– jeudi 25 août 2022   DNA

Strasbourg Eurométropole

IL Y A 80 ANS

Incorporation de force, la mémoire et la douleur

Collection de Jean CHECINSKI

Le 25 août 1942, une ordonnance nazie soumettait les Alsaciens au service militaire obligatoire dans la Wehrmacht. Au total, 127 500 Alsaciens et Mosellans seront incorporés de force, ainsi que 15 000 Malgré-elles. Retour sur un drame aux blessures encore vives. Récit et témoignages en pages 17 et 18

L’Allemagne rappelle avoir déjà payé

Courant juillet, les orphelins de Malgré-nous de l’OPMNAM ont reçu deux fins de non-recevoir à leurs demandes d’indemnisation par l’État allemand. Tout d’abord, le tribunal social de la Sarre, saisi par l’association, a jugé en date du 12 juillet que ces droits allemands « ne s’appliquent pas aux survivants des victimes de guerre françaises », car ceux-ci peuvent s’adresser à l’État français. L’avocat (allemand) de l’association devrait contester ce jugement.

Ensuite, dans un courrier daté – drôle de hasard – du 14 juillet, l’association a reçu réponse d’une lettre envoyée au chancelier allemand Olaf Scholz. Le ministère des Finances a pris la plume au nom de la chancellerie en renvoyant les demandeurs aux sommes déjà versées par l’Allemagne à la France : 400 millions de deutsche marks (DM) en 1960 et 250 millions de DM en 1981. Leur distribution avait été laissée à la discrétion respectivement du gouvernement et de la fondation Entente franco-allemande (FEFA). Dans le premier cas, les Malgré-nous n’ont rien obtenu ; dans le deuxième, les orphelins ont été exclus.

Ceci étant posé, dans cette lettre, « le gouvernement fédéral regrette que les Alsaciens et les Lorrains considérés comme d’origine allemande aient été enrôlés de force dans la Wehrmacht » et se dit « conscient des conséquences extrêmement douloureuses de la guerre et de l’Occupation, en particulier en France ». En clair, l’Allemagne ne veut plus payer. Mais rien n’empêche les défenseurs de Malgré-nous de continuer le combat en réclamant la reconnaissance du crime de l’incorporation de force, en essayant de le faire définir comme crime contre l’humanité.

« L’Alsace doit se battre pour s’assurer sa future place dans l’Europe nouvelle. C’est seulement par une participation active au combat que l’Alsace s’assurera un avenir heureux. C’est pourquoi l’introduction de l’obligation militaire est nécessaire. » Déclaration du Gauleiter Robert Wagner au moment de l’introduction de l’incorporation de force

80 ANS DE L’INCORPORATION DE FORCE

La fabrique d’un crime

Textes : Hervé de CHALENDAR

Ex-voto de la basilique Notre-Dame de Thierenbach rendant grâce à la Vierge pour la désertion réussie de Malgré-nous.Photo L’Alsace/ H. de C

Il y a tout juste quatre-vingts ans, le 25 août 1942, une ordonnance nazie soumet les Alsaciens « au service militaire dans la Wehrmacht ». Dans la foulée, les jeunes hommes de la région sont envoyés sur les fronts les plus dangereux. C’est la conclusion d’un processus et le début d’un crime. Charles, Auguste et Raymond sont originaires de Saint-Hippolyte, au sud de Sélestat. Ce sont les trois derniers incorporés de force du village encore vivants.

C’est un exemple parmi tant d’autres de cette absurdité criminelle nazie qui consistait à perpétrer les actes de la plus grande barbarie avec une préoccupation bureaucratique. L’incorporation des Alsaciens-Lorrains en août 1942 est une hérésie juridique puisque les trois départements ont été, après l’armistice de juin 1940, annexés de fait et non en droit ( de facto et non de jure ) par le IIIe Reich ; en réalité, selon le droit international, durant toute la Seconde Guerre mondiale, ils n’ont jamais cessé de faire partie de la France ! Comme l’Annexion est de fait, l’incorporation est de force. Pour autant, les autorités nazies ont préparé ce viol des usages et des consciences avec méthode, en s’efforçant de régler au préalable tout ce qui, à leurs yeux, constituait des obstacles administratifs.

Dans une note de mai 1942, citée par l’historien Eugène Riedweg dans un article des Saisons d’Alsace d’automne 1992, le secrétariat général du gouvernement de Vichy remarque « l’inflexible progressivité » des mesures allemandes concernant la population alsacienne : d’abord enrôlés comme soi-disant volontaires puis de façon ouvertement obligatoire, dans des organismes du parti puis dans des formations paramilitaires et enfin dans des unités militaires. Cette note concluait :

« La conscription des Alsaciens et des Lorrains pour l’armée allemande peut être prochaine »

Bien vu : elle a été effective trois mois plus tard. Ainsi Vichy voyait, savait, comprenait. Vichy protestait, aussi, auprès de la commission allemande d’armistice, mais pour la forme, sans en faire la publicité et sans en attendre de réponse, ce qui est un bon moyen de ne pas en recevoir. Lâche par nature, Vichy a abandonné l’Alsace-Lorraine. C’était la 2e fois pour l’Etat français, soixante-et- onze ans après 1871.

Le Gauleiter Wagner pense à l’incorporation dès les premiers jours de l’Annexion de fait : pour lui, le service militaire est le meilleur moyen d’arrimer l’Alsace au IIIe Reich. Dans sa logique, appartenir à l’Allemagne nazie est un honneur qui se mérite et s’acquiert par le sang versé. Mais au niveau de l’OKW ( Oberkommando der Wehrmacht ), le commandement en chef de l’armée allemande, on est méfiant : on n’a pas oublié le comportement pro-français des Alsaciens-Lorrains en 14-18…

Les nécessités de la guerre balaient vite ces scrupules. L’euphorie victorieuse de 1940 n’a qu’un temps. L’invasion de l’URSS, en juin 1941, engendre de grands besoins en effectifs. Et en Alsace, malgré les campagnes de recrutement, les volontaires sont rares. En juin 1942, dans son discours annuel à Colmar, le Gauleiter avance le chiffre de 2 100 engagés volontaires dans la Wehrmacht et la Waffen SS : c’est ridicule et c’est en outre probablement très surestimé puisque, rappelle Eugène Riedweg, le chiffre officiel six mois plus tôt n’était que de 514.

Mais peu importe puisque la mécanique de l’incorporation de force est en marche. L’introduction en Alsace du Reichsarbeitsdienst (RAD, service du travail du Reich ), le 8 mai 1941, est son prélude. Les premières classes sont mobilisées à l’automne. La démarche est transparente : ce RAD, c’est l’armée avant l’armée. Il faut en outre prêter serment au Führer et au Reich , ce qui contredit à la fois la convention d’armistice et celle de La Haye de 1899. Déjà, des Alsaciens commencent à fuir en France non occupée.

La guerre s’étend, s’enlise et réclame toujours plus de combustible humain. Désormais, l’OKW n’est plus méfiant, mais impatient. Le 13 février 1942, Wagner rencontre Hitler à Berlin ; il reçoit son accord de principe pour l’incorporation de force, mais le Führer s’inquiète encore de la confiance à accorder à ces recrues. Le 5 mars, les autorités locales du nazisme sont invitées à recenser les Alsaciens et à évaluer leur degré d’adhésion. On envisage encore d’importantes expulsions d’indésirables et n’enrôler que les plus fiables, mais ça ne va pas durer…

En parallèle se pose une question cruciale : celle de la nationalité. Comme l’exige logiquement une loi du 21 mai 1935, pour faire le service militaire allemand, il faut être allemand. C’est une contrainte juridique, mais aussi, pour les nazis, une obsession idéologique. Or, comme l’observe l’historien Nicolas Mengus, « pour eux, les Alsaciens sont des Volksdeutscher , des personnes de race germanique, mais pas encore des Reichsdeutscher , de véritables Allemands du Reich. Ils doivent faire leurs preuves. » Une nouvelle réunion avec Hitler, les principaux dignitaires nazis et les Gauleiters concernés par l’Alsace, la Moselle et le Luxembourg a lieu le 9 août à Vinnytsia, en Ukraine. Courant 1942 et 1943, plusieurs textes s’efforcent de régler cette question de la nationalité, même si, encore une fois, ceci n’a aucune validité en droit international : les nazis s’imposent leurs propres règles…

En ce domaine, la mesure la plus importante est publiée le 23 août 1942 dans le Journal officiel du Reich : une ordonnance accorde la nationalité allemande aux Alsaciens, Lorrains et Luxembourgeois appelés à servir dans la Wehrmacht et la Waffen SS , ainsi qu’à leurs conjoints et enfants mineurs. Deux jours plus tard peut survenir le crime administratif : le 25 août 1942 paraît dans le Bulletin d’annonces du chef de l’administration civil un texte dont le premier article décrète que « les hommes appartenant au peuple allemand en Alsace et faisant partie des classes ultérieurement indiquées par un règlement spécial sont soumis au service militaire obligatoire dans la Wehrmacht ». La même ordonnance est rendue publique le 29 août pour la Lorraine et le 30 pour le Luxembourg.

Dès le 3 septembre se tiennent les conseils de révision. Les premiers départs ont lieu le 15 octobre à Mulhouse, Colmar et Strasbourg. Les premières classes concernées sont les années 1922, 1923 et 1924. Les jeunes gens ont entre 18 et 20 ans. Ces Alsaciens manifestent, entonnent La Marseillaise , refusent de signer leur Wehrpass , se mutilent, détruisent les voitures des trains qui les emportent… Mais la répression se renforce à l’unisson : internement au camp de Schirmeck, transplantation des familles (les parents sont considérés comme responsables), versement dans les unités disciplinaires, prison… et tout simplement exécution.

Dans l’histoire tumultueuse et souvent tragique de l’Alsace, on peut objectivement considérer que le 25 août 1942 est son jour le plus sombre. Il y a d’abord, et surtout, le viol des consciences : devoir endosser l’uniforme de l’ennemi, combattre contre sa patrie au profit d’une idéologie mortifère… ou mettre ses proches en danger en fuyant. Il y a ensuite les chiffres : près de 130 000 Alsaciens et Mosellans incorporés (plus de 142 000 avec les Malgré-elles), envoyés sur les fronts les plus meurtriers, et plus de 30 000 morts et disparus.

Il y a enfin le poids subi par la suite par la société alsacienne : toutes ces années où il fallut penser à autre chose, composer avec le traumatisme et les difficultés (en particulier pour les veuves), apprendre à revivre ensemble, puis s’expliquer, témoigner, tenter de faire comprendre que l’on a été piégé, que l’on s’est efforcé de faire au mieux face à un destin cornélien…

Et quatre-vingts ans plus tard, l’histoire n’est pas finie. Le sort de ceux que l’usage a appelés les Malgré-nous et de leurs proches perturbe toujours la tranquillité régionale. Les orphelins, par exemple (il y en aurait eu 20 000), se battent toujours et se sentent toujours incompris. Depuis quelques années, l’association Orphelins de pères Malgré-nous d’Alsace-Moselle (OPMNAM) pose cette question de pure logique aux autorités allemandes : puisque les nazis ont fait de leurs pères des Allemands pour les incorporer, qu’ils sont morts allemands et que leurs enfants ont été naturalisés avec eux, pourquoi l’Allemagne n’indemnise-t-elle pas ces derniers comme ses propres orphelins ? Dans leurs réponses, ni l’Allemagne ni la France ne se sentent concernées (lire ci- dessous). Une loi française du 15 septembre 1944 a déclaré « nulles et non avenues » toutes celles du IIIe Reich, mais que peut signifier l’effacement de textes qui ont bouleversé la vie des habitants de toute une région ? Le piège nazi agit toujours.

LIRE Un numéro hors-série des Saisons d’Alsace sur l’incorporation de force sortira le 29 octobre. Sur cette question, on peut aussi se référer à de nombreux autres numéros de ce magazine, en particulier le hors-série paru en 2012 et le numéro sur l’année 1942 (117 dans l’ancienne formule) publié à l’automne 1992.

LIRE Aussi les témoignages d’anciens Malgré-nous en page 32

La page du , (Bulletin d’annonces du chef de l’administration civile en Alsace) dans laquelle est parue (en bas à gauche) l’ordonnance du 25 août 1942. Elle soumettait les Alsaciens au service militaire obligatoire dans la , et instituait donc l’incorporation de force. Collection Mémorial Alsace Moselle/Photo Jean-Marc LOOS

Repères

 

  • Juin 1940 : l’Alsace est annexée de fait (et non en droit) par le IIIe
  • 8 mai 1941 : introduction en Alsace du Reichsarbeitsdienst (RAD, service du travail du Reich ) pour les jeunes hommes et femmes.
  • Juin 1941 : le IIIe Reich attaque l’Union soviétique.
  • 23 août 1942 : ordonnance accordant la nationalité allemande aux Alsaciens, Lorrains et Luxembourgeois appelés à servir dans la Wehrmacht et la Waffen SS.
  • 25 août 1942 : ordonnance instaurant l’incorporation de force des Alsaciens (le 29 août pour la Moselle).
  • 1er octobre 1943 : ordonnance sur la Sippenhaft (« responsabilité du clan ») : elle prévoit la déportation des familles de déserteurs.
  • Au total, on estime qu’il y eut 127 500 Alsaciens et Mosellans incorporés de force, auxquels s’ajoutent environ 15 000 Malgré-elles. Parmi les Malgré-nous, 30 470 ne sont pas rentrés (morts et portés disparus).

Région

« Dans mon unité, les soldats allemands ne voulaient plus combattre. C’était des camarades. On était dans le même pétrin ! »

Auguste Meyer

80 ANS DE L’INCORPORATION DE FORCE

Une amitié née dans l’adversité

Textes et photos : Nicolas ROQUEJEOFFRE

Le calendrier de l’année 1945 qu’Auguste Meyer a précieusement gardé. Photo DNA

Charles, Auguste et Raymond sont originaires de Saint-Hippolyte, au sud de Sélestat. Ce sont les trois derniers incorporés de force encore vivants.

Depuis le balcon de la maison d’Auguste Meyer, la vue est imprenable sur la Forêt-Noire. Le nonagénaire vit avec son épouse, Colette, à la sortie de Saint-Hippolyte, sur la route des Vins. C’est chez eux que les deux autres compères, Raymond Muhr et Charles Thirion, se retrouvent régulièrement pour boire un verre, parler du temps qui passe et, quelquefois, se remémorer cette période sombre que fut la guerre et ses terribles conséquences pour les jeunes Alsaciens.

« On est heureux d’être encore ensemble », livre Charles Thirion né, comme Auguste, en 1925. Raymond, le plus jeune de la bande, a un an de moins. Cet homme au regard bleu azur s’excuse de ne pas bien entendre. « Ma mémoire commence à flancher », dit de son côté Auguste qui, pourtant, jongle encore sans problème avec les dates et les chiffres. C’est lui qui véhicule la joyeuse troupe dans le village.

Tant qu’il le peut, le trio participe aux cérémonies rendant hommage à ceux qui ne sont pas revenus. Cela a été le cas le 8 mai dernier, quand l’association Snifam (Solidarité normande avec les incorporés de force alsaciens et mosellans) a tenu son assemblée générale. Les trois anciens combattants se sont retrouvés devant le monument aux morts. « Après-guerre, on avait encore l’espoir de voir nos copains revenir », se rappelle Charles. « Aujourd’hui, on pense encore à eux. » Saint-Hippolyte, village posé au pied du château du Haut-Koenigsbourg, a payé un lourd tribut à cette guerre. Plus d’une centaine d’habitants ont été enrôlés de force, près de trente ont été tués. La classe 1925, celle d’Auguste et de Charles, a particulièrement été touchée avec huit décès.

Eux sont revenus. Mais à quel prix. « À 18 ans, on était des gosses ! » Des gamins qui avaient du courage. Charles, par exemple. Comme les autres, il était passé devant le conseil de révision, antichambre du RAD ( Reichsarbeitsdienst ), à Ribeauvillé. « On est rentré à pied à Saint-Hippolyte. J’ai sifflé La Marseillaise. Malheureusement, le patron de la gendarmerie habitait une maison sur cette route et m’a entendu. » Il a payé son acte de résistance de quelques semaines de prison, avant de voir sa date d’incorporation avancée.

Des gestes suffisent à montrer son attachement pour la France. Une affiche de propagande allemande arrachée et jetée dans un cours d’eau, des cailloux lancés contre des panneaux de signalisation. « On se demandait ce qu’on pouvait faire contre les Boches », lance Charles. « Mais il fallait faire attention car il y avait des familles germanophiles. » Auguste cite ce prêtre, l’abbé Bourgeois, patriote jusqu’au bout des ongles : « Il jouait La Marseillaise à l’orgue ! »

Pouvaient-ils échapper à l’incorporation de force ? Raymond et Auguste avaient réalisé un repérage à vélo au col de Sainte-Marie-aux-Mines. « Les Allemands faisaient régner la terreur », insiste Auguste. « Ils nous avaient prévenus des conséquences pour nos familles. Et puis après le massacre de Ballersdorf [*], on avait peur. » Cette peur constante, « qui peut encore comprendre ça, aujourd’hui ? »

Charles a été le premier à partir, en mai 1943. Il a embarqué dans un train à Colmar et a rejoint la Norvège. Puis son unité, un régiment du génie, a été acheminée en Hongrie où il s’est retrouvé face à l’Armée rouge et ses orgues de Staline. « Le bruit était si impressionnant ! », se souvient-il. Ses deux amis acquiescent. Tous ont été envoyés sur le front de l’Est. Raymond, comme beaucoup de la classe 26, a dû enfiler un uniforme de la Waffen SS et a été affecté à la 16e division Reichsführer SS. Lui aussi a combattu en Hongrie et se souvient d’affrontements violents autour du lac Balaton.

« On était encerclés, mais très bien équipés. On a pu s’en sortir. »

Son unité a également subi les assauts des partisans italiens. « On ne voulait pas tomber aux mains des Russes car on savait qu’avec notre uniforme, c’était la mort assurée ! »

Auguste est le seul à avoir retranscrit son périple commencé le 30 octobre 1943, jour de ses 18 ans. Ce récit, il l’a distribué à sa famille pour qu’ils n’oublient pas ce qu’a pu vivre leur père, leur grand- père. Il a connu son baptême du feu en Pologne lors de combats durant lesquels un de ses amis, Charles, originaire de Colmar, a eu le bras arraché. Durant une bonne année, il va partager le destin d’un autre incorporé de force, polonais, avec lequel il gardera contact après la guerre. Auguste a failli y rester, ce jour de mars 1945 où un obus tiré par un canon antichar russe a explosé tout près de lui. « Un soldat allemand a eu les jambes déchiquetées et moi, à peine une égratignure sur la nuque… »

Auguste se rappelle avoir croisé des volontaires français de la division Charlemagne. « Dans mon unité, les soldats allemands ne voulaient plus combattre. C’était des camarades. On était dans le même pétrin ! » Six jours avant la fin de la guerre, le Haut-Rhinois et sa section sont faits prisonniers par les Américains près de Ludwigslust.

Les trois garçons sont donc revenus sains et saufs. Charles se souvient de son père qui, agriculteur, « a tout laissé en plan dans son champ » et s’est jeté dans ses bras. « Il pleurait, il était si content ! » Passé par Paris, Auguste est arrivé en Alsace le 14 juillet. « Je voyais partout des drapeaux tricolores. Tout le monde pavoisait. » À la maison, sa mère l’embrasse, les larmes aux yeux. « Je suis allée tout de suite chercher notre drapeau que j’avais caché dans le grenier pour l’accrocher à la fenêtre. »

Aujourd’hui, que réclament-ils ? « Que le sort des incorporés de force ne tombe pas dans l’oubli », répond Auguste qui rend hommage à ceux qui se battent pour faire connaître « ce crime contre l’humanité. On espère qu’un jour, les manuels scolaires feront mention de ce crime. » Ce qui n’est pas le cas.

(*) Du 17 au 24 février 1943, 18 Alsaciens réfractaires à l’incorporation de force sont fusillés par les Nazis. Leurs familles sont incarcérées à Schirmeck.

LIRE Aussi l’histoire de l’incorporation de force en page 30.

Charles Thirion, Auguste Meyer, Raymond Muhr, les trois derniers incorporés de force encore vivants du village de Saint- Hippolyte. Photo DNA

Le livret militaire d’Auguste Meyer. Photo DNA

Commémorations

Ce jeudi 25 août, jour anniversaire des 80 ans de l’ordonnance concernant l’incorporation de force des Alsaciens, une cérémonie est prévue à 10 h 30, au Mont National, à Obernai.

Le samedi 27, le Mémorial Alsace-Moselle, à Schirmeck, organise, de 14 h à 21 h, une après-midi intitulée « Une lumière pour mon grand-père Malgré-nous ».

Des lanternes seront allumées, on pourra découvrir une exposition sur l’incorporation de force en Europe, se faire dédicacer le livre Le retour du soldat malgré lui par Daniel Fischer et Sylvie de Mathuisieulx, voir le film In Memoriam de Benjamin Steinmann et assister enfin à des conférences de Bernard Linder et Claude Muller.

Plus d’informations sur www.memorial-alsace-moselle.com

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