Christian BOUHOURS, l’ado toulousain de 39, révélé par son fils Marc
Un Toulousain sorti de l’oubli.
Christian Bouhours est né le 7 février 1925 à BAIS (Mayenne) dans une famille républicaine. Son père Christian sénior a participé à la grande guerre. Blessé et gazé il décède de la tuberculose en 1936.
Sa mère Marie part à Toulouse en 1937 pour y tenir une épicerie rue Palaprat. Son fils Christian junior, 12 ans donc, fréquente le cours complémentaire Fabre situé dans le quartier des Carmes.
Il est plutôt bon élève, avec parfois des faiblesses en math ou français. Ses camarades sont souvent turbulents, chahutent beaucoup notamment avec le professeur de dessin. Ils démontent les porte-manteaux des couloirs mais pas d’inquiétude ils les remontent mais… à l’envers, ces petits farceurs.
Il fait froid dans cet établissement qui a été implanté dans une ancienne usine, le chauffage est assuré par un poêle à charbon, insuffisant pour cet espace. Le régime de Vichy leur impose un après-midi de sport par semaine, il faut préparer la jeunesse au futur. Mais les équipements, le matériel sont quasi inexistants donc la consigne Vichyssoise est peu suivie.
Dans chaque salle de classe est disposé le portrait du maréchal pétain. Quelques élèves tardent volontairement à quitter la salle de classe pour pouvoir…. jeter ou mieux projeter tellement le geste est rebelle, des encriers ou de l’encre sur le maréchal, Christian en fait parfois partie. Ils tracent aussi le V de la victoire sur les tableaux. C’est leur désapprobation face au régime de Vichy.
L’objectif de la scolarité 1941 était le brevet. Christian échoue et l’obtient en juin 1942 après redoublement. Il fait une autre 3 ème afin de préparer un concours administratif.
En 1942, au cours complémentaire certains élèves improvisent une chorale et chante « l’internationale » au grand dam du prof qui arrive et qui intervient en douceur, rappelant les risques encourus.
Mais en cette période pas de possibilité d’aller au lycée poursuivre des études réservées à seulement quelques-uns. Il lui faut donc assurer son avenir et trouver un travail.
En parallèle, il va le 2 mai 1939 avec l’aide de Marcel Petit directeur de l’école vétérinaire de Toulouse, entrer aux Eclaireurs de France, mouvement laïque créé en 1909. Il sera l’éclaireur « marmotte ». C’était son désir, il est comblé. Il va ainsi se créer des liens de fraternité, des amitiés. Mais il n’accepte toujours pas l’inacceptable : le régime de Vichy qui admet la défaite, sa soumission à l’occupant, un régime qui fait fi des principes républicains.
Cette structure, composée notamment d’étrangers, toutes confessions, lui permet de grandir, de s’émanciper. Il est particulièrement choqué par la persécution des juifs dont l’un d’eux est devenu son ami : Tibor WEISZ. (à qui il dédie son ouvrage).
A l’automne 1943 il fait partie des FUJP2 pour apporter sa contribution de révolté ( le mot résistant n’existe pas encore) en tant qu’agent de liaison.
Déjà depuis mars 1943 il était impliqué dans le réseau de résistance « Forces libres Combattantes » par l’intermédiaire de « NAP-PTT ».
Marcel Petit va aussi lui dénicher un travail au centre téléphonique des PTT, « le télégramme ». Affecté aux transmissions, il va transmettre des messages interceptés puis déchiffrés par la NAP-PTT1 qui étaient destinés aux services de Vichy. Affecté plus tard, le 4 juillet 1944, au centre de tri de la gare Matabiau il récupère des lettres anonymes, destinées à la gestapo, à des fins d’identification : auteur, personne ou groupe en danger.
Il est aussi distributeur de tracts, de la presse clandestine et de la presse locale « La Dépêche du Midi » implantée rue Bayard, presse destinée aux kiosques toulousains.
Christian va ensuite intégrer les FTP, mais catalogué communiste il est envoyé dans les troupes d’occupation à Vintimille qu’il quittera rapidement, pour revenir à Toulouse et participer à la libération de Toulouse le 19 août 1944. Sera démobilisé en octobre 1945.
Revenu à la vie civile, il reviendra travailler au « Télégraphe » de Toulouse puis à la station radio maritime de Saint-Lys jusqu’à la retraite en 1985. Il résidait dans cette ville depuis 1953.
La genèse de cette histoire commence par un livre sur la seconde guerre mondiale que détenait le père et que le fils Marc va prêter à un ami, Jean-Pierre Duguet.
Ce dernier lui signale qu’à l’intérieur de ce livre figurent quelques pages rédigées par son père. Marc savait seulement que son père était résistant et qu’il s’était engagé dans l’armée de libération en 1944…..bien maigres renseignements.
Après cette révélation se pose la question : existe-t-il d’autres écrits que ceux du livre ? où les trouver ? Comment ? Par une fouille approfondie des armoires, des autres meubles, des placards de la maison de ses parents. Il en découvre quelques-uns.
Christian a réécrit jusqu’à 5 fois un même sujet, la mémoire venant en cascade.
Notamment un feuillet où il est noté que sa mère avait quitté son commerce de la rue Palaprat en 1942 en raison des tracas et remarques faits par le propriétaire du local suite à l’accueil des juifs par Marie. Elle était partie dans une nouvelle boutique place Dupuy, 32 rue de la fonderie. Puis au faubourg Bonnefoy à l’automne, jusqu’à son décès en 2018.
Marc va lire, relire son manuscrit à son père jusqu’au décès de celui-ci en 2022 à Muret. Grâce à la mémoire infaillible de son père Marc enrichira son livre qui a donc vu le jour en avril 2023.
Marc reste persuadé que son père ne lui pas tout raconté, par omission volontaire ou non. Il a fait don au musée de la Résistance de la Haute Garonne de tous les documents récupérés ainsi qu’une arme découverte après la mort de sa mère Marie et des 2 médailles de la Résistance, de la Croix du Combattant ainsi que celle de la Légion d’Honneur.
Ces distinctions n’ont été obtenues qu’après démarches de Christian : les 2 premières en 1950, la 3éme en 2014…grâce à son fils Marc……..70 ans après ! ! ! Ouf
Notes :
1°) Noyautage de l’Administration Publique.
2°) Force Unie des Jeunesses Patriotiques
Sources : la Dépêche du midi du 4 avril 2023, sites internet divers dont celui du musée de la résistance et le livre « Que sont mes amis devenus ».
NDLR : Le titre du livre est celui qu’a voulu Christian BOUHOURS.
Ouvrage que je vous engage à lire….en particulier, vous les Toulousains qui retrouverez ou découvrirez la ville rose qui ne l’était pas vraiment en ces sombres années et puis pour les autres le combat silencieux mené par la jeunesse locale.
Un énorme travail de plusieurs années de recherches et de mise en forme. par Marc BOUHOURS.
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