Durant les cérémonies du 75ème anniversaire du débarquement, le 15 Août 2019, Emmanuel Macron s’est rendu à la nécropole nationale de Boulouris, en présence de l’ancien président Nicolas Sarkozy, ainsi que des présidents guinéens, Alpha Condé et ivoirien, Alassane Ouattara.

Son discours, qui rendit hommage aux combattants venus d’Afrique : Français d’Algérie, Maghrébins, et Africains subsahariens, ayant participé au débarquement a cette ambition compensatoire de racheter le défaut d’existences mineures : « La France a une part d’Afrique en elle et sur ce sol de Provence, cette part fut celle du sang versé. Nous devons en être fiers et ne jamais l’oublier : les noms, les visages, les vies de ces héros d’Afrique doivent faire partie de nos vies de citoyens libres parce que sans eux nous ne le serions pas »

Cette formule d’Emmanuel Macron me laisse sceptique lorsque je songe au cas de mon grand-père, pensionné de guerre au taux de 100 pourcents (article 115) ….

Son discours a une tonalité et une couleur gaullienne, en disant qu’avec « son armée nationale reconstituée » » la France renouait le fil rompu quatre ans auparavant, celui de ses valeurs et de sa grandeur ». La vraie France ne serait pas à Vichy mais bien à Londres, Brazzaville puis Alger.

Que dire de ses prédécesseurs ?

En 2004, à Toulon, Jacques Chirac avait loué « ses jeunes d’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, fils de l’Afrique occidentale ou de l’Afrique équatoriale, de Madagascar ou de l’Océan indien, de l’Asie, de l’Amérique ou des territoires du Pacifique, qui se sont magnifiquement illustrés dans les combats de notre libération »En 2014, François Hollande avait évoqué, quant à lui, depuis le Mont Faron, dans le Var « ces hommes qui par leur sacrifice ont noué entre notre pays et l’Afrique un lien de sang que rien ne saurait dénouer ».

En effet, revenons un peu sur les évènements.

Le 15 août 1944, à 8H, les Alliés débarquent en Provence, sur dix-huit plages entre Toulon et Cannes. Ce débarquement comporte un contingent important de Français. Aux côtés des troupes anglo-saxonnes figure un corps d’armée constitué de 260 000 Français sous le commandement du général Jean de Lattre de Tassigny.

Baptisé Anvil , « enclume », Puis Dragoon, « dragon »,le débarquement de Provence est placé sous le commandement du général Alexander Patch, qui commande la VII Armée américaine.

L’armée française est forte de 260 000 hommes. Elle est constituée de volontaires de la France Libre et surtout d’anciens soldats de l’armée d’armistice, qui étaient aux ordres de Vichy. Elle recence aussi des Français d’Algérie et des musulmans à part égale.

Durant la nuit du 14 au 15 Août 1944, 9000 parachutistes Anglo saxons sont largués dans l’arrière-pays entre les massifs des Maures et de l’Estérel.

A l’aube arrivent les premiers navires, avec aussi une solide couverture aérienne.

En deux jours, 115 000 hommes touchent terre. Dès le 19 août 1944, les Allemands reçoivent de leur hiérarchie l’ordre de se replier. A l’exception des garnisons de Toulon et Marseille qui ont ordre de résister.

L’objectif du débarquement en Provence était de créer un nouveau front en France.

Ce plan incluait de détruire la XIX ème armée allemande, qui avait pour tâche de défendre le Sud-Est de la France. L’armée française de libération avait la charge de libérer les ports de Toulon et de Marseille. Et afin de réaliser cet objectif, une force blindée progresse vers le nord, Draguignan, Digne et Sisteron et oblique vers le Rhône, ce afin de couper la retraite des forces allemandes, lors de la bataille de Montélimar ;

Une anecdote croustillante : la veille du 15 Août, Radio Londres diffuse 12 messages pour la résistance : « un chasseur est affamé », « Nancy a le torticolis », « le premier accroc coûte deux cents francs », qui deviendra le titre d’un recueil de nouvelles d’Elsa Triolet, une femme de lettres résistante qui obtint pour cette œuvre le prix Goncourt 1945 ;

Double gain, puisque la littérature est aussi inspirée par le débarquement. L’écrivain français puis sénégalais, Léopold Sédar Senghor écrira le poème « Pour un FFI noir blessé »

Ainsi, en deux semaines la Provence aura été libérée. La progression principale se fait par le Nord. Les derniers combats ont lieu fin avril 1945.

Le bilan est lourd : au total, plus de 94 000 soldats et 11000 véhicules ont été débarqués le 1er jour. Du 15 au 29 août, les pertes de l’armée s’élèvent à 933 tués, 19 disparus, et 3732 blessés.

Les soldats alliés tombés au cours de la campagne de Provence sont enterrés dans différents cimetières : la nécropole de Boulouris, la nécropole nationale de Luynes, le cimetière américain de Draguignan, le cimetière militaire britannique de Mazargues.

J’ai écrit cet article parce que mon grand-père RAMOS José Antonio avait participé au débarquement de Provence. Mais trépassé, il a cette pâleur des morts que seule prolonge la fonction rituelle de l’écriture de sa petite fille, Stéphanie, qui, comme un passeur d’âme veut faire retentir une langue spectrale dans les consciences. Je me fais donc l’arpenteur de mémoire qui érige, au milieu du récit de tous ces valeureux soldats, une stèle d’un petit cimetière intime celui de mon grand-père paternel.

La postérité se fabrique au présent, nous dit-on. Pourtant, mon grand -père comme beaucoup d’hommes n’aura ni médaille militaire, ni légion d’honneur, ni plus tard la mention Mort pour la France. Les discours des politiques offrent beaucoup de projections, d’espoirs et d’horizons. Mais la réalité est tout autre, elle creuse et interroge nos consciences. C’est cette triste lucidité que je veux affirmer avec force à la fin de mon article, comme autant de vies sacrifiées, puis empêchées, comme autant de héros, portés par le désir de secourir la France, pays où la mémoire comme la reconnaissance de nos pères, nous font cruellement défaut.

Stéphanie RAMOS

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