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WWI : les enfants des pères morts au combat ont vu leur espérance de vie réduite

Par Lise Loumé le 13.09.2016 à 16h30, mis à jour le 13.09.2016 à 16h30

Les enfants dont les pères ont été tués ou gravement blessés au combat lors de la Première Guerre Mondiale ont perdu entre une et deux années d’espérance de vie, révèle une étude.

C’est une conséquence très inattendue de la Première Guerre Mondiale qu’ont révélé Nicolas Todd, chercheur de l’Hôpital du Kremlin-Bicêtre (Inserm) et ses collègues le 12 septembre 2016 lors du congrès annuel de la Société européenne d’endocrinologie pédiatrique : les enfantsfrançais nés entre 1914 et 1916 dont les pères ont été tués ou gravement blessés au front ont vu leur espérance de vie écourtée. “Ces résultats suggèrent fortement que chez l’homme, le stress maternel psychologique est transmis au fœtus”, concluent les auteurs. Ainsi, un événement douloureux pendant la grossesse pourrait induire des conséquences néfastes pour le bébé, parfois jusqu’à en perdre des mois de vie…

De 1,1 à 2,2 années d’espérance de vie perdues

Les chercheurs de l’Inserm ont réalisé un véritable travail de fourmi pour réaliser leur étude : ils ont scruté une dizaine de registres nationaux de naissance afin d’identifier 4.170 enfants nés entre août 1914 et décembre 1916 ayant reçu la qualité de “pupille de la nation”, leur père étant décédé ou gravement blessé au combat, deux situations pouvant induire un stress psychologique important chez la mère. De plus, une base de données comprenant 1,4 million de noms de militaires français décédés a permis aux scientifiques de déterminer si la mort du combattant était intervenue avant ou après la naissance de l’enfant. Enfin, les chercheurs ont associé à chaque pupille de la nation “l’enfant non pupille le plus proche sur le registre” : même sexe, même date et lieu de naissance, même âge de la mère. Une méthodologie fastidieuse qui a toutefois permis aux auteurs de parvenir à ce constat : les enfants déclarés pupilles de la nation ont vécu en moyenne 1,1 année de moins que leurs alter ego non pupilles. L’écart le plus important concernait les enfants ayant perdu leur père avant de naître, leur durée de vie étant réduite de 2,2 ans par rapport aux non-pupilles associés. Un écart qui semble peu important, et pourtant, rappelons qu’il en faut beaucoup pour faire bouger l’espérance de vie d’une population : à titre de comparaison, depuis 20 ans, l’espérance de vie en France a augmenté de 3,1 ans chez les femmes et 5,1 ans chez les hommes, selon l’Insee.

“La prochaine étape de l’étude sera de déterminer la cause de la mort de ces 4.170 pupilles de la nation, afin de faire la lumière sur les mécanismes impliqués”, précise Nicolas Todd dans un communiqué. Son étude n’est pas la première à faire un lien entre stress prénatal et conséquences néfastes à l’âge adulte : des expériences précédentes ont montré que des rats ayant subi un stressin utero présentent à l’âge adulte des comportements anxieux et voient leur métabolisme affecter. Chez l’homme, quelques études ont mis en évidence que les enfants touchés durant le deuxième trimestre de la grossesse de leur mère par un épisode de famine (comme celui touchant les Pays-Bas en 1944), avaient un risque accru de développer de la schizophrénie.

 

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