Ces Acteurs de notre LIBERTE qui peu à peu s’éteignent……. 

En cette fin d’année 2020, ils disparaissent les acteurs de notre Liberté, connus ou anonymes, la page de leur histoire se tourne définitivement.

Inlassablement, ils ont témoigné pour ce qu’aujourd’hui nous appelons le Devoir de Mémoire

Ce devoir de Mémoire, ils n’ont pas attendu que lettres administratives, circulaires, messages des plus hautes Autorités incitent les citoyens à le transmettre aux générations nouvelles

Bernard BOUVERET est un des leurs !

Humble, authentique, il a dit avec ses mots les actions héroïques, l’horreur des camps et la vie qui reprend. Gisèle Tuaillon-Nass lui rend hommage dans le livre « le rendez-vous des Sages » l’histoire d’un passeur résistant……. Elle lira les dernières lignes de ce livre lors de ses obsèques en novembre dernier.

Marie France adhérente sympathisante nous suit au fil des semaines et c’est elle qui nous a fait connaître ce destin hors du commun !

La maison natale de Bernard Bouveret

https://www.francebleu.fr/infos/societe/bernard-bouveret-92-ans-passait-des-familles-juives-entieres-1493998597

« Le Rendez-Vous des Sages », dernières pages…

 Hommage à Bernard en ce 10 novembre 2020

 …  « Ni héroïsme, ni vertu particulière, ni bravoure exceptionnelle, ce n’est pas cela qu’il met en avant lorsqu’il parle de sa vie. Ce ne sont pas non plus les décorations reçues qui le troublent : Chevalier puis Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Combattant Volontaire et Croix de la Résistance, Médaille des déportés, Reconnaissance de Yad Vashem. Rien de tout cela pour lui faire enfler la tête !

 Il dit simplement qu’il a « bien vécu ».

    Et cela veut dire pour lui qu’il a fait beaucoup de choses, fréquenté beaucoup de gens, vécu des moments tellement divers, tragiques ou heureux, des situations tellement extrêmes…

    Oui, il a aimé sa vie, dit-il souvent. Quelle qu’elle fût !

    Et elle fut loin d’être facile, précise-t-il toujours en rappelant la mère trop vite partie, la guerre, la peur, le camp ; et puis, ce trop de mort autour de lui, ces trop de morts qui ont creusé de trop grands trous ; et puis encore tout le reste : se débrouiller à vivre au jour le jour, devoir quitter le coin qu’on aime et ceux qu’on aime. Et voir aussi tant de méchanceté et de bêtise ramper partout…

   Cependant ne s’arrête jamais à ce tour sombre de sa vie. Ajoute vite que, malgré tout, il a eu beaucoup de chance. Une chance dit-il qu’il a parfois un peu provoquée quand même parce qu’il a toujours « osé » ! Reconnaît qu’il a osé entreprendre et continuer d’avancer alors que tout semblait perdu ou bien barrait sa route ; a osé affronter les difficultés en refusant de baisser les bras ; a osé se défendre quand la bêtise et l’injustice semblaient insurmontables…. 

  « C’est comme ça qu’on force un peu le destin de temps en temps ! » dit-il en souriant.

   Et puis, ne pas oublier ce goût de la liberté acquis depuis son enfance au pied du Risoux. Un goût de vie et d’indépendance qui ne l’a jamais quitté, dit-il, et qu’il s’applique toujours à cultiver.

 

   C’est pour tout cela qu’il peut dire avoir « bien vécu » ! Comme s’il avait goûté à plusieurs vies en acceptant pleinement que chacune d’elles lui offre sa part de réussites et de plaisirs, mais aussi sa part de peines, de déboires et de grandes douleurs.

 

     Et tandis que, dans l’odeur des sapins, nous gravissons par le chemin qu’il connaît si bien, la pente menant au « Rendez-Vous des Sages », il me dit que c’est tout cela qui fait la vie. Même quand elle est atroce à vivre. Que les images de Dachau, il ne les a jamais ressorties de sa mémoire pour les ressasser, pour qu’elles agitent en lui quelque chose de morbide, de haineux ou de désespérant. Ce n’est qu’un « passage douloureux » qu’il a vécu. Veut le voir ainsi. Comme un moment où il aurait entrevu que l’essentiel était de vivre. Que ce temps-là fût compté et qu’il ne fallait pas se le faire voler par ceux qui cultivent la haine de la vie.

    C’est pour cela, dit-il, qu’il parle parfois de ce temps d’horreur. Pour qu’on se souvienne et qu’on ne laisse pas quelques assoiffés de pouvoir et de gloire, détruire la vie et la liberté pour mieux asseoir leur tyrannie. Ne pas laisser le passé être effacé : c’est un devoir. Il le dit. Précise que c’est écrit sur la Reconnaissance de Yad Vashem qu’il a reçue en remerciements de son aide aux Juifs passés en Suisse : « Se souvenir du passé pour forger l’avenir ».

    C’est cela qui compte dit-il. Que l’on témoigne encore pour dire ce que des hommes ont pu infliger à d’autres hommes. Pour qu’on sache bien que cet enfer a existé et que la haine instrumentalisée, quand elle déferle, n’a plus de limite et dégénère en violence destructrice. Etre vigilant à ne pas la laisser s’installer et croître, même dans de tous petits espaces du quotidien où elle pourrait se nicher.

    Et il conclut que ça peut pousser très vite, ce genre de graine-là…

 Assis sur une marche de cette cabane forestière qui, tant de fois, lui a servi de halte ou de relais dans ses « passages », il est silencieux. Emu. C’est un temps de sa vie qui est là, au « Rendez-vous des Sages ». Le temps de ses vingt ans. Avec tous les amis qu’il avait autour de lui : Achille et Popol, Gilbert et Fred, Paul aussi, et puis Misette et d’autres encore.

 Un autre passage de sa vie que celui-là ! Un passage qui a compté et dont je suppose, à présent que son regard s’en est allé vers un lointain que je devine, qu’il voit défiler en lui, rien que pour lui, les images qui s’y rapportent. Comme celles d’un film où il était. Le film de l’une de ses vies …

 Et soudain, un sourire éclaire son visage et, dans la douceur de ce jour d’automne où la brise ose à peine effleurer les pives des sapins et les faines des hêtres, il dit doucement, comme s’il ne voulait pas troubler la profondeur indéfinissable de l’instant :

       On est bien par ici, n’est-ce pas ?

                                                                              C’était en Novembre 2009

… Aujourd’hui, ce Sage s’en est allé, ses Rendez-Vous vont nous manquer… »

Le 10 novembre 2020 

Hommage à Bernard.

 Bien à vous toutes et tous

Gisèle

 

 

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