80 ans après jour pour jour, nous sommes réunis devant le monument et les poteaux des Fusillés sur l’Esplanade Denise LORACH où se situe le musée de la Résistance, au sommet de la citadelle de Besançon.
Un hommage que vous pourrez découvrir en parcourant les articles de presse de l’Est républicain du 28 janvier, mais aussi au travers du discours Marc DAHAN.
A l’intérieur de la chapelle ce sont les voix des élèves qui ont relaté l’indicible horreur de ce qu’ont vécu les déportés, suivi du chant de Nathalie WEKSLER fille de Déportée.
Ce chant a retenti dans un silence pesant, suivi quelques minutes plus tard d’une salve d’applaudissements de la foule nombreuse que la petite chapelle avait pu contenir.

– mardi 28 janvier 2025 L’Est Républicain
Doubs
BESANÇON

<< La civilisation ne protège pas de l’horreur>>, met en garde le préfet Rémi Bastille

 

 

Le préfet Rémi Bastille a lu le message de Patricia Mirallès. ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants Photo Arnaud Castagné

Devant les poteaux sur lesquels ont été fusillés 100 résistants entre 1941 et 1944, le préfet Rémi Bastille a lu le message de Patricia Mirallès , ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, à l’occasion des 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz. Le 27 janvier 1945, vers 15 h, les soldats de l’armée rouge découvrent l’horreur nazie. 7 000 survivants, malades pour la plupart. 175 hectares. 300 baraquements qui ont accueilli, au plus fort de l’activité du camp, 200 000 prisonniers.
« La plaie que les nazis ont ouverte sur les terres violentées et torturées de Pologne ne doit ni se refermer, ni même cicatriser dans la conscience des hommes. Elle doit rester vive au cœur de chaque esprit. Le « plus jamais » que nous impose la Shoah est un impératif catégorique.
Nous devons veiller à son respect avec vigilance et persévérance. Alors aujourd’hui, 80 ans après la découverte d’une horreur qui redéfinit l’horreur même, la République affirme qu’elle ne cédera rien à l’antisémitisme, rien au racisme. Elle ne cédera rien à la haine, sous toutes ses formes. Qu’elle s’affiche au grand jour ou qu’elle soit nourrie dans l’ombre, ou l’anonymat des réseaux sociaux », a lu Rémi Bastille.

« La science ou le progrès n’ont pas empêché la destruction méthodique du corps des juifs »
« Commémorer les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz aujourd’hui, c’est savoir que les morts nous écoutent. C’est rendre hommage aux innocents qui ont subi souffrances et tortures dans les camps. C’est accomplir notre devoir de préservation du témoignage historique des crimes qui ont été perpétrés. Et c’est enfin rester fidèle à ce vers d’avertissement de Paul Éluard : « si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons » ».
Le préfet, à travers le message de la ministre, a rappelé l’importance de l’enseignement de la Shoah, de son histoire, le travail de mémoire et l’éducation « qui sont les plus puissants antidotes au virus ». « Nous ne devons pas oublier que le monde n’a pas su, ou n’a pas voulu voir, ce qui était à l’œuvre au bout de ces interminables lignes de chemin de fer qui meurtrissaient l’Europe. Nous ne devons pas oublier que la science ou le progrès n’ont pas empêché la destruction méthodique du corps des juifs. C’est aussi la preuve que la civilisation ne protège pas de l’horreur. Lorsqu’elle est abreuvée de ressentiment et de rancœur, elle devient malade d’elle-même et accouche du pire. Alors, 80 ans après la fin du génocide, la lutte contre les actes et discours de haine doit être la marque distinctive de notre époque. »
Eléonore Tournier

L’émouvant hommage chanté de Nathalie Weksler, fille de déportée

Eléonore Tournier

 

 

Accompagnée du violoniste Hasan Bakal/i. Nathalie Weksler a interprété., un chant yiddish qui a bouleversé
l’assistance. Photo Arnaud Castagne

Son interprétation du chant yiddish Eli, Eli, une prière écrite en 1942 de Hannah Szenes mise en musique en 1945 par David Zehavi, aux côtés du violoniste Hasan Bakalli, a bouleversé l’assistance. « Vous m’avez ému aux larmes. », glisse un lycéen à Nathalie Weksler, à la fin de la commémoration. « C’est une transmission, comme la poésie. C’est essentiel », lui répond la chanteuse qui a également interprété My shvester Jaye de Binem Heller, poète d’origine polonaise.
« J’ai à cœur de chanter ce répertoire qui me vient de mes racines, le yiddish, et de le transmettre, car beaucoup des vecteurs de cette langue sont maintenant morts », confie Nathalie Weksler, chanteuse et aussi professeure d’anglais à Besançon.
Sa mère, Hélène Weksler, née en Pologne, a été déportée à l’âge de 16 ans à Birkenau, avec ses parents qui n’en reviendront jamais. Aidée par des amies d’infortune – Rachel qui l’a sauvée plusieurs fois, ou Esther qui chantait des chants qui apportaient de la joie, a rappelé Nathalie – Hélène survit au camp et aux marches de la mort. À son retour en France, elle est recueillie par l’œuvre de secours à l’enfance (OSE) où elle devient monitrice, éducatrice puis assistante sociale. Hélène Weksler dirige de 1958 à 1960 le premier appartement thérapeutique en France pour des jeunes filles malades. Elle est décédée en 1996. Un foyer de placement familial porte aujourd’hui son nom.
À sa fille, Hélène Weksler, mélomane, a transmis sa passion pour la musique. En plus de son histoire. Nathalie a écrit une performance qu’elle a présentée en forêt lors du festival Back to the Trees à Saint-Vit en 2022 , « pour raconter à ma façon tout ce que ma mère m’a confié, notamment pendant son évasion dans la forêt, les marches de la mort. Avec des poèmes de Paul Celan, un grand poète de la Shoah, en langue allemande et avec des chants. » Aujourd’hui, Nathalie Weksler souhaiterait « pouvoir remontrer ce spectacle ». « J’aimerais continuer à transmettre. Paul Celan a dit « personne ne témoigne pour le témoin ». J’ai à cœur de le contredire à ma façon. »

Marc DAHAN est membre de la communauté cultuelle israélite de Besançon et Coprésident de l’Amitié judéo-musulmane de France.

Voici un extrait du discours prononcé en ce 27 janvier 2025 et qu’il a bien voulu nous communiquer

« Intervenir après la lecture par Monsieur le Préfet du message de la ministre chargée de la Mémoire et des Anciens combattants m’amène obligatoirement à faire quelques redites. Vous voudrez bien m’en excuser.

27 janvier 1945 – 27 janvier 2025
Il y a 80 ans jour pour jour, vers 15 heures, les soldats de l’Armée rouge franchissaient les portes d’Auschwitz-Birkenau, dans la Pologne occupée par l’Allemagne nazie. Ils y découvrent environ 7 000 survivants, incapables de marcher, laissés pour compte par les nazis dans leur fuite. Ces hommes, femmes et enfants étaient les ultimes témoins vivants de l’horreur indescriptible qui s’était déroulée dans ces lieux.

À la fin de 1944, conscients de l’avancée imminente de l’Armée rouge, les responsables nazis du camp s’efforcent de dissimuler les preuves de leurs crimes. Les archives sont détruites, et la majorité des installations – chambres à gaz, crématoires, baraquements – sont dynamitées ou incendiées. Mais malgré ces tentatives, les traces des atrocités demeurent : des tonnes de cheveux humains, des montagnes de vêtements, des valises marquées de noms.

Le 18 janvier 1945, les SS ordonnent l’évacuation forcée d’environ 70 000 détenus, presque tous juifs. Débute alors une série de « marches de la mort », dans des conditions inhumaines, vers l’intérieur du IIIe Reich. Sous la neige et dans un froid glacial, les déportés sont contraints de marcher, parfois pieds nus, sur des dizaines de kilomètres, puis ils sont entassés dans des wagons à bestiaux à destination des camps en Allemagne. Sur ces routes de l’horreur, des dizaines de milliers périssent, succombant au froid, à l’épuisement, ou exécutés d’une balle par leurs gardiens.

Parmi les survivants se trouvait Jacqueline Teyssier, une femme exceptionnelle qui s’est investie sans compter dans la transmission, aux élèves des lycées et collèges de la région, transmission des moments terribles qu’elle a vécus depuis l’arrestation de sa mère lors de la rafle du Vél’ d’Hiv le 16 juillet 1942 jusqu’à sa libération le 15 avril 1945 du camp de Bergen-Belsen, alors qu’elle ne pesait plus que 28 kilos. Elle n’a jamais oublié la promesse faite entre déportés :
« Si tu rentres en France avant moi, tu diras, tu parleras, tu expliqueras tout ce que nous avons vécu. Il faut que le monde sache que nous avons toujours lutté pour ne pas être déshumanisés, pour ne pas devenir de simples numéros tatoués sur nos bras. »

À leur arrivée à Auschwitz-Birkenau, les soldats soviétiques découvrent un camp déserté, où souffle un vent glacial, et des baraquements à moitié détruits. En entrant dans les bâtiments encore debout, ils tombent sur des hommes et des femmes, terrifiés, recroquevillés sur des planches de bois rudimentaires, serrés les uns contre les autres pour tenter de survivre.
Dans un des baraquements, ils trouvent des enfants, principalement des jumeaux, derniers survivants des expériences inhumaines menées par le tristement célèbre docteur Mengele. Ces enfants portent sur leurs corps et dans leurs regards les marques de la cruauté sans nom à laquelle ils ont été soumis.

Par notre présence ce matin, accueillis par la ville de Besançon, en sa citadelle, haut lieu de la résistance franc-comtoise, nous nous associons à la cérémonie internationale qui se tiendra cet après-midi, sur le site de Birkenau.
Une fois encore, c’est la mémoire qui nous rassemble, unie dans le refus de l’oubli, portée par la force impérissable du souvenir. Le souvenir des convois qui, chaque jour, partaient des quatre coins de l’Europe, transportant des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, vers les usines de la mort. Ces trains n’avaient qu’un seul but : faire disparaître leurs passagers, non seulement physiquement, mais aussi de nos mémoires. En l’espace de quelques années, près de six millions de Juifs, soit les trois quarts des Juifs d’Europe, furent méthodiquement exterminés.

BESANÇON 80e anniversaire de la libération d’Auschwitz

<< Les lycéens portent sur leurs épaule la responsabilité de la mémoire >>
Eléonore Tournier

 

Âgés entre 15 et 18 ans. en classe de Seconde et Terminale des lycéens ont lu des poèmes et témoignages de survivants des camps d’extermination nazis. Photo Arnaud Castagné

Les lycéens étaient au cœur de la cérémonie commémorant, ce lundi, le 80e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz. Ils ont lu des textes et des poèmes autour de l’univers concentrationnaire. Alors que les témoins directs de la Shoah ne sont plus qu’une poignée, leur engagement pour perpétuer la mémoire est essentiel.

En ce lundi 27 janvier 2025, jour du 80e anniversaire de la libération du camp- d’Auschwitz Birkenau et journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité, ils ont longuement pris la parole. D’abord à l’extérieur, sous une pluie battante devant le monument des fusillés, en face du musée de la Résistance et de la Déportation. Puis à l’intérieur, dans la chapelle Saint-Etienne. « Ils », ce sont des lycéens de Pergaud et Pasteur. Âgés entre 15 et 18 ans, en classe de Seconde et Terminale, ils ont lu tour à tour des poèmes, témoignages et récits de survivants des camps d’extermination nazis.

« C’était un engagement personnel de notre part. On avait envie de rendre hommage à toutes les victimes et de participer à la commémoration », confie Elisa, élève en terminale au lycée Pergaud qui a choisi un texte de Charlotte Delbo, résistante déportée à Auschwitz-Birkenau puis à Ravensbrück. La jeune fille de 18 ans a été « touchée » par la force de son poème « où la dénonciation est très forte ».
Depuis quelques années, les lycéens prennent une part active aux commémorations du 27 janvier. « La présence de ces adolescents est un signal fort. Ces lycéens portent sur leurs épaules la responsabilité de la mémoire et nous leur en sommes infiniment reconnaissants », a salué Marc Dahan, représentant Les Amis de la fondation de la mémoire de la déportation. Ce dernier a mentionné le rôle central de leurs enseignants, « maillons essentiels de cette transmission », alors que les témoins directs de !’Holocauste sont aujourd’hui quasiment tous disparus. Jacqueline Teyssier, l’une des dernières rescapées de la Shoah du Doubs, s’est éteinte en mars 2022 à l’âge de 98 ans.
Pendant des années, Christine Chatot-Pierralli , enseignante d’histoire au lycée Pergaud, a fait intervenir dans ses classes des résistants et déportés pour qu’ils témoignent de la barbarie nazie. « Désormais, ce sont leurs enfants qui viennent raconter », explique-t-elle. « Avec leur témoignage, les élèves sont touchés, car c’est dit par d’autres personnes, c’est incarné. C’est un parcours de vie et c’est un vrai exemple. Ce n’est plus quelque chose qu’on va chercher dans un livre. » Enseigner l’Holocauste ne serait toutefois plus aussi simple. Le sujet est devenu sensible. « Je n’aurais pas encore dit ça, il y a quelques années, mais aujourd’hui, je sens qu’il y a de l’antisémitisme larvé et ouvert. Et ça personne ne peut le nier ».
Pour la première fois cette année, rapporte l’enseignante, des élèves ont empêché le bon déroulé du cours en faisant du bruit, en criant, en rigolant pour masquer sa parole ou celle d’élèves. Elle affirme néanmoins ne pas sentir menacée. « Parce que j’ai cet engagement, que j’ai connu les anciens résistants et déportés. Parce qu’ils m’ont dit qu’il fallait qu’on continue.
C’est un vrai combat, un vrai engagement et lorsque l’on est engagé, on ne se sent pas faillir. Ils sont là avec moi. »

Ce lundi, la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne, a déclaré que l’enseignement de la Shoah devait pouvoir être abordé « sans aucune censure ». Dans son intervention, Marc Dahan a dénoncé quant à lui les « menaces inacceptables » dont sont victimes des enseignants « en danger de par leur engagement », mentionnant Samuel Paty, Dominique Bernard ou encore plus récemment, le professeur d’histoire-géo menacé de mort à Audincourt après avoir montré des caricatures.

       

 

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