Sur la trace des résistants dans le Doubs

 Dimanche 17 septembre, nous nous sommes inclinés devant la stèle de Mazerolles le Salin, en hommage aux 17 maquisards du groupe Ognon Doubs qui ont perdu la vie en 1944 alors qu’ils se battaient contre l’occupant pour défendre la liberté et notre Pays.

Madame la Sous-Préfète s’est déclarée fort émue « devant cette haie de drapeaux »

Emus nous l’étions tous comme à chaque cérémonie où notre drapeau est présent. 

 Nous vous faisons partager cet hommage placé sous la présidence du Souvenir Français.

Certains d’entre nous sortent de l’église du village.

Ils y ont prié.

Mais connaissez-vous une des prières des résistants ?

La voici.

Elle s’appelle : Prière à De Gaulle.

 

Notre De Gaulle. Qui êtes au feu.

Que votre nom soit glorifié.

Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans les airs.

Mais ne nous laissez pas sous leur domination.

Et délivrez-nous des boches.

Ainsi soit-il.

Aujourd’hui nous commémorons la mémoire des 17 personnes dont les noms figurent sur le monument

La libération de la Franche-Comté a eu lieu pour la plus grande partie de la région entre le 3 et le 18 septembre par les troupes alliées avec l’aide des résistants.

La plupart des personnes dont les noms figurent sur le monument sont décédées à cette période.

Ces 17 jeunes étaient tous de Besançon et des environs. C’étaient des enfants du peuple, des ouvriers et des paysans en majeure partie.

Ils étaient au printemps de leur vie, lorsqu’ils l’offrirent pour l’idéal qu’ils s’étaient forgés eux-mêmes, au milieu de l’épreuve imposée aux pays tout entier.

Ils auraient pu, comme tant d’autres, rester chez eux et pavoiser leurs fenêtres après le départ de l’occupant. Tout le leur permettait. Ils étaient à peine des hommes et les risques étaient si grands. Ils auraient pu attendre que l’ennemi ait quitté le sol français pour se manifester. Au lieu de cela, ils cherchèrent l’action, le danger. Ils voulurent se battre, ils voulurent être de ceux qui auraient effectivement aidé à la libération de la patrie. Et dans un combat héroïque, dans un combat où beaucoup plus que les armes, le courage, le mépris de la mort devaient leur donner l’avantage. Ils ont donné leur vie sur un champ de bataille choisi par eux.

Pourquoi ont-elles donné leur vie ?

Tout d’abord pour l’honneur de la France.

L’honneur. C’est d’abord un refus, un refus de pactiser avec ce qui est laid, bas, vulgaire, intéressé, non gratuit. Un refus de s’incliner dans la force parce que c’est la force. Devant la paix parce qu’elle est la paix. L’honneur a quelque chose d’impérieux, c’est une fidélité à soi-même, à ce qui en soi vaut plus que soi ; la parole donnée, la patrie, la démocratie et la religion.

L’honneur. Tel est le dernier legs que les fusillés ont voulu transmettre à ceux qui restent.

L’honneur s’affermit au combat.

Et celui-ci en oublie le combattant, y compris le plus obscur,

L’honneur conduit à la gloire.

Pierre Brossolette a déclaré en 1942 à la radio :

A côté de vous, parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes, des frères d’armes, les hommes du combat souterrain pour la libération. La gloire est comme ces navires où l’on ne meurt pas seulement à ciel ouvert, mais aussi dans l’obscurité pathétique des cales.

Léon Jost a écrit. Ma chère femme aimée. Le grand moment est venu. Nous venons d’être informés que nous serons fusillés aujourd’hui. L’honneur qui m’avait été refusé une première fois, va m’être accordé. Je vais mourir pour la France. Tu m’as fait la plus belle vie dont je pouvais rêver. Encore merci !

Un autre a écrit à sa fille :   mon Hélène. Tu dois savoir un jour pourquoi ton papa est mort à 21 ans, pourquoi il s’était sacrifié ? Ne baisse pas la tête parce que ton papa est fusillé.

Certains diront qu’ils sont morts pour peu de chose. Un simple renseignement pas toujours très précis, ne valait pas ça, ni un tract, ni un journal clandestin parfois mal imprimé.

La réponse est la suivante. C’est qu’ils étaient du côté de la vie. C’est qu’ils aimaient des choses aussi insignifiantes qu’une chanson, un claquement des doigts, un sourire.

Tu peux serrer dans ta main une abeille jusqu’à ce qu’elle étouffe.  Elle n’étouffera pas sans t’avoir piqué.

C’est peu de chose, direz-vous ?

Oui, c’est très peu de choses, mais si elle ne piquait pas, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus d’abeilles.

La mort pour un résistant n’est pas comparable à celle d’un soldat de la première guerre.

C’est Albert Camus qui relevait que les résistants n’avaient pas été confrontés à la terrible justice de la guerre tout court comme en 14/18. Il ajoutait : Les balles du Front y frappaient alors n’importe qui : le meilleur et le pire. Mais ici pendant ces 4 ans, ce sont les meilleurs qui se sont désignés et qui sont tombés.

Il n’est pas d’armée au monde où l’on trouve pareille égalité de risque entre le soldat et le généralissime. Et c’est pourquoi la résistance fut une démocratie véritable pour le soldat comme pour le chef. Même danger, même responsabilité, même absolue liberté dans la discipline.

Cette affirmation du droit à la mort donne aux sacrifices des résistants, une de ses significations les plus fortes. La mort n’y est pas une mort sur ordre. Elle ne résulte pas du devoir d’obéissance ou d’un acte passif de discipline. Elle n’est pas non plus une forme de délivrance. Le défi de la mort inverse le rapport à la mort.

Attendue, affrontée, jamais subie, la confrontation à la mort devient recherche d’un dépassement qui donne sens à la vie.

Défier la mort donne le pouvoir de nier le néant et dans l’idéal résistant, la mort n’est pas une fin.

Pour un résistant, c’est se considérer comme une feuille qui tombe de l’arbre pour en faire du terreau.

Au juge qui lui annonce qu’il va mourir, un résistant aurait répondu que la raison et la vérité ne pouvaient pas mourir.

Mais avant de mourir certains ont été battus, torturés.  C’est par exemple ici le cas des 4 fusillés du bois de Mazerolles.

La hantise de l’interrogatoire ne se comprend que si l’on prend en compte la phase qui suit une interpellation. L’interrogatoire était en fait synonyme de mauvais traitements, des coups assénés inlassablement aux détenus. Jusqu’aux tortures pures et simples tout le processus est normalisé. L’interrogatoire mettait donc en jeu la vie même de celui qui la subissait.

Les sévices physiques ne furent pas seuls à l’ordre du jour. Les résistants durent affronter d’autres formes de tortures, d’autant plus redoutables qu’elles étaient moins apparentes. Solitude du secret ou au contraire promiscuité de tous les instants avec leur cortège d’interrogations et d’angoisse, synonymes d’incapacité de s’organiser en son for intérieur pour tenir le coup, Chantages multiples. Rencontre d’un camarade durement torturé ou audition de ses cris. Attente dans la crainte d’être à nouveau appelé par les tortionnaires, puis, une fois appelés, dans la peur des sévices. Découverte incidente des connaissances déjà acquises par l’ennemi. Constat d’une déchéance physique. Et pour ceux qui auraient craqué, celui d’un avilissement moral, usure liée à la vie en prison ou en camp de concentration. Peur de disparaître sans laisser de traces.

 

Grâce à eux nous pouvons relever la tête et nous ne devons pas oublier que les valeurs comme la liberté, l’égalité, la fraternité, la solidarité, l’honnêteté, le courage doivent demeurer pour chacun d’entre nous des valeurs essentielles à toujours défendre.

 

Je terminerai par un poème de Paul Eluard.

La nuit qui précéda sa mort.

Fut la plus courte de sa vie.

L’idée qu’il existait encore.

Lui brûlait le sang au poignet.

Le poids de son corps l’écartait.

Sa force le faisait gémir.

C’est tout au fond de cette horreur.

Qu’il a commencé à sourire.

Il n’avait pas un camarade.

Mais des millions et des millions pour le venger

Il le savait.

Le jour se leva pour lui.

 

Je vous remercie.

Jean-Claude Rebière

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