LA RAFLE OUBLIÉE DE LA MONTAGNE NOIRE………trou de mémoire ?

24 août 1942, CAUDEBRONNE dans l’Aude.

C’est le matin dans ce paisible village où la vie quotidienne s’éveille. Un camion arrive, se gare sur la place,  en descendent policiers et gendarmes.

Que veulent-ils ? Tout de suite on comprend : rassembler les juifs du village, main-d’œuvre venue pour travailler à la mine d’or de SALSINES dans l’Ariège ou sur les routes départementales.

La rafle du  « Vel d’hiv » a eu  lieu il y a 1 mois ½.

C’est  dans la cour de l’école en face de chez moi dit Francis OUSTRIC1, que l’on parque ceux pour qui on est venu. Profitant d’un léger flottement dans le rassemblement Mr GRUMBACH, qui assistait parfois aux veillées du village, traverse la rue, entre dans notre maison  afin de se raser comme il le fait parfois.

A peine a-t-il commencé, que 2 hommes arrivent (des gammas2), l’un d’eux le prend par le bras et l’entraîne dehors la figure encore pleine de savon à barbe non sans  que ma grand-mère ne l’invective et lui dise d’un ton ferme « c’est du beau travail que tu fais là jeune homme ». Il n’a certainement pas compris car formulé en patois, mais le ton assuré de grand-mère lui fait répliquer « vous la vieille mêlez-vous de ce qui vous regarde ».

Le commandant allemand de la place de Carcassonne, non nazi et prof de philo dans le civil, aurait averti le maire Ernest COUSINIÉ3 de l’arrestation imminente des juifs, car ce dernier  rendait certains services à ce commandant, ce qui ne l’empêchait pas par ailleurs de protéger ses administrés en ne renseignant pas des demandes allemandes ou en les « faussant ».

Cette communauté a-t-elle été avertie ou tout simplement n’a pas cru ou à refuser de partir ?

Dans cette même cour était aussi Simon SALZMAN4, sa sœur Sidonie  et leurs parents5. Seul le premier reviendra à CAUDEBRONNE (et deviendra mon ami)  parmi les 3 familles soit 12 personnes, déclarées « catholiques » à la mairie avec faux certificats de baptême.

Simon SALZMAN (photo centre mémoire combattante)

Un certain Mr KUPERMAN aurait réussi à se sauver.

La guerre finie, Simon à son retour trouve un emploi à la mine d’or de SALSINES dans l’Ariège, comme échantillonneur  dans les galeries. Connaissant son passé il était respecté, même si à la douche son n° matricule  178623 tatoué sur son avant bras gauche apparaissait.

Il n’en parlait jamais. Ce n’est qu’en fin de vie qu’il se décidera à témoigner devant les élèves de collège et lycée : déportation, wagon à bestiaux pour 80 personnes, l’arrivée dans les camps, pyjama rayé, faim soif, travail forcé, humiliations, coups portés par les SS, sa mère jamais revue. Son père malade transféré en maison de repos (….oui mais éternel !), les marches de la mort pour aller d’un camp à l’autre.

J’ai supporté tout cela jusqu’à la libération par les troupes US dit-il. Il a raconté son périple hors de CAUDEBRONNE, mais pour ce qui s’est passé dans le village, aucun récit. Il y est revenu car c’était le point de RDV avec sa famille après guerre.

Au monument aux morts 14/18, Algérie, Indochine mais aucune trace des déportés ! 12 noms livrés aux nazis par des Français de Vichy. Il règne dans ce village un climat de silence  une espèce d’omerta sur le vécu, certains sont peut-être encore vivant.

Il a suffit d’un seul délateur. Pétainiste  un bien nanti du village s’oppose au maire, anticlérical, très dévot et tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre.

Le récent maire Cyril DELPECH et Gilbert ASSEMAT égrènent quelques souvenirs communs.

Simon quant à lui à 3 filles : Odile 71 ans blonde aux yeux bleus comme son père, Martine et Christine 54 ans qui souhaiteraient apposer sur le monument aux morts, une plaque souvenir avec les 11 noms. Elles espéraient aussi retrouver Sidonie leur tante, mais en vain.

Simon est Chevalier de la Légion d’Honneur avec.  Il connaissait son délateur mais n’en a jamais révélé le nom, d’autant qu’il était seul témoin.

 

Notes :  1°) né en 1937 ancien instituteur.

2°) nom donné aux miliciens, ceux-ci venus de Carcassonne.

3°) il était le boulanger du village, faisait 2 tournées l’une pour fournir les allemands et éviter qu’ils ne viennent au village et l’autre pour le village et le maquis de Laprade.

4°) décédé le 7 Avril 2014.

5°) venus de Belgique, passés par le camp de Rivesaltes jusqu’au8 Août 1941

NDA : comme beaucoup de récits de cette époque, dates, événements & lieux peuvent différés ou être imprécis suivant les sources personnelles ou archives.

Sources : Dépêche du Midi (10 octobre 2021), sites internet.

Aller au contenu principal