7 Décembre 2022: la Scala de Milan ouvre sa nouvelle saison.
Sur le parvis, des voix ukrainiennes s’élèvent contre la représentation de l’opéra Boris Godounov, chef d’œuvre du compositeur russe Modeste Moussorgski. Elles le comparent à un acte de propagande au profit de Vladimir Poutine.
La musique est au cœur de la guerre : s’en suivent l’annulation de concerts. C’est alors que
Des compositeurs défendent leur indépendance vis à vis du pouvoir en place.
De la même manière, T. Sokhiev démissionnera ainsi de son poste du Capitole et de celui de directeur musical du théâtre du Bolchoï.
Autant d’incarnations qui n’auront plus accès à la gloire. Il y a quelque chose comme un renversement des valeurs. Les rois renoncent à devenir glorieux et sont chassés. Comme une poignée de pages arrachées à l’histoire. C’est une musique soustractive : on la congédie dans son exhibition même.
Et puis, l’Histoire le dit bien : la musique sert à briser l’élan de l’ennemi.
Il y a à l’origine une volonté stratégique.
C’est un acte volontaire et démesuré.
Prenons quelques exemples:
Et songeons aux trompettes qui provoquent la chute des murailles de Jéricho dans l’Ancien Testament,
ou l’usage de la torture acoustique dans la prison de Guantanamo.
La musique brise la volonté de la partie adverse.
Nous retrouvons le même processus
dans la guerre du Vietnam. Les consciences se dé familiarisent,
la musique restitue son très grand pouvoir.
A l’inverse la musique galvanise les troupes des armées afin de lutter contre la peur.
La musique porte à son comble les énergies positives.
Elle mobilise la puissance, pour redonner vie durant la guerre à tous ces héros qu’elle exhume.
Elle s’inscrit dans la passion, elle brosse des portraits,
elle érige des valeurs avec des pigments et du sel d’or.
2014, à Kiev, un piano déverse du Chopin pour exprimer la liberté et la démocratie.
Pendant la guerre froide, le département d’état américain,
Lance un programme « les ambassadeurs du jazz »
afin de promouvoir une identité nationale qui intègre les traditions afro-américaines.
De l’autre côté…
Le Kremlin organisera un concert en Syrie, à Palmyre, pour célébrer la reprise de la ville par les russes sur l’état islamique.
Bref, la musique contribue au prestige de la puissance.
Support des gouvernement, matrice du pouvoir, la musique est aussi le moyen d’orienter les pensées.
Elle dessine aussi un sentier de paix avec Daniel Barenboim qui réunit dans son orchestre israéliens et palestiniens. C’est ainsi une manière de dévoiler sa théâtralité, de mettre à découvert sa rhétorique emphatique, sa puissance volubile. Sa positivité cède au désir de convaincre les peuples.
Elle est comme ritualisée.
C’est comme une scénographie mais une scénographie qui travestit.
La musique a également un effet pacificateur.
On parle de » musique pacificatrice ». Elle intensifie, à rebours, le calme et la sérénité.
Dans le contexte de l’agression russe, des oeuvres ont été mises à l’index:
la radio polonaise annule Pulchinella de Stravinsky en mars 2022,
et Cardiff choisit de retirer la marche slave de Tchaikovski.
C’est là que la musique est plus intense, quand on la dépouille dans un souci de remonter l’histoire.
Parfois aussi, la musique milite pour la paix et la justice sociale.
Elle fonde le désir de cohésion. Elle en est l’enchantement.
Des mouvements s’enroulent autour de ce désir.
Le mouvement Opera for Peace en est l’exemple.
Ainsi, la musique a des utilisations politiques multiples.
Sous la variété des formes, des défroques, des censures ou des mises en avant,
c’est toujours la même musique et son pouvoir magique, ensorceleur.
Elle sert à retisser des liens entre les communautés,
à rassembler chaque jour le puzzle infini de l’humanité,
à galvaniser les troupes ou à sidérer l’ennemi.
Elle permet à chacun de se reconnaître et de se projeter.
Mais n’oublions pas en dernier lieu qu’elle adoucie aussi les mœurs.
J ‘ai voulu au gré de ma bibliothèque, dessiner bien des silhouettes de la musique.
Elle emprunte ce mouvement vertigineux de la guerre, l’encourage ou la freine.
Elle fait partie de la ronde de l’histoire.
Elle est toujours une voix, qui dévide d’un bout à l’autre de la guerre, un penchant particulier.
Avec sa beauté et sa roublardise.
STEPHANIE
Précision : Sokhiev du théâtre du Capitole à Toulouse.
Le Bolchoî à Moscou bien sûr
Merci de votre info