samedi 26 août 2023
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Commémoration de la rafle de Pexonne en 1944 :
Pierre Edelbloude n’ira pas
Frédéric Plancard
Commémoration de la rafle de Pexonne en 1944 : Pierre Edelbloude n’ira pas
Frédéric Plancard
Pierre Edelbloude est le fils de Jean, déporté suite à la rafle de Pexonne du 27 août 1944.Photo ER/Frédéric Plancard
Il ne souhaite pas rencontrer les petits-enfants du capitaine SS qui ordonna la rafle du 27 août 1944 et qui seront présents ce dimanche à Pexonne (54) pour exprimer leur compassion aux familles des victimes. Le père de ce Laxovien fut l’un des otages et mourut au camp de Melk, une annexe de Mauthausen.
Je n’irai pas parce que je ne peux pas pardonner ». Le Laxovien Pierre Edelbloude ne veut surtout pas de polémique. Il apprécie beaucoup le travail de Guillaume Maisse et son livre sur la rafle, un livre « très bien documenté ». Mais se rendre à la commémoration de la rafle de Pexonne ce dimanche 27 août, comme il le fait d’ordinaire, il ne le pourra pas cette année. En effet, la cérémonie accueillera trois petits-enfants du capitaine SS Erich Wenger: qui ordonna la rafle du 27 août 1944. Une présence voulue par les descendants de l’officier nazi pour exprimer toute la compassion à l’égard des familles des victimes de la rafle et de leurs descendants.
Le père de Pierre, Jean, y fut otage et mourut en déportation « à Melk {N.D.L.R. : une annexe du camp de Mauthausen en Autriche) à cinq jours de la libération du camp en février 1945 ».
Pierre Edelbloude sait que les petits-enfants « ne sont pas responsables et je ne leur en veux pas. Ils ont un certain courage et ils assument des choses ». Il redit qu’ils n’ont rien à voir avec ce qu’a fait leur grand-père, mais « je ne veux pas les rencontrer. D’ailleurs, je ne sais pas ce que je pourrais leur dire. Ça risque d’être les invités d’honneur. Ce n’est pas possible ». Pierre Edelbloude ira l’an prochain pour les 80 ans de la rafle, une date ronde. A ce moment idem, « je les ignorerai. Il ne sera pas possible pour moi d’aller leur parler.
Il faut dire que l’histoire familiale de Pierre a été marquée au fer rouge.« Je suis né en mars 1942 et quand il y a eu cette fameuse rafle, j’avais deux ans et demi. Je n’en ai pas de souvenirs. Ma mère et toute la famille l’ont racontée ». Dans sa maison de Laxou, les souvenirs remontent : les réunions de famille à Pexonne, son grand-père Gustave Edelbloude, maire du village, les cérémonies à la mémoire de son père..« J’ai toujours vu ma mère en deuil, le voile, le chapeau noir. C’est ce que j’ai en mémoire. Et je me souviens avoir fait tous les monuments aux Morts de la région. Ça m’a toujours marqué. Quand je passe devant le monument aux Morts de l’avenue de la Libération à Laxou, je me vois », confie-t-il devant un dossier où se trouvent des papiers concernant la rafle et son père.
« Ma mère était institutrice à Dieuze, en Moselle, c’est là qu’ils se sont rencontrés », explique-t-il. « Mon père était dessinateur industriel aux Salines de Dieuze », raconte-t-il. Après l’Annexion, sa mère exerce sa profession à Pexonne, « elle logeait chez sa belle-famille » et son père, travaillait « aux contributions directes à Baccarat ».
Pexonne a vu naître Pierre Edelbloude où il n’a, actuellement, plus de famille. La rafle et ses conséquences l’ont marqué à vie. « Je ne dis pas que j’y pense tous les jours », mais quand les souvenirs remontent, « on se replonge dedans, dans sa jeunesse, dans les pleurs qu’il y a eus à l’époque. J’ai vécu une enfance sans père, avec une mère qui ne s’est jamais remariée et où nous étions invités par les autorités à des cérémonies. C’est un peu traumatisant pour un gamin. Et j’ai été élevé sous le tutorat d’un de mes oncles ».
Et puis, Pierre Edelbloude évoque son frère, « né en 1940. Lui, il se souvenait de la rafle et à 17 ans, il s’est suicidé en partie à cause de ça ». Difficile aussi, l’évocation de ce détenu qui avait connu Jean Edelbloude en déportation : « Il a ramené une pipe et un quart (le gobelet militaire). C’est tout ce qu’on a récupéré de mon père et je les ai toujours ».
Alors non, il n’ira pas à la commémoration dimanche. Le souvenir est encore trop à vif.
« Ça ne m’empêche pas d’aller en Allemagne », dit-il. D’ailleurs, il aimerait se rendre à Melk sur les traces de son père comme l’avait fait sa mère en 1947 avec d’autres veuves. « Une de mes petites-filles s’intéresse à cette histoire. Et si j’y vais, elle m’a dit qu’elle m’accompagnerait ».
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