Yvette LEVY

Lors de la remise du prix de la résistance et de la déportation , mai 2006 (photo B Lévy)
Fille de parents juifs alsaciens (mariés en 1920/21), Lazare et Mathilde DREYFUS, Yvette voit le jour le 21 juin 1926 à Paris (11ème) où sa famille s’est installée, 67 rue de la Roquette. Elle a 2 frères Simon, l’ainé et Claude le cadet.
Le père, qui a fait la guerre 14/18 et y a été blessé, travaille en 1936 aux Grands Moulins de Paris (13ème) et la mère s’occupe du foyer. A la rentrée scolaire 1938/39 la famille déménage pour un appartement plus grand, plus confortable à Noisy le Sec (Seine Saint-Denis/ Ile de France), rue Joséphine.

la jeune Yvette
Mai -juin 1940 : survient l’exode, la famille et la grand-mère maternelle, 75 ans, arrivée récemment, part dans les camions de farine aménagés avec sièges pour une douzaine de personnes, vers Bordeaux. Mais en panne d’essence le convoi s’arrête à Orléans, où il est impossible de se ravitailler. La famille DREYFUS prend la décision de continuer à pied jusqu’à trouver une autre solution.
Beaucoup trop de troupes allemandes et les raids de la Luftwaffe, les obligent à un arrêt dans le village de Mosnes (Indre et Loire) où on les invite à se rendre au château de Thomeaux, situé à proximité. Ils se reposeront sur la paille des écuries. Puis le maire leur indique une maison abandonnée par ses occupants, partis eux aussi vers Bordeaux.
Mais au bout de 3 jours, beaucoup de mouvements de troupes et une colonne allemande arrivant, la famille juge plus prudent de partir et de revenir à Paris. Le boucher du village les mènera à la gare de Tours. Et donc retour à Noisy le Sec, malgré l’incertitude de sécurité.
Hélas, Vichy proclame les lois sur les statuts des juifs (3 octobre 1940), dont l’obligation de porter l’étoile jaune. Le père va au commissariat les récupérer en payant ! !
Yvette, va parfois, écouter « Radio Londres » chez sa voisine Melle Robin, les juifs ayant eu leur poste de radio confisqué.
A 6 ans elle entre, section « petites ailes », aux EIF (Eclaireurs Israélites de France) situés à la synagogue rue des Tournelles ( 3ème et 4ème arrdt). Son frère Simon y étant déjà. Par la suite elle y sera monitrice. En 1942, à 16 ans avec son frère Simon elle participera au sauvetage d’enfants juifs. En effet après la rafle du Vél d’Hiv, (16/17 juillet 1942) nombre d’enfants, se retrouvent seuls. Ils vont aller rue de la Roquette (11ème) et maison par maison ils récupéreront ces pauvres créatures dont les parents ont été arrêtés 2 jours auparavant. Ils les confieront à l’orphelinat de Rothschild, proche du sacré cœur, 15 rue de Lambardie (12ème).
Simon va au lycée à Paris, Yvette et Claude à l’école primaire, rue Keller, de Noisy le Sec leur lieu de résidence. Elle a des camarades polonaises et espagnoles. La maîtresse d’Yvette est particulièrement désagréable avec elle vu ses origines juives, les parents iront en parler au directeur de l’école. Son certificat d’études lui vaudra comme récompense une sortie à la mer, elle ne s’est pas baignée, n’ayant pas les vêtements appropriés.
Puis ce sera en 1942, le Cours Complémentaire (l’ancêtre du collège), où le même phénomène se reproduit, à savoir que la professeur de sciences l’ignorait et ne corrigeait même pas ses devoirs. Elle partira de cet établissement pour un cours privé de secrétariat chez Mme Miette, qui lui a même cousu son étoile jaune.
Simon entre dans la résistance, puis rejoindra la 2ème DB.
La vie suit son cours jusqu’en avril 1944, où dans la nuit du 18 au 19 les bombardements alliés de plus de 150 avions affectent leur maison, avertis les parents s’étaient réfugiés dans un abri d’une autre demeure, 21 boulevard de la République tandis qu’Yvette et ses frères étaient descendus dans leur cave.
Après cela, ils vont aller loger chez la tante Jeanne (résidant, elle rue de la Roquette) dans un de ses appartements au 89 rue Lamarck (18ème). Les garçons iront dormir à la synagogue rue Montévidéo (16ème) et Yvette au foyer de jeunes filles de l’UGIF.
La malchance ne s’arrête pas là car dans la nuit du 21 au 22 juillet la police, sur ordre de Aloïs Brunner(1) intervient au n° 9 de la rue Vauquelin à Paris (5ème) où se situe la maison de l’UGIF. Les 25 occupants sont arrêtés, dont Yvette, 17 ans.
La directrice du camp demande l’autorisation, d’aller récupérer les affaires des filles, un policier l’accompagne rue Vauquelin mais découvre le cahier des présences à ce foyer. Il l’emporte donc, le consulte puis remarque qu’Yvette n’y figure pas. Normal, car elle n’était que bénévole et ne faisait que de brefs passages dans cette institution.
Direction Drancy pour 10 jours. Interrogée plusieurs fois, Yvette indique que ses parents ont été tués lors du bombardement, ce qui leur a probablement sauvé la vie. Le 31 juillet ce sera le départ depuis Bobigny du convoi n° 77, de 1306 personnes (dont 300 enfants de moins de 16 ans) vers le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz-Birkenau (Pologne), après 53 h de train, en wagons à bestiaux et des conditions d’hygiène déplorables.
Arrivée sur site : les portes s’ouvrent, les détenus descendent. Répartis sur la file de gauche (la bonne, sélection pour le travail) ou de droite (inapte donc fin de vie, four crématoire). Puis, arrive la séance de déshabillage pour douche, nouvelle tenue et l’étape finale le tatouage : n° A-16696 pour Yvette. Elle sera soumise à quelques travaux dans ce camp, transports de briques ou de pierres.
Le mois suivant, le 27 octobre, elle est affectée au camp de Gross-Rosen (2) (Basse Silésie, Pologne), mais il faut aller travailler à pied, une heure de marche dans des conditions hivernales épouvantables à Kratzau (Chrastava en Tchécoslovaque), annexe du camp de détention, qui est une fabrique d’armements, munitions ou pièces mécaniques. Elle est au moins protégée du froid extérieur.
La nuit les femmes sont dans un dortoir, avec un lit de 80 cm pour deux. Puis un beau matin, je le qualifie ainsi et pour cause, un grand silence se fait. Cela est inquiétant, bizarre, anormal voire surréaliste. On risque un œil dehors, puis deux et ô surprise il n’y a plus de soldats ni de SS dans le camp d’où l’origine de ce silence.
Yvette est libérée le 9 mai 1945 par les troupes soviétiques. Déception et peur : on ne nous donne rien pour calmer notre faim. Pas de réception par la Croix Rouge. Il en sera de même quand, transportées dans les camions de l’Armée rouge, nous serons remises à l’armée US. Nous rentrons par nos propres moyens, au hasard des opportunités rencontrées. Un train est mis à notre disposition jusqu’à Francfort. Un changement et nous arrivons à Longuyon (Meurthe et Moselle) proche de la frontière. Là nous serons enfin accueillies par la Croix Rouge.
Nous rejoignons Paris, le 18 mai, avec comme point de chute obligé, l’hôtel Lutetia 45 boulevard Raspail Paris (6ème), pour accueil administratif, recherche parents etc. Ma mère, avertie, vient me chercher et ne me reconnait pas tout de suite, j’ai perdu 30 kg, moi-même j’ai également quelques difficultés à l’identifier.
(Sans doute que votre réaction aurait été identique !)
Yvette partira se refaire une santé chez sa tante Marguerite à Struth, près de Saverne (Bas-Rhin/Grand-Est). En 3 mois elle reprendra 20 kg. Elle revient à Noisy le Sec en 1948, où la famille a repris possession de sa maison.
Ses étapes professionnelles : secrétaire-dactylo en 1948, vendeuse dans un magasin du 16ème pendant une vingtaine d’années. Se fera embaucher dans un magasin de luxe « A la ville du Puy » pendant encore 18 ans.
Elle épouse Robert Lévy, qui a échappé au STO en se cachant en 43/44, avec Yves Montand dans la villa du bel Air, porte dorée à Paris (12ème). Le couple aura une fille, elle-même ensuite, mère de deux garçons.
Robert, le mari d’Yvette, décède en 1983.
Elle va s’impliquer, à partir de 1980, dans la transmission de son vécu auprès des établissements scolaires.

devant un auditoire scolaire
Distinctions : Médaille des Anciens Combattants 1995.
Croix du Combattant volontaire.
Médaille de Reconnaissance de la Nation
Officier Légion d’Honneur en 2012.
Palmes Académiques (plus de 200 voyages scolaires à Auschwitz).
Commandeur de l’Ordre National du Mérite, 2019 par ministre Education Nationale.
Notes :
1°) Commandant du camp de Drancy et responsable de crimes de guerre, de la solution finale et, après-guerre, ! ! conseiller d’Hafez el-Assad en Syrie.
2°) Y furent internés entre autres : Claude Malraux, frère d’André et Léon LEWKOWICZ champion de France d’haltérophilie et porteur de la flamme olympique en 2024 à 94 ans.
Sources : divers sites internet, dont celui de Véronique CHEMLA, département Seine-Saint-Denis, etc. (photos R.Levy)
NDLR : « Madame Yvette LEVY compte sur les enseignants, guides ou assimilés pour transmettre, maintenir et nourrir cette mémoire. Ce serait un acte militant. L’école doit être un relais vers les nouvelles générations. ».
En cette période actuelle, il est important que son vœu soit entendu, mais par expérience récente négative avec certains enseignants peu motivés, je n’en suis pas persuadé.
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