L’histoire des batailles de Villersexel et Héricourt en Haute Saône

Notre Région a été le théâtre de combats mémorables durant cette guerre dont on parle peu et dont le Souvenir Français réhabilite la Mémoire.

Sur cette terre de haute Saône, aux confins du Doubs et du Territoire de Belfort, les combats de Villersexel et de la Lizaine ont donné lieu à des commémorations et à cette occasion La Revue d’Histoire Militaire a publié une interview de Monsieur Christophe Lejeune Député de Haute Saône et de Monsieur Gilbert Cuenin Délégué Général du Souvenir Français pour ce département.

Merci à Jean Claude Rebière, notre Délégué Général de nous faire partager ces faits historiques.

Je tiens à affirmer la solide amitié qui nous lie avec le Souvenir Français !

Christiane Dormois
Vice-Présidente FNAPOG National
Présidente de la Fédération du Doubs

 

Commémorer la guerre franco-prussienne : les batailles de Villersexel et Héricourt : entretien croisé avec Christophe Lejeune et Gilbert Cuenin

Alors même que la situation sanitaire mondiale continue de nous inquiéter et d’occuper le paysage médiatique, l’année 2021 est aussi marquée par des commémorations officielles d’un conflit encore trop méconnu : la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Nous avons eu l’honneur d’interviewer Christophe Lejeune, député de la 2e circonscription de la Haute-Saône – où se tiennent depuis vendredi dernier les commémorations des batailles de Villersexel (9 janvier) et de Héricourt (15 au 17 janvier) – ainsi que Gilbert Cuenin, Délégué Général de l’association Le Souvenir Français. Un entretien fort enrichissant qui nous permet de mieux comprendre pourquoi des événements ayant pris place il y a un siècle et demi continuent d’arborer une forte symbolique :

La Revue d’Histoire Militaire : Bonjour Monsieur le Député, pouvez-vous vous présenter brièvement ?

Christophe Lejeune : Je tiens d’abord à vous remercier chaleureusement pour cet échange qui célèbre les 150 ans de deux batailles qui ont eu lieu dans mon département de la Haute-Saône durant la guerre franco-prussienne. La Revue d’Histoire Militaire, composée de jeunes chercheurs aussi talentueux que passionnés, donne tout son sens au travail de mémoire que nous, élus et acteurs locaux, menons.

Ce travail de mémoire se fond dans mon mandat de parlementaire pour lequel j’ai décidé de siéger au sein de la Commission de la Défense nationale et des Forces armées à l’Assemblée nationale. Mon activité dans la commission porte d’abord sur des sujets de défense actuels, notamment le programme 146 dont je suis le rapporteur pour avis budgétaire et que j’ai axé sur le soutien à notre tissu industriel, mais aussi sur les questions de mémoire. Proche des associations d’anciens combattants et du Souvenir français, je participe chaque année aux commémorations dans ma circonscription et à celles nationales.

Enfin, et c’est ce qui nous réunit aujourd’hui, je suis passionné par l’histoire de mon pays et de mon département. Le travail de député me conduit au quotidien sur les routes de la Haute-Saône à la rencontre de ses habitants et j’aime connaître le passé de ces terres, qu’il soit l’histoire d’une industrie familiale ou le théâtre d’une page tragique de notre Nation.

La Revue d’Histoire Militaire : Dans quel cadre s’inscrivent ces deux batailles que vous commémorez actuellement ?

Christophe Lejeune : Les batailles de Villersexel et d’Héricourt surviennent aux derniers jours de la guerre de 1870-1871 qui voit la France défaite et amputée de l’Alsace et de la Lorraine par la Prusse. Ces deux batailles représentent un des derniers engagements de ce qui n’est déjà plus une armée mais des forces disparates ô combien courageuses menées par le général Charles-Denis Bourbaki. Ces deux batailles se font au nom de la défense du territoire national, « pour la patrie en danger », et résonnent comme une dernière tentative désespérée de sauver ce qui peut encore l’être. Ces deux batailles tragiques démontrent très fortement cet esprit français qui refuse la situation et est prêt à relever tous les défis, croyant encore en sa Providence. Il ne faut pas oublier que face au défaitisme et au traumatisme de cet guerre, les Français verront dans le fameux « panache » de Cyrano de Bergerac l’incarnation de l’esprit de la Nation mythifié qui se bat jusqu’au bout.

Enfin, ces deux batailles incarnent l’échec du pouvoir politique durant cette guerre qui ne réussit jamais à donner à ses hommes les moyens de la victoire. D’abord le pouvoir impérial qui s’élança « le cœur léger » mais si peu préparé et qui faillit en tout point ; ensuite le pouvoir républicain qui voulut mener une guerre patriotique alors que tout manquait.

La guerre franco-prussienne signe le début d’un conflit frontalier qui nourrira deux conflits mondiaux et synthétise déjà l’ensemble des maux français qui ne seront pas retenus en 1914 et 1940 : un pouvoir trop confiant, une absence de stratégie, l’attentisme, une maintenance défaillante, la croyance en une guerre courte.

Cette guerre est finalement assez méconnue car largement éclipsée par la victoire revancharde de la Première Guerre mondiale et par la défaite encore plus tragique de 1940. A certains égards, si la diplomatie de la France de Napoléon III avait été différente, cette guerre de 1870 aurait pu être le premier conflit mondial, à défaut son retentissement le sera.

En plus de la faillite de nos élites, de l’importance nationale et internationale de ce conflit, il ne faut pas oublier non plus que la guerre franco-prussienne marque un tournant dans la pratique de la guerre. En effet, les capacités de destruction ont été fortement décuplées. D’une part le fusil est plus précis et a une cadence accrue, d’autre part l’artillerie fait désormais des ravages immenses. Les pertes civiles sont massives, la cavalerie perd définitivement son importance stratégique et le feu s’abat sur les villes assiégées.

Ce conflit est un tournant majeur dans l’histoire contemporaine.

Les forces françaises tentent de mettre le feu à une maison, lors de la bataille de Villersexel, tableau d’Alphonse de Neuville, « Attaque d’une maison barricadée à Villersexel », vers 1875, Musée d’Orsay/RMN, dans Histoire générale de la guerre franco-allemande, Colonel Rousset, éditions Jules Tallandier, 1911 (Wikimedia Commons)

La Revue d’Histoire Militaire : Que faut-il retenir de ces deux affrontements ?

Christophe Lejeune : Les deux batailles sont menées par le général Charles-Denis Bourbaki. A la tête de l’Armée de l’Est, le général a reçu pour ordre du gouvernement de la Défense nationale de venir au secours de Denfert-Rochereau assiégé dans la citadelle de Belfort. Il faut bien voir que l’armée impériale n’existe plus depuis les capitulations de Sedan et de Metz. La République a décidé de continuer le combat à l’aide des troupes restantes et en levant rapidement le plus d’hommes possibles afin de constituer de nouveaux corps. L’armée à la tête de laquelle se trouve le général Bourbaki n’est donc déjà qu’un agrégat mal entrainé et démuni de soldats valeureux mais qui ne peuvent rivaliser avec les forces prussiennes. Pour la petite histoire, l’expression « armée de Bourbaki » est passée dans le langage militaire comme la désignation d’une troupe vétuste pour ne pas dire pire…

Malgré des conditions largement défavorables, le général Bourbaki réussit l’exploit de mener ses troupes à la victoire le 9 janvier 1871 en Haute-Saône à Villersexel. 20 000 soldats français vont livrer une bataille acharnée contre les troupes prussiennes et remporter une des rares victoires de la France durant cette guerre.

La journée débute très mal pourtant, nos troupes sont prises à revers sur l’Ognon par les Prussiens. La ville et son château tombent entre les mains ennemies à 13 heures. Mais les forces de l’Armée de l’Est suite à des combats héroïques finissent par reprendre la ville ; les Prussiens abandonnent le château en flammes vers 22 heures. Quelques heures plus tard, l’armée prussienne bat en retraite.

Cependant, l’Armée de l’Est en raison de problèmes de ravitaillement et de son épuisement est incapable de poursuivre l’ennemi. Le général Bourbaki décide de différer de quelques jours sa marche vers l’est afin que ses soldats reprennent des forces. Ces journées gagnées par l’armée prussienne lui permettent de se réorganiser et d’installer une ligne de défense puissante le long de la Lizaine aux portes d’Héricourt.  Ainsi lorsqu’au 15 janvier au matin l’Armée de l’Est s’apprête à mener une attaque de front contre les positions prussiennes sur la Lizaine, le désavantage français est criant. Nos soldats sont épuisés et dorment dans des bivouacs de fortune dans les bois alors que les nuits sont polaires, jusqu’à – 20 degrés. Face à eux les Prussiens ont réquisitionné les maisons locales et dorment au chaud. Ils sont par ailleurs placés derrière la Lizaine dont ils ont fait sauter les ponts et ont placé des « bouches à feu » dans les hauteurs. Pour le général Bourbaki, le plan d’attaque est de réussir à faire passer un de ses corps d’armée à travers les lignes ennemies afin de prendre à revers les assiégeants de la citadelle de Belfort. Malheureusement l’héroïsme et la bravoure de nos hommes ne seront pas récompensés par le même sort qu’à Villersexel. Après trois jours d’intenses combats aucune percée n’a été réussie et le général Bourbaki, la mort dans l’âme, annonce le repli de ses troupes. Cette décision acte aussi la perte de la citadelle de Belfort. L’Armée de l’Est débute alors une longue marche qui la mena jusqu’à l’internement en Suisse où 85 000 de ses hommes durent jeter leurs armes en passant la frontière avant de pouvoir rentrer en France. Énième événement tragique, face à cette débâcle, Bourbaki tenta de mettre fin à ses jours.

Les fantassins français chargent les positions prussiennes, lors d’un épisode de la bataille de la Lizaine. Tableau d’Alphonse de Neuville, « Le combat de Chenebier », 1884, huile sur toile Coll. Musées de Belfort (Photo : Thomas Bresson, Wikimedia Commons)

La Revue d’Histoire Militaire : Quelles ont été les conséquences de ces batailles sur la suite de la guerre ?

Christophe Lejeune : Les affrontements de janvier 1871 en Haute-Saône ne sont déjà plus stratégiques. Ultime offensive française, ces deux batailles, même si le dénouement avait été heureux, n’auraient pu changer le cours de l’Histoire scellé, je le rappelle, dès la capitulation de Sedan et de Metz. La lecture historique de l’offensive de l’Armée de l’Est est analysée de deux façons : d’une part comme une offensive inutile, désespérée, coûteuse en vies humaines qui aurait dû être évitée mais que l’obstination de Léon Gambetta à continuer la guerre a provoquée ; d’autre part, celle d’une offensive nécessaire car pertinente du point de vue stratégique, le plus grand mal français est alors le défaitisme et les soldats de Bourbaki ont démontré à Villersexel que l’armée prussienne n’était pas invincible. Pour ma part, je retiens l’héroïsme, la bravoure de ces soldats qui se battent pour notre patrie, notre terre en obéissant aux ordres de la République. Je salue le courage de ces hommes qui sous des températures polaires et dans le plus grand dénuement ont continué à avancer vers leur objectif. Au récit de cette offensive, nous ne pouvons qu’être admiratifs. C’est pour cela que la transmission de notre histoire, de ces mémoires est primordiale. Les habitants de la Haute-Saône se mobilisent beaucoup afin de faire vivre ce souvenir. Les classes des écoles de nos communes participent aux commémorations organisées par le Souvenir français. En 2015 une grande reconstitution de la bataille de Villersexel a d’ailleurs été organisée.

Malheureusement en ce 150ème anniversaire de ces batailles les commémorations ont été fortement diminuées mais nous avons tenu à rendre hommage à ces hommes en petit comité avec le Souvenir français. A jamais la Patrie et la Haute-Saône reconnaissantes.

L’année 2013 avait aussi été marquée par une reconstitution de la bataille de Villersexel, avec ici des fantassins français derrière une barricade sommaire (Guillaume Minaux, l’Est Républicain)

La Revue d’Histoire Militaire : Ces deux batailles ont eu lieu il y a un siècle et demi : l’une est une victoire tactique, l’autre une défaite qui met un terme à l’existence de l’Armée de l’Est. Pourquoi est-ce important selon vous de continuer à commémorer un conflit ancien, qui peut d’ailleurs sembler révolu actuellement ?

Gilbert Cuenin : Avant de répondre à votre question, je veux, concernant les deux batailles, remettre les faits à leur juste place.

Pour Villersexel, ce n’est pas une victoire tactique, mais un combat de rencontre remporté suite au défilement de l’adversaire après une journée de combat (en annexe l’historique de la bataille de Villersexel). Pour Héricourt, le bon terme est bataille de la Lizaine, cela aurait pu être une victoire. Pour cela, 1° : le Gal Bourbaki ne devait pas attendre sur place pendant trois jours. Il devait continuer sa marche en avant. 2° : le 16 janvier au soir, les divisions Cremer et Du Penhoat sont dans Frahier en position de prendre à revers les positions Allemandes. Ce qui aurait pu être fait le lendemain en utilisant deux divisions (Rebillard et Pallu de la Barrière) qui n’avait pas encore été engagées ? Mais on ne refait pas l’histoire.

Commémorer c’est rappeler le souvenir. Le souvenir d’un être cher, d’un évènement heureux, triste, particulier, exceptionnels, dans la vie familiale ou professionnelle. Au niveau d’un pays, d’une nation c’est rappeler son parcours historique, sa construction à travers les siècles. Ne dit-on pas que pour savoir où aller, il faut savoir d’où l’on vient ? Commémorer ce n’est pas que participer à une cérémonie devant un monument, une tombe, une stèle. C’est aussi favoriser les rencontres générationnelles, porter un témoignage surtout vers la jeune génération.

Au Souvenir Français, on résume par : « Transmettre le flambeau du souvenir, de la mémoire ». Commémorer la Guerre de 1870/71, c’est rappeler la souffrance d’hommes mobilisés, sans formation militaire, entrainés dans une guerre non préparée. C’est rappeler les conditions de vie, atmosphériques et les équipements dont ils étaient dotés. C’est rappeler la proclamation, le 4 septembre 1870, de la 3° République. République qui dura 70 ans, la plus longue de notre histoire, qui développa l’instruction publique, l’industrie, l’action sociale, etc. Commémorer ce conflit d’il y a 150 ans, c’est aussi expliquer que pour fonder l’Europe, on a fait trois guerres pendant les 75 premières années, au prix de trop nombreuses victimes. Et que depuis 75 ans, l’Europe s’est construite dans la paix des armes. D’ailleurs, dans l’histoire de France, 75 ans de paix c’est un record.

La Revue d’Histoire Militaire : Sur quoi portent d’ailleurs précisément les commémorations des batailles de Villersexel et d’Héricourt : la symbolique qui leur est rattachée ou leur réalité ?

Gilbert Cuenin : Contrairement aux autres années, en 2020/21, les commémorations en Haute Saône portent sur l’ensemble du département par une mise en valeur des divers combats, de la vie de la population pendant l’occupation allemande. Nous voulons, aussi, sortir de l’oubli la Garde National Mobile de la Haute Saône dont la participation des quatre bataillons mis sur pieds ont participé vaillamment à la défense de Belfort.

A Villersexel, avec la municipalité, les associations locales et le collège, nous avions prévu une exposition, une reconstitution des combats avec des figurants en uniforme de l’époque, l’inauguration d’une sépulture collective pour les « Mort pour la France » rendue aux famille et dont les tombe sont à l’abandon. Et bien sûr un moment de recueillement devant les deux sépultures collectives française et allemande, ainsi que sur les tombes individuelles de quatre officiers français et un Allemand. Nous n’avons pu conserver que les commémorations devant les sépultures et en petit comité, mais en présence des élus locaux et du député, M. Lejeune. A Héricourt, au sein d’un groupe de travail, un projet d’exposition et une conférence étaient en gestation, auxquels nous ajoutions, comme à l’accoutumé, les cérémonies de recueillement devant les sépultures collectives françaises d’Héricourt et de Chenebier en lien avec les établissements scolaires locaux.

La symbolique à Villersexel est surtout marquée par :

  • Le château de Gramont, qui, totalement détruit par le feu, ne put être reconstruit qu’au tiers de sa grandeur d’origine ;
  • Le monument aux morts de la commune, qui a évolué au fil des conflits, a pour origine un hommage à l’Armée de l’Est ;
  • Oublié, dans une clairière en bordure de route, un monument élevé à la mémoire des mobiles des Pyrénées Orientales.

A Héricourt, la symbolique est plus marquée par la forte émigration alsacienne à l’origine de l’expansion économique issue du conflit. La construction de forts «Séré de Rivière », d’une caserne ont contribué à maintenir la mémoire 1870/71.


La cérémonie de la bataille de Villersexel cette année

La Revue d’Histoire Militaire : A quand remontent ces commémorations et qui y participe ? Quelles formes prenaient-elles avant le cadre exceptionnel provoqué par l’épidémie de Covid ?

Gilbert Cuenin : A Villersexel, les commémorations spécifiques 1870/71, n’ont lieu que lors des dates anniversaires (75, 100, 125, 150ième). Le 1er novembre de chaque année, le comité local du Souvenir Français, en lien avec la municipalité et l’association des Anciens Combattants, organise une cérémonie avec fleurissement des sépultures françaises et allemandes Pour la Lizaine, à Chenebier le 15, et Héricourt le 16, depuis une vingtaine d’année, le comité du Souvenir Français local organise une cérémonie avec la participation des classes CM1/CM2 de ces communes devant la sépulture collective des combattants de 1871. Ces cérémonies sont précédées par une intervention en classe, afin que les enfants soient des acteurs dans la cérémonie.

Les participants sont traditionnellement les élus locaux, départementaux, etc…, les anciens combattants, les membres du comité du Souvenir Français, les pompiers, les gendarmes, un peu de population âgée, très peu de jeunes, et quelques fois les représentants des corps de l’Etat. Lorsqu’il y a des enfants « actifs » dans la cérémonie, il y a de jeunes parents en plus grand nombre.

La Revue d’Histoire Militaire : Comment sont accueillies les commémorations dans la région ? A qui sont destinés ces évènements ?

Gilbert Cuenin : Les 14 journées commémoratives nationales, auxquelles il faut ajouter les cérémonies locales (libération, exécution, bombardement, etc..), sont destinées à l’ensemble des citoyens français. Les commémorations « principales » (8 mai, 11 novembre et certaines très locales) sont bien accueillies par la population. Les autres sont réalisées dans l’indifférence. Pourquoi ? Trop nombreuse ? Manque d’information ? Ou de formation ?

La Revue d’Histoire Militaire : Peut-on parler d’un attachement de la population locale à ces hommages ? Y a-t-il eu, par exemple, des réactions au déplacement du Monument des Cosaques à cause de la construction de la Ligne à Grande Vitesse (LGV) en 2006 ?

Les plus de 50 ans semblent plus attachés à ces hommages. Lorsque des enfants sont acteurs, les parents sont présents et pour certains découvrent l’intérieur d’une cérémonie. Mais dire qu’ils y sont attachés serait un bien grand mot. Les ados ont, hélas, d’autres préoccupations. C’est une histoire de formation, d’éducation ? Le déplacement du Monument des Cosaques n’a pas posé de problème dès l’instant où il n’était pas supprimé, que la LVG réglait la note et que le terrain communal proposé par la Mairie ne crée pas de problème aux voisins. En règle générale, lorsque l’on déplace un Monument aux Morts, ce sont les anciens combattants ou les futurs riverains qui opposent une résistance active.

La Revue d’Histoire Militaire : En parlant de local, demeure-t-il des traces concrètes de ces deux affrontements ?

Gilbert Cuenin Non, il n’y a plus de traces visibles sur le terrain. Il n’y a pas eu de tranchées de creusées, ni de pièces embossées, donc pas de gros mouvement de terre déplacée. Hormis les monuments, sépultures dans les cimetières, deux ou trois stèles éparses dans les bois, et quelques noms de lieux-dits (par exemple à Montbéliard : les Batteries du Parc), il n’y a plus de traces.

La Revue d’Histoire Militaire : Y a-t-il d’ailleurs une implication des Forces Armées dans ces commémorations ? Si oui, Sous quelle(s) forme(s) ? Nous pensons particulièrement au 92ième régiment d’infanterie, qui était présent lors de la bataille et existe toujours.

Gilbert Cuenin : Non, il n’y a pas d’implication des Forces Armées dans ces commémorations. En Haute Saône, nous n’avons plus que la BA116. Le Chef de corps de celle-ci est Délégué Militaire pour le département et Commandant de la Base de Défense Luxeuil-Epinal. Au titre de DMD, il fournit un détachement en armes aux cérémonies « essentielles » organisées par la Préfecture à Vesoul. Il n’a pas les moyens humains, matériels et financiers pour assumer plus d’implication dans les cérémonies. Les unités de l’Armée de Terre implantées à Belfort, ou dans le Doubs, sont suffisamment sollicitées par les communes, associations de ces départements pour répondre à nos demandes éventuelles. D’ailleurs, elles ont les mêmes problèmes que la BA116. Je ne pense pas, au vu des coûts, des moyens et de la disponibilité, que le 92ième réponde favorablement à une demande. Effectivement, le 16 janvier, le 92ième de Ligne de la division du Penhoat était de ceux qui ont bousculé les Allemands à Frahier. Ils auraient pu le 17 prendre à revers le front allemand.

La Revue d’Histoire Militaire : Quelles sont vos attentes pour ces commémorations, plus particulièrement concernant la bataille d’Héricourt, celles de Villersexel ayant déjà eu lieu ? Ont-elles un sens particulier compte tenu du contexte sanitaire actuel ?

Gilbert Cuenin Le Souvenir Français, né officiellement en 1887, est issu de la Guerre Franco-Prussienne de 1870/71. C’est donc aussi un peu son anniversaire. Etant à l’origine des monuments aux morts, dès après 1871, du Soldat Inconnu, du titre de Mort pour la France, ses attentes pour ces commémorations particulières, c’est la présence, la participation, la prise en compte par nos contemporains de ce Devoir de Mémoire. Qu’ils aient conscience que la connaissance du passé éclaire le présent pour préparer l’avenir.

 Le contexte sanitaire actuel est très dommageable pour les relations humaines. Si nous n’y prenons garde, nous allons devenir des asociaux. Aussi, dans le respect des règles sanitaires et des convictions de chacun, nous réalisons au coup par coup des cérémonies, certes en petite assistance, mais qui nous permettent de proroger les relations humaines et de continuer nos missions :

  • Conserver la mémoire de ceux et celles qui sont morts pour la France au cours de son histoire ;
  • De transmettre le flambeau du souvenir aux générations successives.

A nous le Souvenir, A eux l’immortalité

Logo de l’association Le Souvenir Français

Nous remercions Monsieur le député Christophe Lejeune pour le temps qu’il a bien souhaité nous accorder et pour ses réponses éclairantes. Nous tenions aussi à remercier Naël Madi, collaborateur de monsieur Lejeune, pour sa disponibilité, sa réactivité et son aide ainsi que Gilbert Cuenin, Délégué Général de l’association Le Souvenir Français.

Propos recueillis par Cyril Blanchard, Joffrey Rogel et Marine Bignon.

LA REVUE D’HISTOIRE MILITAIRE

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