Emmanuel Macron présidait, lundi, une réception en hommage aux anciens combattants algériens pour y annoncer la création d’un fonds et d’une loi, selon « L’Opinion ».
Par Le Point.fr, avec AFP
Publié le 20/09/2021 à 08h20 – Modifié le 20/09/2021 à 14h34
Tous les 25 septembre, depuis 2003, est célébrée la Journée nationale d’hommage aux harkis, ces anciens combattants algériens recrutés comme auxiliaires de l’armée française lors de la guerre d’Algérie. Mais ce lundi 20 septembre, à sept mois de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron a décidé de prendre quelque peu les devants en présidant une réception leur rendant hommage, et dont l’objectif est de « franchir un nouveau pas » vers la reconnaissance de la responsabilité de l’État dans les souffrances de ces anciens combattants. « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance ; nous n’oublierons pas. Je demande pardon, nous n’oublierons pas », a déclaré le président de la République, lors de cette réception à la mémoire des harkis. La France « a manqué à ses devoirs envers les harkis, leurs femmes, leurs enfants », a aussi jugé le chef de l’État.
En début de matinée lundi, L’Opinion rapportait que le président de la République annoncerait, lors de cette cérémonie, la création d’un fonds de réparation, doté de 300 millions d’euros, ainsi qu’un projet de loi dans lequel la nation reconnaît les préjudices subis par ces individus, pour partie rapatriés d’Algérie avec leurs familles à la fin de la guerre. Le gouvernement « portera avant la fin de l’année un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis », a ainsi confirmé le président lors de cette cérémonie d’hommage.
Cérémonie à l’Élysée à laquelle ont été invitées quelque 300 personnes : des harkis, désormais très âgés, 60 ans après la fin du conflit, mais aussi leurs descendants, des responsables d’associations et des personnalités. « Vous portez dans votre chair le souvenir des harkis. L’honneur des harkis doit être gravé dans la mémoire nationale », a par ailleurs expliqué le chef de l’État pendant sa prise de parole en appelant à « panser les plaies » qui doivent être « fermées par des paroles de vérité, gestes de mémoire et actes de justice ».
Le rapport Stora, l’élément déclencheur
Un proche du dossier confiait au quotidien que le chef de l’État entendait ainsi « frapper très fort ». « La séquence de lundi est préparée depuis des mois en toute discrétion par les conseillers élyséens, de Bruno Roger-Petit, conseiller mémoire, à Cécile Renault, chargée du projet mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie à l’Élysée », précisait-elle également. La remise en janvier dernier du rapport Stora, portant sur la mémoire de la colonisation française et de la guerre d’Algérie, aurait été l’un des éléments ayant poussé la présidence à prendre ces mesures.
Car les représentants de cette communauté réclament depuis des années un texte de loi reconnaissant ce que ces anciens combattants ont subi à la fin de la guerre d’indépendance, ainsi que des réparations. En mai dernier, le président de la République avait reçu plusieurs défenseurs de la cause lors d’une réunion pendant laquelle le rapport Stora avait déjà été évoqué. Auprès de l’Opinion, ce même proche du dossier expliquait que « le chef de l’État a été très touché par ce qu’il a entendu ce jour-là sur ce drame […] Il a donc voulu que la France tourne la page alors [que] la grande majorité des Français considèrent que cette communauté a été victime d’une profonde injustice de la République. »
À l’issue de la guerre d’Algérie, une partie des harkis, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie. Plusieurs dizaines de milliers d’autres, souvent accompagnés de femmes et d’enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des « camps de transit et de reclassement » aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes. « L’histoire des harkis, c’est une histoire de Français et c’est l’histoire des Français ; c’est dans cet état d’esprit qu’il faut aborder ce nouveau chapitre », selon la présidence.
La République française doit « sortir d’une ambiguïté mémorielle »
Le texte de loi annoncé par Emmanuel Macron a pu être consulté par le quotidien. Il porte « reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français ». Si ce projet de loi est adopté, il permettra alors de déterminer les conditions de l’application du droit des harkis et de leurs descendants à la réparation. Le quotidien précise qu’une commission sera alors mise en place, dépendant de l’Office national des anciens combattants, afin de statuer sur les demandes de réparation.
Selon cette même source proche du dossier, « il est temps pour la République française de sortir d’une ambiguïté mémorielle qui a oscillé depuis soixante ans entre non-dits et, parfois même, perçus par les harkis et par d’autres qui sont sensibles à leur cause comme un déni ». Outre ces anciens combattants, le chef de l’État a décidé que cette initiative concernerait également les centaines de milliers de descendants des harkis. « La grande majorité de nos compatriotes pensent que le lâchage des harkis, même si certaines personnalités se sont battues dans l’administration pour leurs droits, est une tache noire dans l’histoire de France », justifie cette même source élyséenne.
Un enjeu politique à sept mois de l’élection présidentielle
Lundi, au cours de la réception, le président décore Salah Abdelkrim, un représentant harki blessé au combat, un officier français, le général François Meyer, qui a organisé le rapatriement « de plusieurs centaines de harkis en désobéissant aux ordres », et une fille de harki, Bornia Tarall, « militante de l’égalité des chances et de la diversité ». Après avoir pris différentes initiatives (sur Maurice Audin, l’ouverture des archives ou l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel…), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d’ici la fin du quinquennat : la répression par la police française d’une manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.
Et le timing de l’ensemble de ces annonces n’est certainement pas anodin. L’élection présidentielle d’avril 2022 approche à grands pas, et avec, la nécessité de courtiser les possibles votants. Les harkis représentent un électorat que la droite et l’extrême droite vont traditionnellement chercher. Mais cette fois-ci, la majorité entend bien leur couper l’herbe sous le pied. Auprès de l’Opinion, la source élyséenne conclut : « C’est un enjeu politique important à sept mois d’une présidentielle alors que personne n’imagine que le président Macron ne sera pas candidat. »
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