Robert  QUINT

Je m’appelle Robert Quint. Je suis né à La Blanche le 5 juillet 1925.

Je suis entré à l’école à l’âge de 4 ans, en 1929 et j’y suis resté jusqu’en 1936. Ensuite, j’ai travaillé pour l’Etat (NDT : à 10 ans ????), à la SNCF jusqu’en 1942. En 1939, les Allemands nous ont envahis et furent rapidement dans tout le pays, même à la campagne. Ça ne me plaisait pas de voir autant d’Allemands partout. Ils étaient dans les écoles, les boutiques, les maisons. Je voyais des juifs se faire déporter. Je ne supportais pas de voir ça, des gens parqués comme des bêtes dans des trains. C’en était trop pour moi, alors j’ai décidé d’entrer en résistance.

Il était interdit d’écouter la radio. On était sous couvre-feu et tout était fermé la nuit. Ils publiaient des photos de ceux qu’ils avaient exécutés dans le but de créer une atmosphère de terreur. Mais je m’en fichais, j’écoutais quand même la radio. Les nouvelles de Londres et du général De Gaulle, les nouvelles de la Résistance.

Ils nous donnaient des tickets de rationnement pour la nourriture, et parfois c’était de faux tickets. Les gens étaient affamés. Je voulais me battre contre ça. Mais nous devions faire très attention parce que la police française n’avait pas d’autre choix que de collaborer avec les Allemands. C’était très dangereux pour nous.

Les Allemands se servaient de nos trains pour envoyer des marchandises. Ma tâche pour la Résistance était de travailler très lentement, et de faire des erreurs : sabotage. Nous avions des fiches de pointage et je les brûlais. Puis nous en faisions des fausses pour nous, pour qu’ils pensent que nous travaillions plus qu’en réalité. Une fois, nous avons voulu hisser le drapeau français sur le toit de la gare centrale. J’étais le plus mince de toute l’équipe alors je suis monté sur le toit, mais ils m’ont vu et nous avons dû nous enfuir.

Le Président de la SNCF fut tué par les Allemands le 13 mars 1942. Ça a motivé certains employés pour entrer en résistance. Ce que je faisais le plus, c’était saboter des trains ou voler du matériel de réparation. Je faisais ça seul. Le groupe de résistance n’était là que pour s’assurer que ça se passe sans accroc. Mais il faut que je dise la vérité ici : pour moi, c’était normal de faire ça. Ce n’était pas pour être un héros, mais juste un désir de retour à la normalité. Il y avait chaque jour de petites actions, des petits problèmes créés sur chaque train à Paris. Par exemple, nous montions une vieille pièce sur un train pour l’immobiliser pendant plusieurs semaines. Tout était bon pour ralentir les Allemands et les priver de ressources. Certains avaient de véritables collections de pièces de trains chez eux. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas être pris.

La gare fut le premier endroit que les Américains bombardèrent pour anéantir les voies de transport en 1942. Quand les Allemands se sont retirés en janvier 1945, la SNCF a réparé le réseau ferroviaire en 2 semaines environ. Mais cette fois, c’était pour aider à la progression des forces américaines, britanniques et françaises.

En mai, la guerre s’est terminée. J’ai essayé de devenir pilote dans l’armée. C’était ma passion à cause de tout ce temps passé à regarder les avions. On m’a refusé : trop faible, trop petit, à cause de la malnutrition pendant la guerre. Alors j’ai commencé à vivre. Il y avait la Liberté. J’allais dans les bars, je dansais, je jouais au football. On a ressenti ça comme une seconde naissance, quand les Allemands ont quitté la France. Après ça, j’ai eu une magnifique jeunesse. Plus tard, j’ai rencontré ma merveilleuse épouse et j’ai fait ma vie ici, à La Blanche – maintenant je suis heureux. Je vis dans cette même maison depuis 1931.

 

Sources : revue Histoire. site internet.

Traduit de l’Anglais par Tristan PASSEPONT.

Sasha MASLOV ukrainien vivant aux USA et photographe de profession a parcouru plus de 20 pays de 2010 à 2014 pour recueillir les témoignages, dont celui-ci, de témoins survivants de la guerre 39/40, majoritairement disparus à ce jour.

            

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