Joseph WEISMANN   sous les barbelés, la liberté.

Petit Jo, un titi parisien est né à Paris le 19 juin 1931. Tout va bien il joue dehors avec ses copains, devant son domicile 5 rue des Abbesses dans le 18 éme,à Montmartre au pied du Sacré-Coeur. La famille juive polonaise réfugiée en 1920 pour le père et 1 an après pour la mère venant de Lublin. Son père, d’origine russe, Samuel est tailleur, sa mère Sarah, élève les enfants et aide son mari.

Mais voilà que le 16 juillet 1942, une petite voisine lui dit de vite remonter chez lui de drôles d’événements sont en cours. Ce qu’il fait aussitôt.

Il est midi. La police française vient arrêter toute la famille, c’est la rafle du « vel d’hiv », 7 000 policiers y sont impliqués. Deux hommes l’un en civil, l’autre en uniforme, entrent et disent à sa mère qu’elle a ¼ d’heure pour préparer une valise, vêtements chauds et ravitaillement. Mais le père qui travaille au 6 ème étage dans son petit atelier, n’est pas là. Il est parti livré un costume en prenant le métro. Dans ce dernier, un passager, voyant son étoile jaune lui dit qu’il ferait bien de rentrer rapidement à cause d’actuels événements graves. Il repart donc et dans son atelier, au 6 éme dépose le travail non livré. Son fils, envoyé par sa mère, va le chercher au même moment.

Ses parents, ses 2 sœurs Charlotte et Rachel et lui sont emmenés à pied pour prendre un autobus qui va les conduire au Vél d’Hiv, alors qu’un  gros orage éclate.

Arrivés à destination et entrés dans l’enceinte de ce vélodrome c’est la puanteur du lieu qui les accueille, ainsi que le bruit et les cris d’enfants. C’est un milieu angoissant jour et nuit. Ils sont environ 13 000 dont 4 151 enfants ainsi confinés. La mère de Joseph lui demande de voir si ses frères, donc les oncles de Jo, sont aussi dans ce lieu. Après plus de 2 heures de recherche, sans se perdre, il ne les trouve pas, ils n’ont pas été arrêtés.

Quelque temps après, 3 jours, rassemblement et départ vers la gare d’Austerlitz où ils arrivent à 10 h pour monter dans des wagons à bestiaux. Départ à 12 h et arrivée à Beaune la Rolande vers 17/18 h après un long voyage où ils sont 200 environ entassés dans le wagon, sous une chaleur suffocante, sans eau ni toilettes. Les parents tiennent leurs enfants dans leurs bras pour leur éviter la suffocation. Ce genre de traitement n’a pour but que l’humiliation.

Dans le nouveau camp ils sont répartis dans plusieurs baraquements. Quelques jours après, début août, on les fait sortir à 5 h, pour une fouille en vue du départ vers Auschwitz, fouille destinée à ce que personne n’emporte de valeurs.  Tout le monde reste ainsi parqué en plein soleil en attendant les camions de transport.

A 18 h un command-car avec un officier supérieur allemand arrive et jugeant de la situation recommande au commandant du camp de respecter les accords de Berlin : pas de déportation d’enfants1, ceux qui restent, plusieurs centaines, rejoindront leurs parents 2 semaines plus tard. Un gendarme passe dans les rangs et désigne ceux qui doivent rester, j’en fais partie mais pas mes sœurs, pourquoi ? Les camions sont là et les parents partent vers leur funeste destination Auschwitz via Drancy. Une épouvantable scène de la séparation des parents et de leurs enfants.

Joseph raconte : resté au camp j’arrive à me faire un copain, Joseph KOGAN2. Avec lui (2 Joseph ça décuple les forces), je partage l’idée que nous ne pouvons rester enfermés. L’idée de s’évader germe en nous et nous élaborons un plan. Ce sera pendant la distribution du repas de midi, le seul de la journée, où tout le monde est occupé. La 1ère tentative échoue car on nous observe, les gendarmes français nous courent après et nous les semons à travers les baraques. Qu’à cela ne tienne nous allons recommencer, pas la nuit comme envisagé un moment car nous n’y verrions rien. Le lendemain, nous mettons des vêtements, veste et pantalon, en double car il nous faut traverser sous les 15 mètres de rouleaux de barbelés3. Et à midi nouvelle tentative, la périlleuse aventure commence, au pied d’un mirador.

Nous voilà partis et cette fois c’est la bonne. Près de 6 heures pour ramper sous les barbelés, avec des écorchures sur les mains, le visage, cicatrices encore visibles. Nous sommes épuisés, découragés, démoralisés et prêts à abandonner, mais nous réagissons positivement. Enfin nous y arrivons et vite nous pénétrons dans la forêt d’Orléans. Nous essayons de trouver refuge quelque part, plusieurs tentatives mais que des refus. Notre accoutrement en était bien sûr la cause. Enfin une dame de Lorris, la sous-préfecture, nous accueille. Combien nous étions contents mais ensuite désespoir, elle nous emmène au poste de police local.

Nous sommes enfermés, ou presque, dans le « trou du vagabond ». Un gendarme nous précise qu’il laisse la porte ouverte, ce dont nous profitons tôt le lendemain matin. Nous voulons prendre un bus4 pour Montargis, mais il est complet et le chauffeur nous invite à descendre. Mais voilà que 2 gendarmes5 présents ordonnent au chauffeur de faire descendre 2 adultes pour que nous prenions leur place. C’est ce qui se passe effectivement. A Montargis nous prenons le train pour Paris où nous nous séparons, chacun devant suivre son propre chemin.

A Paris retrouvant ma maison je n’ai pu y entrer, n’ayant pas de clé. Je repartis donc et me dirigeais vers la Sarthe où une lavandière du pont de Gennes, Mme Grigné m’a accueilli en même temps que 2 petites orphelines juives de 1943 à fin 1944. Ensuite je suis passé d’orphelinat en orphelinat avec une vie assez tourmentée, jusqu’à vouloir changer de nom.  Mon dernier arrêt l’orphelinat du Mans.

Ensuite, sur place, je trouve une nouvelle famille d’adoption les Margel. Ce sont des marchands de meubles. J’essaie de m’en sortir en devenant ajusteur. J’aide, comme je peux, la famille Margel dans sa comptabilité. Mais en 1951 Mr Margel décède. Je décide de prendre la gestion du magasin, ce sera jusqu’en 1973 année où décédera Mme Margel6.

Retour au récit.

Marié, Joseph aura 3 enfants.

Ce n’est qu’en 1996 lors d’un colloque à Orléans, où assis à côté de Simone Veil, que vont murir certaines choses. Mme VEIL va le convaincre de raconter son histoire7, de l’écrire comme un devoir de mémoire. D’abord réticent il acceptera et ira par la suite témoigner dans les collèges et lycées.

Il fera son service militaire de 1951 à 1953 et n’apprendra la triste fin de ses parent et sœurs qu’à 25 ans. Ses parents et sa sœur Charlotte ont été déportés à Auschwitz le 7 août 1942 convoi n°22 et exterminés le 10 août et sa petite sœur Rachel le 21 août convoi n° 42, exterminée e 24 août.

Joseph WEISMANN sera présent le 17 juillet 2022 à une cérémonie devant la préfecture du Mans.

Photo Ouest France

Distinctions :  

  • Médaille des évadés 20 juillet 2014 (seulement à cette date car la République ne reconnaissait pas la responsabilité de la France, se référant au décret du 7 février 1959… puis le camp était gardé par des gendarmes français ! !
  • Chevalier de la Légion d’Honneur
  • Chevalier des palmes académiques.
  • Médaille de la déportation et internement politique.

Autres :    * Auteur du livre « Après la rafle », (éditions « j’ai lu ») 2013.

* Une BD : « Après la rafle » d’Arnaud Delalande, début 2022.

*  Et le film né de son histoire « La rafle » de Roselyne BOSCH 2010, où il joue avec son fils, sa fille et petits-fils. Film aux séquences atténuées ou adoucies par rapport à la vérité trop violente, afin de ne pas choquer les spectateurs.

* Un collège porte son nom.

Notes :    

1°) ainsi étaient les ordres de Berlin, quand Laval (Vichy) préconisait le contraire.

2°) retrouvé aux USA en 1965 où il a fondé une famille. Aujourd’hui il est décédé.

3°) les barbelés, pas ceux clôturant les prairies, non des barbelés aux innombrables pointes très resserrées. Le tout en rouleau de 10 m de large.

4°) payé avec quelques billets que les détenus jetaient, pour ne rien laisser à leurs ennemis. Billets récupérés par Joseph pendant la corvée des tinettes et bien sûr lavés. Heureusement.

5°) voila 2 gendarmes humains (qu’il convient de citer) à l’opposé des autres plutôt sans pitié, obéissant aveuglément pendant cette triste période.

6°) Joseph Weismann laissera un pécule à cette famille.

7°) Jo comme on l’appelait ne voulait pas témoigner arguant que c’était son histoire que cela ne regardait que lui, c’était son affaire et ne voulait pas étaler ses peines, ce qui est vrai mais réflexion bien mûrie, il devait, ce devoir de mémoire aux jeunes français.

Dans ses visites des collèges et lycées il laisse plusieurs messages comme :

  1. Je suis né dans une mauvaise période, vous avez la chance de vivre en France, dans une des meilleures démocraties à laquelle vous pouvez apporter une pièce à l’édifice.
  2. N’acceptez pas l’inacceptable.
  3. Parfois il refusait de témoigner car fatigué autant physiquement que psychiquement.

 

A ses enfants il en parlait fort peu pour ne pas éveiller en eux une quelconque haine envers les Allemands, ou certains organismes français de l’époque.

 

Parfois l’émotion prenait le dessus : trop de souvenirs, d’images le replongeant en cette triste période.

                  Et enfin il était le seul enfant rescapé du « vel d’hiv »

 

 

Sources :  divers sites internet. Documentaires vidéo (comme reportage collège St Joseph au Mans janvier 2017) ou audio.

NDA :      Monsieur Joseph WIESMANN me pardonnera d’avoir pris parfois sa place dans la narration de ce récit.

 

 

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