Toutes les semaines, nous publierons 2 extraits du Livre Blanc des pupilles de la Nation de la Fnapog (Féderation Nationale Autonome des Pupilles de la Nation Orphelins de Guerre.)
Témoignage de Michele Chrétien-
Bonjour,
J’ai bien reçu la demande de témoignage de pupille et orphelin de guerre.
Certains élus ont des préjugés concernant les Pupilles de la Nation, considérant leurs Associations comme étant un lobby”
Pour ce qui me concerne, je suis Pupille de la nation de la Guerre d’Indochine.
L’histoire de notre père est publiée dans la revue de la Fondation de la France Libre, Septembre 2021, accessible sur leur site (numéro 80) : titre : :” Marcel Chrétien, un ancien de Combrée, un natif de l’Anjou, un saint-cyrien résistant parmi d’autres” pages 9.à 12).
Si vous le souhaitez, je peux développer plus avant les impacts sur notre vie de pupille de la nation à la suite de sa disparition :
Voici un résumé :
nous étions en Indochine quand notre père est décédé le 12 mars 1951 à l’Hôpital 415 LE FLEM;; notre mère (infirmière AFAT, fille de colonel…) a accouché 1 semaine après son décès à Dalat. J’étais âgée de 2 ans7 mois. J’ai empêché m mère de se suicider dans l’eau du lac proche de Dalat où elle nous entraînait ma sœur et moi ; ma sœur en avait jusqu’au front….; Nous sommes retournés en Métropole 1 an après le décès de de notre père et après la reprise de travail de notre mère comme infirmière à l’hôpital de Dalat (il fallait des moyens financiers pour survivre). Je suis allée à l’école de Dalat tenue par des sœurs pendant 1 an au couvent des Oiseaux.. Au retour de l’école, je me souviens :. Je courrai rejoindre ma mère à l’hôpital de Dalat dès que nous étions déposés par l’ambulance devant notre maison, échappant à l’autorité des Thi-bas.
Au retour en France, nous avons connu divers placements dans notre famille pendant 2 ans.. ma sœur a été placée plus longtemps :, 1 an plus jeune que moi, elle a dû faire deux séjours en préventorium et en aérium. Nous avons retrouvé notre mère à l’âge de 6 ans1/2 pour ce qui me concerne. C’est moi qui avais les clés de la maison car ma mère devait aller travailler à Paris. Elle avait pu acheter un pavillon en copropriété grâce au prêt octroyé par les Français Libres. Moi-même et ma sœur travaillions très bien à l’école (prix d’excellence, prix de camaraderie pour ce qui me concerne). Au fil des années, nous avons quitté le domicile familial mais ma sœur a refusé obstinément de quitter ce domicile où elle avait grandi. Elle a toujours vécu avec notre mère mais malheureusement accumulait des journaux. ; A la disparition de cette dernière, elle a eu un, traumatisme psychologique (son syndrome s’est accentué).; Reconnue Adulte vulnérable et sous curatelle renforcée, c’est moi qui l’ai fait hospitaliser et, selon le médecin traitant, lui ai sauvé la vie et l’ai aidé avec mes enfants à faire valoir ses droits notamment auprès de l’ONAC 94; C’est là que j’ai pris contact avec Anne Chalons.
Notre frère, n’a pas pu faire d’études et s’est progressivement altéré psychologiquement faute d’image paternelle.; Moi-même, l’ainée de la fratrie, j’ai été en quelque sorte adultisée par ma mère : dès l’âge de 7 ans j’avais la responsabilité des clés de la maison., J’ai “résisté” en travaillant sur mes traumatismes et quelques dérives à l’âge de l’adolescence.; j’ai fait des études, Bac DESS, Attaché Principal/ Directeur Territorial dans le Social, je m’en suis à peu près sortie : je suis Présidente d’une Association d’hébergement d’Urgence Déléguée adjointe à la Fondation de la France Libre, adhérente au Souvenir Français du Haut Anjou avec qui j’ai des relations très positives.
Aujourd’hui encore, en reprenant le fil de cette histoire, je me demande alors que nous étions si bien à Biarritz et à Paris, pourquoi nous sommes tous retournés en Indochine en Septembre 50, au moment du désastre de Cao bang alors que mon père, revenant d’une mission d’inspection en Avril/Mai 50 avec le Général LECOCQ, savait très bien ce qui se passait (question de solidarité avec ses frères d’armes de la France Libre (1ère DFL, BM5 ? qui mourraient en Indochine ou étaient blessés sans soutien de la métropole), suivre les ex-grand chefs militaires-résistants de la 2nde Guerre Mondiale (Delattre, Bollardière, son supérieur hiérarchique, Massu… ?) l’Honneur de la France ?. Je ne sais.”.
Autre question, en travaillant sur un ouvrage dédié au parcours de mon père, j’ai découvert avec une certaine amertume qu’il était tombé dans l’oubli institutionnel comme tant d’autres et notamment que le fichier Léonore ne l’avait pas enregistré (chose incroyable du fait qu’il était prévu que j’aille en 6ème à l’Ecole de la Légion d’Honneur et que ma mère fréquentait la SEMLH (un jour j’ai dû d’ailleurs la remplacer car elle était trop âgée pour s’y rendre). Ce genre de fait est à mettre dans la corbeille des demandes d’explications ou plutôt des revendications auprès des décideurs car il fait partie de nos blessures.
Par ailleurs, il faut mener un combat sur l’image des Pupilles de la Nation car la catégorie où nous classent certains départements tel que le 92 est une erreur qui nous porte préjudice au niveau de notre image..
Certes, le 92 a accordé la mobilité transport (suite aux statistiques collectées en lien notamment avec Anne Chalons), mais en nous alignant dans la catégorie “Pupille d’État”, ce que j’ai dénoncé à deux reprises.
Je vous communique quelques traces des éléments avancés..
Bien cordialement à vous tous
Michèle CHRETIEN
Je ne modifie en rien mon témoignage même s’il peut être dérangeant par son contenu et même, je le complète pour le Livre Blanc car peut-être aurai-je dû rajouter quelques précisions supplémentaires susceptibles de l’éclairer à propos de la résistance militaire de mon père, Marcel CHRETIEN :
– officier Saint-Cyrien promo 34-36, une carrière prometteuse s’offrait à lui.
Après Saint-Cyr, et son investissement au 110ème R.I. de Dunkerque comme sous-lieutenant, il s’est investi dans l’Ecole d’officier de gendarmerie de Satory. C’est là que tout a basculé pour lui dans le contexte de la montée des ambitions notamment territoriales d’Hitler..
Notre père a combattu à la Bataille de France..
Affecté à la Légion de Drancy, il a refusé le 13 Juin 1940 d’obéir aux ordres d’accueillir les Allemands avec les honneurs à leur arrivée sur Paris. Il était hostile à la déclaration de capitulation du Maréchal PETAIN (son propre père étant mort pour la France à la Bataille d’YPRES en décembre 1914, faisant de lui, à l’âge de 2 ans un Pupille de la Nation).
Suite à son refus et son passage à l’acte du 13 Juin 40, une procédure longue s’ensuivit à son encontre. Faisant l’objet d’une sanction disciplinaire, Blâmé par le Ministre, et incarcéré quelques temps, semble-t-il. Il sera jugé par le Tribunal Militaire de Toulouse pour ce refus d’obéissance.
Evadé par les Pyrénées pour rejoindre l’Afrique du Nord par l’Espagne, il est interné 5 mois dans une prison Franquiste à Figueras où il a manqué mourir vu les conditions de traitement des internés dans les petites prisons franquistes (lire Robert BELOT à ce sujet). Arrivé à Casablanca et après une convalescence de un ou deux mois, il a enfin pu rejoindre le camp gaulliste et de là participer à toutes les Campagnes de la France Libre à partir de Takrouna en Tunisie (Campagne d’Italie où il fut blessé, Débarquement de Provence où il fut grièvement blessé au Mont Redon et eut la vie sauve grâce à son ordonnance, un tirailleur sénégalais “venu le rechercher quand il était au fond du trou”; après une pause “santé chez sa mère à Pouancé, il repart pour rejoindre la 1ère DFL (BM5) dans l’Est de la France. il a participé à la Campagne d’Alsace et des Vosges, puis celle de l’Authion où il fut à nouveau blessé. J’ai découvert que son état de santé jusqu’à sa condamnation par Vichy était jugé très bon par le service de santé militaire, il s’est progressivement dégradé à partir de tout cet investissement dès 1941 en lien avec le camp de BRAM (?) et la perte de lien avec son fils et son épouse suite à son premier acte de révolte occasionnant des représailles sur sa vie privée (relire Claude CAZALS à ce sujet)..A la Libération et depuis son acte de révolte du 13 juin 40, son couple a explosé et sa vie familiale n’est plus comme chez beaucoup de Français Libres qui se sont sacrifiés pour notre liberté, la paix dans l’honneur de la France.
Aussi, il décide de partir en février 46 en Indochine (confrontée à l’emprise Japonaise et Chinoise) avec quelques copains cyrards et le commandant CONUS (compagnon de la Libération, qu’il connaissait bien par la DFL BM2). Au Laos. Il a, en dépit d’un état de santé de plus en plus fragilisé par les conditions de vie en brousse en Indochine, continué à s’investir auprès de ses frères d’armes (ex français libres, saint-cyriens…) en se portant volontaire pour un deuxième séjour contre avis médical du service de santé militaire. Il n’avait plus le droit de sauter en parachute (de fait, il a son Brevet de parachutiste depuis 46 suite à son apprentissage avec BOLLARDIERE, son supérieur hiérarchique direct après le départ de CONUS pour raison de santé.).
Ce séjour lui sera fatal :
Les décorations qui lui furent décernées :
Médaille de la résistance (décret du 24 avril 1946, croix de guerre 39-45, croix de guerre avec trois palmes, une étoile de vermeil et une étoile argent, de la croix de la légion d’Honneur (décret du 7 novembre 1944), médaille des blessés, Bronze Star Medal (USA), médaille commémorative française de la guerre 1939-1945 avec les barrettes “France Afrique Italie Libération”, médaille coloniale avec l’agrafe “Extrême Orient”, croix de guerre des TOE – 2°Choc SAS (citation à l’ordre de l’armée sur la croix de guerre) et de la médaille du Million d’Eléphants et du Parasol Blanc décernée par le roi du Laos.
Le 12 décembre 1950, un mémoire de proposition à titre exceptionnel au grade officier de la Légion d’honneur a été établi, avec les commentaires suivants du colonel de Bollardière : “Proposition très chaleureusement appuyée. Titres exceptionnels”, et du général Cogny” : “Tout particulièrement appuyé”. Transmis le 29 janvier 1951 d’Indochine au Secrétaire d’Etat à la Guerre, le dossier est classé le 28 Juin 1951, à la suite du décès de cet officier en Extrême-Orient le 12 mars 1951. Ce mémoire a été retrouvé dans son dossier d’officier au Service historique de la défense de Vincennes.
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