Toutes les semaines, nous publierons 2 extraits du Livre Blanc des pupilles de la Nation de la Fnapog   (Féderation Nationale Autonome des Pupilles de la Nation Orphelins de Guerre.)

 

Jacqueline COUSIN

J’ai perdu mon père lorsque j’avais 4 ans, et comme tous les pupilles de la nation, je n’ai pas eu pour grandir cette épaule sur qui m’appuyer, et mon père m’a manqué toute ma vie. La douleur pour maman a été indicible, je me souviens de sa phrase que je ne peux oublier «   ma chérie on ne meurt pas de chagrin, sinon je serais morte lorsque l’on m’a annoncé la mort de ton papa «

Mes parents habitaient Boulogne-Billancourt, et durant la guerre mon père a été muté provisoirement à Oullins dans la banlieue de Lyon, aux établissements Martin-Moulet. Il est entré dans un réseau de résistance à Lyon, chaque soir il écoutait les messages venant de Londres avec son poste émetteur, et lorsqu’un message le concernait, il partait accomplir sa mission. Il savait qu’il était recherché par la gestapo, et avec l’accord de sa direction il travaillait sous un faux nom. La direction avait également fait installer une sonnerie à l’accueil pour prévenir mon père lorsque la gestapo venait vérifier du matériel, et dans ce cas il partait se réfugier au garage Orif à Oullins, en se faisant passer pour un ouvrier du garage. C’est ce qu’il fit ce jour du 19 août 1944. La milice était venue le matin déposer des voitures à réparer en se faisant passer pour des résistants, le garagiste étant lui-même un résistant, et lorsqu’ils sont revenus le soir ils ont torturé et assassiné les personnes présentes. Mon père avait réussi à se sauver malgré une balle dans le bras, et en sautant d’un mur un milicien qui était là lui a tiré une balle dans la tête. Les amis de mes parents sont venus de suite prendre le poste émetteur pour le jeter dans le Rhône, afin d’éviter des ennuis à maman. La libération était proche, et les Allemands qui se retiraient tuaient sans relâche, tous les cadavres étaient empilés les uns sur les autres dans une salle, et ma pauvre maman a été obligée de marcher sur les dépouilles et les retourner pour retrouver le corps de mon père. J’imagine également sa douleur lorsque quelques jours après ce drame la ville de Lyon était libérée, et les habitants chantaient et dansaient dans les rues alors que maman se retrouvait seule avec moi.

C’est après de longues recherches que je connais enfin grâce à l’association « Pour l’Histoire d’Oullins » les circonstances exactes de la mort de mon père. Ce drame avait fait la une des journaux. Un de ses assassins a été arrêté après la guerre, et comme il n’était pas majeur il n’a été condamné qu’à sept ans de prison, par contre son frère qui était chef de la milice a été condamné à mort, mais n’a jamais été retrouvé.  J’ai eu l’autorisation de consulter les archives du procès grâce à l’autorisation du premier ministre de l’époque, Monsieur de Villepin.

Je suis indemnisée par l’ONACVG suite au décret promulgué, mais je suis très triste de constater qu’à ce jour tous les pupilles de la nation ne soient pas considérés de la même façon, car peu importe la façon dont nos pères et mères sont morts durant cette guerre, la douleur et l’absence sont les mêmes.

 

 

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