui seront triées ainsi, et logeront dans des baraquements aux conditions de vie inhumaines.

Simone Polack travaillera comme « cantonnier » avec ramassage de cailloux et confection de chaussées avec une vulgaire soupe, un breuvage infect pour seule subsistance.

Le dimanche pas de travail, mais épouillage et douche. Pas question d’être malade sinon c’est la sentence suprême. Et toujours le même thème : OBEIR.

Fin octobre 1944, les appels durent plus longtemps. Après une douche, 2300 personnes montent dans un train, voyage de 3 jours pour Bergen-Belsen. Mais début décembre, neige et froid se manifestent. Malgré cela les appels sont de plus en plus nombreux, car les chefs d’Auschwitz viennent d’arriver pour continuer leur mission. Mais un événement réjouissant se produit : une douche chaude tous les 15 jours.

Une responsable de baraque, une certaine Anne-Lise les prend sous sa coupe et fait en sorte qu’elles l’accompagnent à l’usine d’aviation où elle est affectée. Réponse positive sauf pour Simone qui à priori ne possède pas les bons critères. Elle lance un « Ich kann arbeiten » (je peux travailler) et avec ce ton déterminé, bien appuyé elle est admise dans le groupe.

Elle sera donc affectée, avec quelques 200 femmes, à Bergen-Belsen et à Theresienstadt2 où est situé une usine d’aviation, son travail consistant à l’entretien du site. Et ce jusqu’à la libération le 27 janvier 1945 par l’Armée Rouge.

Voilà, Avril est déjà là, la nature s’éveille mais elle troublée par des bruits de canon dans le lointain. Il faut évacuer le camp : ce sera par train pour Leipzig, 100 dans un wagon, enfermés pour 8 jours. Toutes les 48 heures on ouvre la porte pour distribuer une maigre pitance ou pour le service d’hygiène.

Nouveau départ cette fois vers Terezin où des maisons ont été vidées de leurs occupants pour accueillir ce monde et leur servir de lieu de repos.

L’armée rouge libère cette ville le 8 mai 1945, et y campe. Simone POLAK sera récupérée par la Croix Rouge au « krakenrevier », l’infirmerie du camp où elle avait été admise suite aux mauvais traitements subis. Sera dirigée sur Pilsen puis Lyon à l’hôpital Edouard Herriot. Atteinte de tuberculose osseuse, ce seront 7 ou 8 ans d’attente pour guérir.

Ce n’est que pour les 70 ans (2015) de la libération d’Auschwitz, invité par F.Hollande sur le site, qu’a germé en elle le désir de parler.

Elle témoigne de son vécu dans les établissements scolaires, depuis quelques années, qu’en enfin elle s’est décidée à parler, ce qui était impensable à l’époque d’après- guerre, on gardait ces mauvais souvenirs pour soi.

Mais l’actualité récente, où racisme, non-tolérance et antisémitisme ressurgissent, l’oblige à intensifier ses contacts scolaires. Sans oublier le négationnisme couvant.

C’est ainsi que ce 2 mai 2024, Simone Polak l’unique rescapée de cette rafle du 27 avril 1944, se rendra dans la classe de 3 ème du collège Aristide Briand de Lons le Saunier (Jura). Elle y sera reçue par Lucie Brenot, la professeure de lettres classique, à l’origine de cette rencontre.

 Cette dernière choisit chaque année un chapitre sur l’une des 2 guerres, son programme de français le lui permettant. Cette année 2024 elle a opté pour une période assez large : 1870- 1945, afin de balayer d’un certain regard ce laps de temps.

Ce sont plusieurs semaines de réflexion, de recherche sur la biographie de Simone Polak qui ont permis ce travail de synthèse, et l’’analyse en profondeur de ces graves événements. Il y a aussi eu l’évocation de Primo Levy3 et Jorge Semprun4 avec les élèves. Ainsi qu’une rencontre avec Yves Monnier auteur sur ce sujet.

 

 

Sources : internet pour l’essentiel.

 

Livres : a) « Agis comme si j’étais toujours avec toi » de Simone POLAK,

             2018, avec la participation de Muriel Klein-Zolty.

                         

              b) « La mémoire éparpillée » d’Yves Monnier sept 2013

Notes :

    1°) la poupée sera retrouvée, non sans difficultés, dans son ancienne demeure occupée par une famille.

    2°) ou Terezin en Tchéquie. (République Tchèque)

    3°) écrivain italien « si c’est un homme » sa détention en 1944 à Auschwitz.

    4°) écrivain franco-espagnol, résistant. Sa détention par la gestapo à Paris et à Buchenwald.

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